samedi 4 mars 2023

Retour sur la première projection d’un détachement de l'APVN dans une opération internationale d’assistance humanitaire (12-24/02/2023).

Le 10 février 2023, le général de corps d’armée Nguyễn Tân Cương, chef de l’état-major général des armées vietnamiennes, a annoncé l’envoi d’un détachement de secouristes en Turquie, dans le cadre de l’assistance internationale apportée à ce pays suite au séisme qui, le 06 février, a frappé la région de Gaziantep (et le nord de la Syrie). Alors qu’il avait fallu près de 15 ans pour que l’APVN déploie prudemment son premier observateur dans une opération onusienne de maintien de la paix, seuls quelques jours ont séparé la décision de projeter un détachement militaire en opération humanitaire à 11 heures de vol de Hà Nội, la constitution ce détachement et son engagement (mais aussi son désengagement, le 23 février). Un véritable tour de force qui prouve que le Viêt Nam dispose de réelles capacités d’engagement dans certains segments et notamment dans celui de l’assistance aux victimes de catastrophes naturelles, mais aussi qu’il est capable d’agir vite, loin (en bénéficiant il est vrai d’une aide à la projection, en l’occurrence un avion de la compagnie Türkish Airlines), et pour une période limitée.

Le ministère de la sécurité publique (Công an) avait montré la voie : le 09 février, 24 secouristes issus du corps des pompiers quittaient Hà Nội dans un avion civil turc. Après s’être posés le lendemain à Istanbul, ils ont transité par Adana puis ont rejoint leur zone d’intervention à Adiyaman, au nord de la frontière avec la Syrie. 

Dans le même temps, le Département sauvetage des victimes, appartenant à l’état-major général des armées, a été chargé du montage et du pilotage de cette opération militaire. Il a rapidement constitué un détachement de 76 militaires, articulé en :

- un groupe de commandement, à sept militaires dont le chef de mission : le général de brigade Phạm Văn Tỵ, adjoint au directeur du bureau permanent du Comité national en charge des opérations de sauvetage liées aux catastrophes naturelles ;

- un détachement médical, comprenant 30 membres du Service de santé des armées ;

- un détachement de recherche et sauvetage, composé de 30 membres de l’arme du génie ;

- une équipe cynophile (neuf militaires et six chiens) du commandement des garde-frontières. 

Outre son matériel de dotation et des vivres pour travailler en autonomie durant un mois, l’unité a emporté quelque 25 tonnes d’aide humanitaire destinée aux populations sinistrées.

Le détachement a quitté Hà Nội dans la soirée du 12 février, après une courte cérémonie à laquelle ont assisté le général Nguyễn Tân Cương et l’ambassadeur de Turquie Haldun Tekneci. Comme de coutume et encore plus pour une première historique, l’événement a donné lieu à une très importante médiatisation, parfaitement orchestrée par l’état-major général des armées. 

Drapeaux, accolades, articles sur le parcours de certains membres de cette mission, et mise en valeur du fait que tous les militaires sélectionnés sont membres du Parti communiste vietnamien, toutes les vertus de ces « soldats d’Hồ Chí Minh » (Bộ đội Cụ Hồ) ont été placées sous les feux des médias, qui ont opportunément inséré un reporter (militaire lui aussi) dans le détachement afin de relater au quotidien son action. Une mission dont il s’est acquitté à la perfection : nouvelle cérémonie avec déploiement des drapeaux à l’atterrissage à Istanbul le 13 février, puis couverture de tous les faits et gestes de ces militaires de l’action humanitaire sur leur site d’engagement - Antioche (Antakya), chef-lieu de la province de Hatay, qui a été rejoint le 14 février. 


Travaillant dans des conditions difficiles, au contact de détachements en provenance de nombreux pays (Chine, Bahrein, Sénégal entre autres), les militaires vietnamiens ont apporté leur pierre à la recherche de survivants parmi les décombres de la ville. Dans cette course contre le temps, les résultats ont été maigres (près d’une trentaine de corps retrouvés) mais l’important pour Hà Nội était surtout de ne pas être absent de cet effort international. Nul esprit de compétition ne prévalant dans ce type d’opération, les militaires vietnamiens ont semblé parfaitement à leur place dans ce dispositif visant à appuyer les forces locales dans les recherches. 


