samedi 27 février 2021

Vers la modernisation des avions d'entraînement de l'Ecole de l'air vietnamienne (15/02/2021)

Objectif modernisation ! Le 15 février 2021, la presse spécialisée dans les questions aéronautiques a annoncé que le groupe tchèque Aero Vodochody, dont des appareils équipent déjà l’Ecole de l’air vietnamienne (notamment le Régiment 910, régiment soutien de l’Ecole de l’air) à Nha Trang, allait livrer au Viêt Nam 12 L-39 NG entre 2023 et 2024. Cette nouvelle, sur laquelle le secret demeure bien gardé et qui n’a pas été confirmée par des officiels vietnamiens, a aussitôt été reprise par les médias vietnamiens, de manière factuelle.

L’armée de l’air a acquis au début des années 1980 une vingtaine (24) de L-39C Albatros. Tous les élèves pilotes de chasse sont formés sur ces monoréacteurs biplaces, qui sillonnent régulièrement en patrouilles de deux le ciel de Nha Trang.

Leur vétusté progressive, accrue par leur forte utilisation, a conduit l’armée de l’air à envisager dès la fin des années 2000 leur renouvellement, y compris par un appareil d’un autre équipementier, tel que le Yak-130 produit par la firme russe Yakovlev. Ainsi, en janvier 2020, la presse russe (Vedomosti) a annoncé que l’armée vietnamienne avait signé en décembre 2019 un contrat d’acquisition de 12 appareils (valeur 350 millions de dollars). Il semblait alors que le choix du ministère de la défense s’était porté sur ce seul appareil, qui aurait battu son rival tchèque. Des clichés de la construction de ces appareils avaient d’ailleurs été aperçus fin octobre 2020, toujours dans les médias russes.

Les aviateurs vietnamiens auraient donc choisi la continuité et la diversification. Alors que le Viêt Nam deviendra le sixième pays à importer le Yak-130, il devrait être l’un des premiers à acquérir le L-39NG, et avec le plus grand nombre d’exemplaires. Son coût modeste (environ 14,5 millions de dollars par appareil, contrat qui inclut la formation du personnel au sol et des instructeurs, de même que la fourniture des pièces de rechange et le soutien logistique) et la confiance que portent les Vietnamiens dans le L-39 ont dû peser dans cette décision. Le lecteur pourra apercevoir à ce lien un reportage sur la vie de jeunes élèves pilotes de L-39.

Faut-il y voir un concours de circonstance, l’armée de l’air américaine serait aussi sur le front pour vendre à l’horizon mi-2023 trois avions d'entraînement de type Beechcraft T-6 Texan II à l'armée de l'air (là aussi, le contrat comprendrait la formation des utilisateurs). 

Même si un élève pilote vietnamien (*) a déjà été formé sur T-6 durant sa scolarité aux Etats-Unis, l’entrée en service d’un tel appareil dans l’ordre de bataille d’une armée de l’air toujours fortement ancrée dans les partenariats avec les pays de l’ex-Pacte de Varsovie aura de quoi surprendre. Le Yak-152 semblerait s’insérer plus logiquement dans le parc de l’Ecole de l’air, dont le second régiment support (le Régiment 920, basé à Cam Ranh) est équipé de Yak-52.

En tout état de cause, la modernisation de l’armée de l’air et l’entrée en service d’avions de nouvelle génération pourrait modifier le cursus de formation des jeunes pilotes de chasse. Après deux années de formation purement académique, les élèves débuteraient en troisième année leur formation initiale en vol sur Yak-52 (voire sur Yak-152 et/ou T-6 Texan II lorsque le remplacement des Yak-52 interviendra) puis passeront à la formation sur L-39 NG en quatrième année et enfin au Yak-130 dans leur cinquième année. 

 

(*) Né en 1988, le capitaine Đặng Đức Toại est le premier pilote vietnamien formé aux Etats-Unis depuis la fin de la guerre. Après deux années de formation en langue anglaise (mai 2016 à mai 2018), il a intégré le 14th Flying Training Wing sur la base aérienne de Columbus, Mississipi. Durant son année d’apprentissage, il a débuté sa formation (quatre mois) sur Cessna-172 avant de passer au vol sur T-6 Texan II (près de 170 heures sur cet appareil). Il a été diplômé fin mai 2019. Pour autant, cet officier sert dans la composante transport de l’armée de l’air. Il est pilote de Casa C-295 au sein de la Brigade 918 (basée à Hà Nội - Gia Lâm). Son parcours s’inscrit dans une tradition familiale : son père, le colonel supérieur Đặng Quốc Châm, a été responsable de la sécurité des vols de cette unité. Son frère aîné est pilote d’Airbus A-321 au sein de la compagnie nationale Viêt Nam Airlines.




mercredi 17 février 2021

Army Games 2021, le Viêt Nam volontaire pour accueillir deux épreuves

Le 06 janvier 2021, le service d’information du ministère russe de la défense a annoncé que l’édition 2021 des Army Games se déroulera du 22 août au 4 septembre 2021, avec 34 épreuves au programme. Des invitations ont été envoyées à 95 pays, tandis que Moscou a offert à 16 pays, dont le Viêt Nam (*), d’organiser des épreuves. 

