Patrouille conjointe de garde-côtes vietnamiens et chinois, en présence des commandants en chef de ces composantes (11-13 avril 2023)

 

Il est parfois des signaux qui font du bien. Du 11 au 13 avril 2023, la police maritime vietnamienne et son homologue chinoise ont conduit une patrouille conjointe dans les eaux du golfe du Tonkin. 

Cet exercice, devenu routinier depuis 2006 en application de la délimitation des eaux de cette région particulièrement fréquentée, en est à sa vingt-sixième édition. Il vise à attirer l’attention des pêcheurs et navires qui sillonnent cette région sur le fait que ses eaux sont bien délimitées (par l’accord bilatéral sur la délimitation du golfe du Tonkin, signé le 25 décembre 2000 et entré en vigueur le 30 juin 2004) et que les instances compétentes des deux grands riverains veillent harmonieusement à son respect, tout en luttant contre tout comportement prédateur portant préjudice au fragile équilibre de cet écosystème unique et déjà menacé par la surpêche et un trafic maritime porteur de pollution maritime de longue durée. Contrôle des navires de pêche, vérification de la conformité des équipements et des documents de bord, sensibilisation des équipages approchés aux procédures relatives aux opérations de sauvetage dans cette zone où opèrent pêcheurs, bâtiments de surveillance des pêches et garde-côtes des deux pays, cette mission qui se déroule généralement dans une période climatique clémente (printemps, fin de l’automne) dépasse la simple opération de présence. 

Cette première patrouille de l’année 2023 a été l’objet d’un coup de flash médiatique sans précédent, notamment du côté vietnamien, en raison de la supervision directe des opérations par les commandants en chef des garde-côtes des deux pays. Pour accroître la portée de cet événement, le général de brigade Lê Quang Đạo avait convié des représentants des neuf provinces baignées par ces eaux (de Quảng Ninh au Nord à celle de Quảng Bình largement au Sud), du ministère de l’agriculture et du développement des campagnes ainsi que de toutes les composantes sécuritaires (garde-frontières, sécurité publique, douanes), sans oublier les journalistes, vecteur d’amplification de cette grande première vers l’auditorat intérieur, à embarquer à bord du bâtiment phare des garde-côtes (le patrouilleur de haute mer CSB 8004).

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Alors que les relations entre Hà Nội et Pékin sont régulièrement orageuses à propos des questions de souveraineté territoriale dans les eaux de la mer « de l’Est » et notamment des Spratley dans lesquels les deux rivaux (mais aussi les autres prétendants à la souveraineté sur certains îlots et récifs) continuent de se livrer à d’importants travaux de poldérisation et de consolidation des terres gagnées sur les eaux, les deux voisins n’hésitent pas à cultiver, essentiellement vers leurs audiences intérieures, l’image de partenaires de confiance, respectueux des traités signés et de leurs engagements réciproques. Cela produit des images pouvant aller jusqu’aux embrassades chaleureuses, dont la presse est toujours friande, et qui jettent une risée d’optimisme sur une relation actuellement dans une phase apaisée mais qui n’est jamais à l’abri de coups de froid brutaux.

Escale française à Hải Phòng (02 au 06 avril 2023)

 

Tout anniversaire a besoin d’un événement phare. Le cinquantième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la république socialiste du Viêt Nam, le 12 avril (1973-2023), certes placé sous l’angle des « cultures partagées », a été rehaussé par l’escale à Hải Phòng, au plus près de la capitale, d’un bâtiment militaire français, en l’occurrence la frégate de surveillance Prairial (F-731), qui avait quitté fin février 2023 son port d’attache de Papeete (Tahiti) pour entamer un déploiement dans le Pacifique occidental placé sous le signe de la contribution française à la liberté internationale de navigation, y compris dans les eaux disputées de la mer de Chine méridionale. Le bâtiment avait précédemment fait relâche à Sihanoukville (24-28 mars) pour ce qui a représenté la première escale militaire française dans ce pays depuis sept ans (dernière escale effectuée par le Vendémiaire, frégate «sœur » du Prairial, du 23 au 28 avril 2016).

Dans le prolongement de cette relâche qui avait obtenu un important rayonnement médiatique au Cambodge, la frégate a accosté le 03 avril au port militaire de Chùa Vẽ. Le capitaine de vaisseau François Maignan, pacha du bâtiment, a été accueilli par les autorités militaires et civiles de Hải Phòng ainsi que par le capitaine de vaisseau Frédéric Daumas, attaché de défense à Hanoi et qui avait déjà accueilli la frégate à Sihanoukville quelques jours plus tôt.