Le 17 février, les sauveteurs de la Công an ont été désengagés. Ils ont rejoint Hà Nội deux jours plus tard, avec à leur crédit le sauvetage d’une victime des décombres et la récupération de 14 corps, ainsi que le don de 15 tonnes de matériel aux autorité turques.

Le détachement militaire a pour sa part été désengagé le 23 février. Bénéficiant à nouveau d’un appareil de la Türkish Airlines, il s’est posé à Hà Nội le 24 février. Mise en scène oblige, l’on a pu voir le général Tỵ descendre de l’avion, dans la douceur hanoienne (20 degrés à 15 heures) avec sa casquette grand froid vissée sur le crâne, tandis que ses hommes (aucune femme n’avait en effet été projetée dans cette opération) brandissaient les drapeaux de la solidarité vietnamo-turque. 

Cette remarquable opération de communication s’est conclue le lendemain par une impressionnante cérémonie de remise de lettres de félicitations, par vagues successives, à tous les militaires (il en avait été de même pour tous les secouristes de la Công an dès leur retour). 

L’observateur n’a pu s’empêcher de penser que le plus important n’était pas forcément les militaires mis à l’honneur mais la mise en exergue des personnalités et associations qui se bousculaient pour décerner, tant aux individus qu’aux unités auxquels ils appartenaient, leur(s) diplôme(s) : cabinet du Premier ministre, ministère de la défense (GAR Lương Cường, directeur du Département général Politique ; GCA Nguyễn Tân Cương, CEMG ; GCA Võ Minh Lương et Hoàng Xuân Chiến, vice-ministres) ; Jeunesse communiste Hồ Chí Minh, Comité de la Croix-Rouge vietnamienne. L’on peut au moins saluer le fait que ces soldats n’attendent pas des mois
(voire plus) pour voir leur(s) action(s) gravées dans des témoignages de satisfaction ou lettres de félicitations. A contrario, l’on remarquera que, dans cette « manœuvre de la félicitation », tout le monde est mis d’emblée sur un pied d’égalité - sauf les chiens sauveteurs, qui n’ont pourtant certainement pas démérité dans cette mission tout aussi à hauts risques pour eux. 


Cette mission réussie portera sans aucun doute du fruit sur le long terme, sur plusieurs niveaux : renforcement de l’image de l’armée (et de celle des hautes autorités politiques) au sein de la société vietnamienne, avec son engagement dans l’exécution des missions ordonnées par le Comité national en charge des opérations de sauvetage liées aux catastrophes naturelles ; renforcement de l’image du Viêt Nam sur la scène internationale (engagement immédiat et sans réserve dans des causes humanitaires d’urgence, y compris sans expérience internationale initiale) ; et bien sûr renforcement des connaissances opérationnelles des sapeurs, médecins et infirmiers, et équipes cynophiles dans cette première opération de secours, très loin de leurs bases et sur un théâtre d’opération très dur par l’ampleur des destructions et des victimes mais aussi par la grande âpreté des conditions climatiques et de travail. Ce bilan indéniablement positif devrait en tout état de cause permettre aux unités destinées à être engagées dans des opérations de secours humanitaire, y compris chaque année sur le sol vietnamien, de profiter du retour d’expérience de ces « pionniers », et ce avant même le début de la saison des typhons. Ce segment de l’activité militaire, notamment de ses composantes service de santé et génie, devrait enfin ouvrir un nouveau champ dans l’éventail des actions de coopération que les autorités vietnamiennes ouvrent avec leurs partenaires internationaux, qu’ils soient régionaux (Singapour, Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande pour l’Asie du sud-est ; Japon, Corée du sud, Chine pour le cercle un peu plus lointain) ou occidentaux. 

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