Pour son retour dans un port vietnamien, deux ans après avoir fait une escale sous haute sécurité sanitaire à Cam Ranh en période de pandémie de COVID-19 (mars 2021), l’événement a été jalonné d’activités visant à resserrer les relations bilatérales : outre les entretiens officiels, le Prairial et son équipage se sont prêtés, à l’image de leur opération d’influence très réussie au Cambodge, à une visite du bâtiment par des journalistes, des militaires vietnamiens et des écoliers. L’occasion de voir de nombreuses images de ce fleuron de la marine française de l’Indopacifique, dans un port relativement peu visité par le pavillon tricolore (mais aussi par les marines étrangères, les grands ports que sont Cam Ranh et Đà Nẵng étant plus adaptés à l’accueil de bâtiments de fort gabarit).

Interview du CV Maignan aux côtés de l'ambassadeur de France, M. Warnery.

Cette escale, parfaitement orchestrée par l’ambassade de France et sa mission de défense, a obtenu un écho dans les médias locaux d’autant plus fort qu’elle a associé un volet civil (visite du bâtiment par un groupe de lycéens francophones, accueil de journalistes qui ont été associés à un exercice de lutte contre les incendies et à une démonstration de contrôle de navire suspect) et un programme d’activités militaires dense : outre le traditionnel match de volley-ball contre l’équipe de la 1^e Région maritime, les échanges se sont étendus au domaine de la santé (entretiens avec des représentants de l’Université de médecine et de pharmacie de Hải Phòng et de l’Institut de santé de la marine), avant que l’escale ne se conclue par une interaction à la mer entre le Prairial et un bâtiment hydrographique de la marine vietnamienne. 

Un bilan qui restera comme l’un des plus denses des escales régulières de bâtiments français au Viêt Nam. L’on y verra le fruit du travail de longue haleine de la mission de défense française à Hà Nội pour convaincre des interlocuteurs locaux de leur intérêt à s’engager dans ces « cultures partagées » qui, lorsqu’elles se concrétisent, ne peuvent que s’avérer bénéfiques à la marine populaire vietnamienne, toujours en quête d’expertises dans des domaines de pointe. L’on regrettera cependant que ces temps forts ne soient pas plus fréquents, législation vietnamienne oblige (pas plus d’une escale protocolaire par an) mais aussi rares fréquentations de cette région par les bâtiments français – quoique au demeurant les plus réguliers de toutes les nations européennes.

Visite au Viêt Nam du gouverneur général d'Australie (04-06/04/2023)

Après les visites à Hà Nội, fin mars, d’une délégation militaire canadienne puis de la ministre d’Etat britannique chargée des questions de défense, la diplomatie vietnamienne a déroulé le tapis rouge pour accueillir, du 04 au 06 avril, le général d’armée David Hurley, ex-chef d’état-major des armées australiennes (juillet 2011-juin 2014) et depuis juillet 2019 gouverneur général d’Australie (donc le représentant du monarque britannique sur l’île continent). Une visite de prestige, placée elle aussi sous le signe des 50 ans de relations diplomatiques entre les deux pays, mais rehaussée par une réelle chaleur entre hautes autorités, à l’image de la relation de confiance développée par Canberra avec le Viêt Nam, ce dont les Vietnamiens se montrent particulièrement reconnaissants. 

Le GCA Hoàng Xuân Chiến, vice-ministre de la défense, chargé des relations internationales 

(en tenue d'état-major sur la photo), a dans son portefeuille le pilotage  du volet OMP de l'APVN. 

La riche carrière du général Hurley n’a pas échappé à ses hôtes, qui ont inclu dans son programme d’arrivée une visite très logique au Département des opérations de maintien de la paix, que l’Australie soutient depuis sa création : indispensables cours de langue anglaise, formations ciblées sur les OMP onusiennes, mais aussi mise à disposition des contingents projetés sous Béret bleu sur le continent africain de rotations de gros porteurs C-17, ce qu’aucun autre partenaire de l’armée vietnamienne n’a jamais proposé. Certes, ces partenaires sont déjà engagés dans opérations très consommatrices en moyens de transport stratégique ; certes aussi, l’Australie déploie un contingent, comme le Viêt Nam, au Soudan du sud. Faire un (vaste) crochet par le Viêt Nam pour récupérer des contingents en phase de projection, puis transporter dans un voyage retour les contingents ayant achevé leur mandat est possible. Pour autant, cela a un coût et nécessite à chaque fois deux rotations de C-17, assumées par l’armée de l’air australienne. Le bilan comptable est excellent : depuis 2018, Canberra a pris en charge les mises en place et désengagements de tous les contingents du service de santé (63 militaires par Rôle 2) armant l’hôpital de campagne dont le Viêt Nam a la charge au Soudan du sud et la compagnie du génie (184 militaires, spécialisés dans la création ou la réhabilitation d’infrastructures) déployée depuis l’été 2022 au sein de la Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abiyé (FISNUA). Seize vols ont ainsi déjà été effectués au profit de la seule armée vietnamienne, une tendance qui va se poursuivre avec la prochaine relève du Rôle 2 de la Mission des Nations unies au Soudan du sud (MINUSS).

Le colonel supérieur Phạm Mạnh Thắng, à peine investi dans ses nouvelles fonctions de directeur du DOMP, a donc eu droit à son baptême du feu : la visite du gouverneur général d’Australie et du président Võ Văn Thưởng, excusez du peu ! 

Un port de béret à peaufiner un peu! 
Mais cet attribut n'est pas dans le paquetage 
du militaire vietnamien.

Nouveau treillis, nouveau béret, il a ainsi entamé par le plus haut niveau un très long cycle d’accueil de visiteurs de tous pays, de tous rangs, dirigés quasi automatiquement vers cette vitrine de l’insertion - très bonne au demeurant - des militaires vietnamiens sur la scène internationale, moyen aussi de ne pas évoquer l’épine diplomatique que représente la proximité du régime de Hà Nội avec la Russie du président Poutine, et ce malgré l’agression russe contre l’Ukraine. La facilité avec laquelle le général Hurley a créé le lien avec le nouvel officier de marque des OMP vietnamiennes augure une poursuivre fructueuse de l’empreinte australienne dans la formation des contingents qui se préparent à être envoyés en terre africaine. 

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Cette chaleur réciproque entre autorités vietnamiennes et australiennes, forgée depuis de nombreuses années, confère à l’Australie un véritable statut de puissance de l’Indopacifique et tout particulièrement dans cette Asie du sud-est considérée par Canberra comme étant dans son très proche environnement (une réalité confirmée par la géographie, le nord de l’Australie se trouvant à quelques encablures de l’immense archipel indonésien). 

Cette situation résulte entre autres d’années d’investissement sur des Australien.ne.s, y compris dans l’apprentissage de la culture et de ces langues si souvent considérées ironiquement comme « exotiques » par des nations qui revendiquent une stratégie indopacifique. Formés sur le long terme, dans des domaines à vocation régionale (à l’image de la - désormais - générale Nerolie McDonald, qui a été le premier attaché de défense féminin au Viêt Nam), ces spécialistes permettent de porter la relation au meilleur niveau et sont des artisans d’une confiance qui se renforce d’année en année. 

Un choix qui a son coût certes, y compris humain, mais qui confirme que l’Australie sait se mettre à la portée de ses partenaires de la région. Une situation qui ferait plaisir à Hồ Chí Minh, devant le mausolée duquel le gouverneur général d’Australie s’est prêté à une cérémonie de dépôt de gerbe, et qui professait de «planter des hommes pour cueillir des fruits pendant cent ans » (Vì lợi ích một trăm năm, trồng người). Un proverbe non dénué de bon sens, à l’image de la relation florissante entre Canberra et Hà Nội.

Vì lợi ích mười năm, trồng cây!
("Pour cueillir des fruits pendant dix ans, plantez des arbres!")

Mars 2023, un printemps porteur de relance d'activités pour le ministère vietnamien de la défense

Le mois de mars s’inscrit souvent comme une période de coup d’accélérateur des activités de l’armée populaire vietnamienne (APVN). Sans doute faut-il y voir la conjonction de deux facteurs que sont le début du cycle d’entraînement opérationnel de toutes les unités, une fois la période d’accueil des nouvelles recrues achevée, et l’arrivée d’un ciel climatiquement plus serein avec la sortie de l’hiver (qui est une vraie réalité pour les unités du Nord du pays). Mars 2023 n’a pas échappé à cette tendance, nul besoin pour les autorités du ministère de la défense de forcer le trait de la communication pour combler des trous d’une actualité sans relief. 

L'action du général Phụng résumée en quelques mots. 
(à vos dictionnaires!)

Le mois aura été dense, au moins pour ce qui est de la face visible des activités de l’APVN, dont on retiendra :

- un événement « historique » : le départ à la retraite du général de brigade Hoàng Kim Phụng, qui a été pendant une décennie l’alpha et l’oméga de la création d’une composante opérations onusiennes de maintien de la paix au sein de l’APVN, et sa passation de témoin au colonel supérieur Phạm Mạnh Thắng, ex-attaché de défense à Paris (voir à ce sujet mon précédent post). Ce dernier a été plongé dans le grand bain et dans son nouvel uniforme dès le départ de son illustre prédécesseur, et a accueilli le 04 avril le président Võ Văn Thưởng accompagné du gouverneur général d’Australie (général d’armée, ex-chef d’état-major des armées australiennes) David Hurley.

- une nouvelle couche d’honneurs pour les 76 militaires (et 24 pompiers secouristes) qui avaient été projetés en février, pour la première fois, dans une opération humanitaire internationale de grande ampleur - en Turquie suite au séisme qui avait dévasté la région de Gaziantep et le nord de la Syrie le 06 février. Le 17 mars, tous ont été reçus par le premier ministre Phạm Minh Chính en présence de l’ambassadeur de Turquie et du général d’armée Phan Văn Giang, ministre de la défense. 

Même si les résultats de cette opération ont été en-deçà des espoirs de trouver de nombreux survivants, la mission restera un indéniable succès pour les militaires vietnamiens : opérationnellement - y compris par l’engagement dans un milieu très international -, humainement et civiquement - car l’image de l’armée au sein de la population vietnamienne en est sortie renforcée. Nulle surprise donc que, à l’image de ce qui se fait dans beaucoup de pays, ces hommes de l’urgence (*) aient bénéficié d’un rappel sur la scène des honneurs publics.

- sur le front des opérations de maintien de la paix, six officiers d’état-major ont achevé le 22 mars leur déploiement d’un an en Abiyé (4), au Soudan du sud (1) et en république Centrafricaine (le commandant Trịnh Văn Cường avait déjà été projeté au Soudan du sud en 2019). 

En parallèle, le quatrième détachement du service de santé, qui arme l’hôpital de campagne (Rôle 2) de la Mission des Nations unies au Soudan du sud (MINUSS) à Bentiu depuis fin avril 2022, approche de la fin de son mandat : les 63 militaires ont été mis à l’honneur lors d’une Medal Parade présidée par le général de division Mohan Subramanian, commandant la MINUSS, en présence du lieutenant-colonel Nguyễn Kim Tỉnh, commandant les forces vietnamiennes engagées au Soudan du sud (Rôle 2 et officiers d’état-major). A cette occasion, le lieutenant-colonel Vũ Minh Dương, commandant le Rôle 2, a souligné que depuis le début de son déploiement, son détachement avait soigné quelque 1 400 patients, ce qui est dans la norme par rapport aux précédents mandats. 

Enfin, l’on notera la très belle prestation du capitaine supérieur Lê Như Tiến, chargé de cours au sein de l’état-major de l’Union européenne engagé dans la formation des forces armées centrafricaine (EUTM RCA). Cet officier formé à Saint-Cyr se distingue par de belles qualités humaines et professionnelles, et fait honneur tant à son armée qu’à l’Ecole spéciale militaire dont il est issu. Mérite d’être rapidement promu au grade supérieur !

- quelques ajustements sur le haut de l’échiquier de l’APVN : départ de l’institution (15 mars) du général de corps d’armée Đỗ Căn, doyen des quatre adjoints au directeur du puissant Département général « politique » du ministère de la défense ; élévation du général Nguyễn Văn Nghĩa, l’un des adjoints au chef de l’état-major général des armées, au rang de général de corps d’armée (16 mars).

- une densification des activités liées aux relations militaires internationales. 

Le général Phan Văn Giang s’est rendu du 27 au 29 mars en Corée du sud, à la tête d’une délégation de haut niveau, dans laquelle toutes les grandes composantes de l’APVN étaient représentées. 

La délégation a bénéficié d’un programme dense, ouvert par une visite d’unité avec présentation de matériels (et notamment des principaux équipements de l’artillerie sol-sol sud-coréenne) et poursuivi par des entretiens de haut niveau : le 28 mars avec le ministre de la défense Lee Jong-sup, qui a permis de rappeler l’importance du partenariat stratégique global signé en décembre 2022 entre Séoul et Hà Nội et qui se décline au niveau militaire par près d’une vingtaine d’accords de coopération (formation d’officiers, service de santé des armées, cyber sécurité, mais aussi formations dans le domaine du renseignement militaire), prolongés dans le domaine de la lutte contre les conséquences de la guerre (du Viêt Nam) par l’assistance fournie par Séoul en matière de dépollution de zones minées dans les provinces de Bình Định et Quảng Bình. Ce panel s’est encore enrichi par la signature par les deux chefs d’état-major de la marine de « termes de référence pour des consultations navales bilatérales entre le Vietnam et la Corée du sud », qui correspond à une réalité du terrain (maritime), les ports vietnamiens étant régulièrement fréquentés par des bâtiments de la marine et/ou des garde-côtes sud-coréens. 

Le contre-amiral Trần Thanh Nghiêm signant avec son homologue
un document initiant des consultations navales bilatérales entre marines vietnamienne et sud-coréenne.

Comme de coutume, le général Giang a terminé sa visite par un entretien de courtoisie avec le premier ministre Han Duck-soo, apportant une touche diplomatique finale à cette séquence avec un partenaire asiatique majeur du Viêt Nam (notamment sur le plan économique).

Le général de corps d’armée Hoàng Xuân Chiến, vice-ministre chargé des relations internationales, s’est pour sa part rendu le 13 mars à Tokyo à la tête d’une petite délégation afin de coprésider son homologue japonais, Oka Masami, le 9^eDialogue bilatéral de politique de défense. Près de deux ans après la précédente édition, qui s’était déjà déroulée au Japon (novembre 2021), les deux dirigeants ont endossé un plan de coopération déjà dense et tourné en quasi-totalité vers la satisfaction des besoins de l’APVN (acquisition d’expertise en matière d’opérations de maintien de la paix, réponse aux catastrophes humanitaires, formation de personnel du service de santé, mais aussi cyber sécurité), mais qui trouve en contrepoint une présence plus marquée de moyens japonais en mer de Chine méridionale et des facilités d’escales (discrètes) d’aéronefs en transit depuis les théâtres d’opérations internationales vers le Japon. 

Dans le prolongement de cet exercice jamais aisé avec un grand de la région, le général Chiến a pu se ressourcer lors d’un exercice similaire, mais au Laos (23 au 25 mars). Ambiance bien différente, et rôle de « grand frère » parfaitement mis en exergue par une presse aux ordres ! 

Enfin, de retour de cette escapade en territoire conquis, il a conclu le mois par le 4^e Dialogue politique de défense Viêt Nam - Royaume-Uni, qu’il a coprésidé à Hà Nội (29 mars) avec la baronne Annable Goldie, ministre d’Etat chargée des questions de défense, et qui n’est pas une nouvelle venue dans la relation bilatérale. Active soutien de la stratégie indopacifique britannique, Mme Goldie avait en effet coprésidé les deux dernières éditions de ce Dialogue, à Hà Nội en septembre 2019 et à Londres en novembre 2020. 

La partie vietnamienne a endossé cette fois l’uniforme du demandeur d’aide, axée sur les domaines dans lesquels l’expertise britannique est recherchée : anglais opérationnel, OMP onusiennes, mais aussi l’hydrographie et des thèmes plus généraux de sécurité internationale. L’on gardera enfin en mémoire la première escale du patrouilleur HMS Spey au Viêt Nam, du 07 au 11 février à Hồ Chí Minh-Ville, qui s’inscrit bien dans la démarche britannique de présence dans ce vaste espace.

Notons enfin, toujours dans la sphère anglo-saxonne, la visite (27-28 mars) du cours des hautes études militaires de l’armée canadienne. La délégation (une vingtaine de colonels et fonctionnaires de la défense), dirigée par le général de division Greg Smith, chef de la division sécurité internationale du ministère de la défense, a bénéficié d’un programme taillé sur mesure avec, outre l’incontournable passage au DOMP, des entretiens au ministère des affaires étrangères, à l’Institut des relations internationales et de la stratégie et à l’académie de la défense nationale. 

 

Et pour conclure ce mois en se projetant vers un horizon à près de 20 mois, le premier ministre Phạm Minh Chính a officiellement lancé (29 mars) les travaux de préparation du 80^e anniversaire de la fondation (de la première cellule) de l’APVN (22 décembre 2024). A défaut de s’engager ouvertement dans l’organisation d’une parade commémorative dont l’APVN a le secret pour célébrer ce millésime important, le premier ministre mobilise d’ores et déjà la puissance créatrice des unités « artistiques » de l’APVN, comme ce fût le cas pour le millésime 2014, et a choisi le thème de « l’édification d’une APVN puissante sur le plan politique, compacte et forte, qui progresse dans sa modernisation ». Nul doute que, nourries aux seins de l’émulation et de la propagande, ces unités qui brillent déjà lors des Army Games sauront insuffler un puissant sentiment patriotique et de victoire parmi la population nationale. Pour autant, nécessité d’économies budgétaires faisant aussi loi au Viêt Nam, il est peu probable qu’un grand défilé soit organisé. Une exposition de matériel sera certainement organisée à Hà Nội (très probablement sous le label salon international Viêt Nam Défense - Triển lãm Quốc phòng quốc tế Việt Nam) tandis qu’il est déjà acquis que l’ensemble de la population sera abreuvée d’une masse de spectacles mettant en valeur les liens héroïques des militaires avec le peuple vietnamien - et ce rôle de l’armée comme pilier de la défense du régime.

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A peine ces lignes écrites, force est de constater qu’avril confirme déjà les tendances à la hausse des activités militaires, à nouveau conformément à ce critère qui veut que lorsque la météo est plus clémente (et c’est désormais le cas), les visites et interactions vont crescendo. Et l’année 2023, qui est celle du 50^e anniversaire de l’établissement de relations diplomatiques entre la république socialiste du Viêt Nam et la plupart de ses actuels partenaires internationaux, offre donc de très nombreuses opportunités d’événements. 

Force est de constater que la machine de guerre diplomatique anglo-saxonne a compris l’importance d’occuper le terrain : l’escale de la frégate de surveillance française Prairial à Hải Phòng (02 au 06 avril, première escale dans ce port d’un bâtiment militaire, toutes nations confondues, depuis deux ans) a été challengé dans la rubrique « relations internationales » des médias locaux par la très forte couverture médiatique octroyée à la visite de Mme Goldie et surtout à celle du gouverneur général d’Australie. Il n’empêche que, s’il est aisé d’envoyer des diplomates « en patrouille » dans ce lointain Indo-Pacifique, la France est le seul pays de l’Union européenne à matérialiser chaque année sur mer, voire dans les airs, son statut de (grande) puissance régionale, au prix du franchissement de plusieurs milliers de kilomètres depuis la Nouvelle-Calédonie ou la Polynésie française.

 

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(*) Rappelons que l’armée populaire vietnamienne (APVN) avait placé dans cette opération l’accent sur la rusticité du personnel sélectionné (en raison de la grande précarité des conditions d’engagement) et avait choisi de ne pas insérer dans les rangs de ce petit contingent quelques-unes de ses « roses d’acier » : seuls des hommes ont été désignés, contrairement aux opérations onusiennes de maintien de la paix dans lesquelles le Viêt Nam met un point d’honneur à féminiser ses détachements [environ 10 % des effectifs, dans le plus proche respect des quotas imposés par New York]).

Entretien de la flamme de la relation entre militaires vietnamiens et laotiens (23-25/03/2023)

Dix jours après un déplacement à Tokyo, où il a pris part au neuvième Dialogue bilatéral de politique de défense (13 mars 2023), le général de corps d’armée Hoàng Xuân Chiến, vice-ministre vietnamien de la défense, a été reçu le 23 mars à Vientiane par le général de division Vongkham Phommakone, son homologue laotien, avec lequel il a présidé un Dialogue de même format (officiellement le troisième sous ce libellé de "Dialogue politique de défense"). Les deux armées partageant une relation sans nuage, l’armée populaire révolutionnaire lao étant la « petite sœur » de sa grande voisine vietnamienne (mais aussi sous forte influence de proximité de la Chine), les deux interlocuteurs ont échangé sur des thèmes consensuels que sont les questions de sécurité régionale, les rivalités entre grandes puissances en Asie du sud-est, les défis sécuritaires non traditionnels, et conclu en soulignant leur attachement à voir l’ASEAN prendre toute sa place dans le maintien des équilibres régionaux.

Les aspects coopération militaire bilatérale ont été logiquement moins médiatisés en raison de leur contenu qui tombe sous la coupe du secret, mais aussi de l’étroite dépendance laotienne envers un voisin qui n’a aucune ambition de desserrer son emprise/influence sur cette structure de contrôle de son important (géographiquement) voisin. Les deux généraux se sont félicités d’avoir conduit quelque 30 « activités de grande ampleur » en 2022, année qui était placée sous le signe de l’amitié et de la solidarité Viêt Nam – Laos (et vice-versa). Sans surprise, ils ont souligné que toutes les activités planifiées s’étaient déroulées comme prévu. Il est vrai que la proximité historique entre ces partenaires indéfectibles s’exerce dans des domaines très concrets, quasiment tous pilotés par l’armée populaire vietnamienne au profit de sa « petite sœur », et garantissant au régime de Hà Nội un hinterland stable et dans lequel il peut si besoin aisément intervenir : gestion et protection de la frontière, formation et perfectionnement des cadres, missions d’assistance sanitaire au profit des populations. Ils ont par ailleurs exprimé une communion de vues sur la poursuite du développement d’une relation à trois, avec les Forces armées royales khmères, qui sont engagées dans un solide partenariat avec l’armée populaire chinoise et suscitent de ce fait une légitime inquiétude à Hà Nội, qui voit son influence au Cambodge s’effriter fortement. 

Dans le prolongement de ce dialogue, la délégation vietnamienne s’est déplacée (24 mars) dans la province de Houaphanh où elle a pris un petit bain de foule dans une localité proche de la frontière, dans laquelle le gouvernement vietnamien a investi dans le développement d’infrastructures depuis près de 15 ans. 

Toujours sous l’œil des médias des deux pays, le général Chiến a généreusement distribué des cadeaux à 40 enfants et à leurs familles, sélectionnées parmi les plus nécessiteuses (et les plus « méritantes »). L’occasion de faire briller le rôle de « grand frère » que l’armée vietnamienne, par l’intermédiaire de proximité des unités de la 2^e Région militaire, joue auprès de son fidèle voisin.

Enfin, il a conclu sa visite de terrain (25 mars) par une visite, toujours dans la province de Houaphanh, d’un poste frontière qui a noué un parrainage avec une unité vietnamienne de la province limitrophe de Sơn La. Un exercice de routine pour le général Chiến qui, ne l’oublions pas, avait occupé été commandant en chef des garde-frontières. Dans cette emprise visiblement soumise aux aléas de conditions de vie difficiles, le général Chiến a pu donner libre cours à un discours très convenu mêlant incontournable propos idéologiques et quelques réalités de terrain ([…]les forces ennemies accroissent actuellement leurs actions pour miner les relations tissées entre nos deux pays et entre les peuples vietnamien et laotien ; la criminalité transfrontalière et les défis sécuritaires non traditionnels sont chaque jour plus nombreux et plus complexes […]).

Partant de ce postulat, il a appelé les garde-frontières de part et d’autre de la frontière à accroître leur vigilance, à plus partager leurs renseignements sur ces activités et à mener des actions de propagande afin de mobiliser les populations à respecter strictement les directives éditées sur le respect de la frontière et des postes chargés de la protéger. Après avoir bien appliqué l’effet coup de bâton de ce message de rappel aux ordres, il a appliqué une petite pommade de cadeaux pour apaiser la rudesse des conditions de vie de ces hommes (téléviseur, ordinateur et imprimante, amplis pour sono (avec toujours un effet dual, ce matériel étant souvent utile pour diffuser la voix du Parti).

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Au bilan, les deux parties ont toutes raisons de se féliciter d’une relation win-win dans laquelle les partenaires s’unissent tant sur leurs objectifs vitaux (la pérennité des régimes communistes) que sur les moyens devant les garantir (armée, pilier du Parti communiste et de l’Etat). Pour autant, la part du tigre revient à la délégation vietnamienne, tant les rôles de « dominant/dominé » ont été largement éclairés par les médias vietnamiens, tandis que les médias laotiens avaient la tâche de mettre en valeur la solidarité entre voisins et le rôle moteur de l’état-major lao dans cette dynamique. Une situation qui n’est pas sans rappeler celle à laquelle sont confrontées les autorités vietnamiennes dans leurs interactions avec les grandes nations régionales. 

Une page se tourne à la tête du Département vietnamien des opérations de maintien de la paix (29/03/2023)

Il aura indéniablement été l’un des militaires vietnamiens les plus en vue de la dernière décennie, et pourtant il n’est ni membre du Comité central du Parti communiste vietnamien ni dans le sommet de la pyramide du ministère de la défense. Il ne termine sa carrière qu’au rang de général de brigade, grade sommital correspondant à la fonction qu’il assumait dans l’ordre de bataille de l’armée populaire vietnamienne (APVN), mais il est (plus ou moins bien…) connu de tous les ministères de la défense des pays qui ont une relation de défense avec l’APVN, mais aussi au siège des Nations unies et jusque dans les territoires africains (République Centrafricaine, Soudan du sud, désormais Abiyé) sur lesquels servent depuis 2014 des Bérets bleus vietnamiens.

En ce 1^er avril 2023, le général Hoàng Kim Phụng, directeur du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) du ministère de la défense, a quitté l’institution militaire. Dans ce Viêt Nam de l’ère « moderne » (post-guerres d’indépendances), rares sont les pionniers, ceux dont le nom restera gravé comme étant celui par qui tout à commencé. Certes, comme dans toute structure, l’individu seul ne peut rien faire de grand et il faut associer à l’« aventure OMP » de l’armée vietnamienne les noms des généraux de corps d’armée - désormais retraités - Nguyễn Chí Vịnh (ex-vice-ministre de la défense, chargé des relations internationales, et qui a donné l’impulsion de cette « aventure ») et Võ Văn Tuấn (qui occupait les fonctions similaires au sein de l’état-major général des armées), qui ont réussi à obtenir tant sur le plan national qu’auprès de partenaires sur la scène internationale, les moyens nécessaires à la concrétisation de l’ambition du Viêt Nam de contribuer, à la hauteur de ses moyens, aux efforts des Nations unies pour tenter de maintenir des paix très fragiles dans des Etats ou régions souvent en déshérence. 

Partant d’un état de connaissances équivalent à zéro au début des années 2000, l’APVN peut s’enorgueillir (en toute modestie assurément) d’avoir projeté (à ce jour) un total de 529 militaires et quatre policiers en opération onusienne. Cheville ouvrière de cet extraordinaire parcours, Hoàng Kim Phụng a vu sortir de terre Centre vietnamien de préparation aux OMP (Trung tâm Gìn giữ hòa bình Việt Nam) dont il s’est vu confier le commandement (inauguration du centre le 27 mai 2014 par (feu) le général d’armée Phùng Quang Thanh, alors ministre de la défense) et dont il a contribué à hausser le statut dans l’organigramme du ministère de la défense au niveau de Département (Cục Gìn giữ hòa bình Việt Nam, 05 janvier 2018). Après six ans d’investissement personnel dans ce projet majeur pour l’insertion de l’APVN sur la scène internationale, il avait étrenné fin février 2020 son épaulette étoilée sans cérémonial médiatique lors d’un déplacement auprès des militaires du service de santé qui arment l’hôpital militaire de campagne (Rôle 2) à Bentiu, au Soudan du sud. Un galon parfaitement mérité, qui allait de pair avec la montée en puissance du DOMP, point de passage incontournable pour toutes les (nombreuses !) délégations militaires occidentales en visite à Hà Nội.  

Parfaitement à l’aise en milieu international (il maîtrise l’anglais et l’espagnol), le général Phụng a été de tous les déplacements, de toutes réunions bilatérales avec tous les principaux partenaires du Viêt Nam, auprès desquels il a obtenu la signature de memorada of understanding sur la coopération en matière de formation aux OMP (l’Union européenne a même inséré un officier au sein du DOMP, afin d’apporter conseil et appui à la préparation des militaires vietnamiens destinés à être engagés en OMP). Entouré d’une petite équipe, dont l’ossature et l’expérience se sont consolidées au rythme des retours des officiers qui ont été projetés sur les théâtres d’opérations africains, le général Phụng a été le maître d’œuvre de ce chantier OMP de l’APVN, qui a gagné en maturité. Une situation qui était loin d’être gagnée il y a dix ans, pour une armée qui n’avait aucune culture d’engagement international lointain, qui ignorait tout de l’anglais militaire et encore plus de la langue française, et dont les standards étaient (et restent encore) très imprégnés de structures héritées du « grand frère » russe.

Alors que l’on aurait pu s’attendre, comme c’est le cas dans toutes les grandes unités de l’APVN, à une passation de commandement avec l’un des grands adjoints du général Phụng, et notamment du colonel supérieur Mạc Đức Trọng (pionnier des déploiements au Soudan du sud, et désormais à la tête du contingent déployé en Abiyé), c’est finalement un homme qui n’est pas du sérail qui a été nommé et qui aura la difficile tâche de reprendre le flambeau et de s’imposer à la « vieille garde » du général Phụng. 

Coup de chapeau au général Phụng pour son oeuvre, bonne chance au colonel supérieur Thắng!  

Le colonel supérieur Phạm Mạnh Thắng a reçu son commandement le 30 mars des mains du général de corps d’armée Phùng Sĩ Tấn, adjoint au chef de l’état-major général des armées, chargé des dossiers relatifs à l’entraînement des forces et des écoles de formations. Cet officier possède déjà une réelle expérience internationale, que n’ont pas les autres officiers servant au DOMP. Il arrive du Département des relations extérieures du ministère de la défense, qu’il avait rejoint en 2020 alors que ce service était dirigé par l’emblématique général de division Vũ Chiến Thắng (huit ans dans ce poste clé), et auprès duquel il a certainement enrichi son expertise et son réseau. Atout non négligeable dans ce monde des OMP onusiennes, le nouveau directeur du DOMP est francophone. Il connaît parfaitement la France, où il a servi plusieurs fois et où il a été attaché de défense. Forcément ouvert sur l’international, sur les aspects opérationnels, et très bon connaisseur des dossiers de coopération avec les partenaires européens, il possède de belles qualités pour diriger cette longue phase de maturation du DOMP. En cas de réussite dans cette mission difficile, qui nécessité abnégation, force de caractère, capacité à recevoir de nombreuses délégations, puissance de conviction pour obtenir les soutiens internationaux dont le DOMP à besoin, le colonel supérieur Thắng devrait en tote logique être, à un horizon de cinq-six ans, le premier officier vietnamien ayant servi en France à accéder au rang de général. 

Alors que Hà Nội et Paris doivent franchir le cap des 50 ans de leurs relations diplomatiques le 12 avril, le parcours de Phạm Mạnh Thắng (Victoire !) est indéniablement une vraie pierre blanche à porter au mur de cette relation chargée d’Histoire. Puisse-t-elle être suivie de nombreuses autres !...