Le 03 février, le général de brigade Trần Văn Ba, adjoint au chef du département entraînement de l’état-major général des armées, a confirmé lors d’une visio-conférence avec les organisateurs russes des Army Games 2021 que le Viêt Nam était prêt à accueillir deux épreuves décentralisées de cette compétition : celle des tireurs d’élite et l’épreuve de sauvetage au combat et secourisme.

Que le Viêt Nam soit retenu ou non, la décision de l’état-major des armées de se porter volontaire pour accueillir des compétiteurs de pays potentiellement nombreux et dans un contexte sanitaire international qui continuera d’exiger un haut niveau de protection contre le risque de prolifération du COVID-19 souligne que les militaires vietnamiens :

- entendent s’inscrire pleinement dans un partenariat avec la Russie qui n’a plus à faire ses preuves ; quatre ans après sa première participation à ces jeux olympiques militaires, en 2018, le Viêt Nam est ainsi le seul pays d’Asie du sud-est auquel la Russie porte sa confiance pour organiser des épreuves internationales ; une confiance méritée et dont l’état-major des armées mettra un point d’honneur à organiser des épreuves dans les meilleures conditions – qui seront quand même sans nul doute difficiles pour des participants non habitués au climat vietnamien de la fin de l’été ; 

- sont confiants dans leur capacité à créer une véritable bulle sanitaire autour des compétitions ; le pays a déjà été cité par les observateurs internationaux pour son professionnalisme et sa rigueur dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, avec l’engagement de l’armée dans une véritable campagne militaire contre cet ennemi sans visage (transformation de casernes en sites de quatorzaine, surveillance de la bonne application des mesures de confinement, opérations de nettoyage de zones contaminées, etc.). Si les compétiteurs rejoignant le sol vietnamien pour ces compétitions ne sont pas eux-mêmes déjà porteurs du virus, le risque devrait être faible qu’ils le contractent en raison de défauts d’organisation de leur séjour – qui pourrait revêtir des aspects quasi-concentrationnaires, tant la rigueur d’exécution d’un ordre a valeur de dogme dans l’armée populaire vietnamienne.

Les équipes vietnamiennes, qui s’entraînent déjà dans la durée pour représenter leur pays, devraient avoir l’avantage du terrain. Après des performances modestes en 2020 (4e place au tir de précision, sur sept équipes inscrites ; 3e place dans l’épreuve de secourisme au combat, tout comme en 2019), l’espoir leur est permis de faire mieux que participer. 

Enfin, l’organisation de ces épreuves ne devrait pas peser trop lourdement sur le budget des armées, le pays disposant de la principale ressource qui manque dans des nations plus en pointe techniquement : les hommes (et femmes), chevilles ouvrières de la réussite d’un tel événement. Une ressource nombreuse, qui de surcroît sera motivée pour porter haut le drapeau national sur la scène de la réussite, unie derrière sa devise « quyết thắng ! » (Vaincre !). 

Dans le contexte international de crise sanitaire, le Viêt Nam présente donc de sérieux atouts et une réelle motivation pour rejoindre le club des pays hôtes de quelques épreuves. Sa prestation dans la lutte contre la pandémie a fait l’objet de commentaires élogieux, jusque dans les médias occidentaux. La probabilité que cet effort se relâche étant quasi nulle, les militaires vietnamiens peuvent donc logiquement espérer voir leur candidature retenue lors du choix final, en mars.


(*) Algérie, Arménie, Biélorussie, Chine, Inde, Iran, Israël, Kirghizstan, Mongolie, Ouzbékistan, Pakistan, Qatar, Serbie, Sri Lanka, Tadjikistan, et Việt Nam.

dimanche 14 février 2021

Chúc mừng Năm mới, Happy New Year! (12/02/2021)

Le 12 février 2021, comme le veut la tradition, le secrétaire général du Parti communiste vietnamien (PCVN) – et encore président de la république pour quelques mois – Nguyễn Phú Trọng a présenté ses vœux à ses compatriotes au moment d’entrer dans la nouvelle année – du Buffle (Tết Tân Sửu). 

Dans son court mais chaleureux message, le numéro un du pays, qui vient d’être reconduit dans ses fonctions de secrétaire général du PCVN le 31 janvier pour troisième mandat, fait unique dans le Viêt Nam du Đổi Mới, a salué les travaux du treizième Congrès national du Parti - événement qu’il a placé en tête des faits marquants de l’année (lunaire) écoulée - et s’est félicité de ce que, dans cette année d’incertitudes internationales notamment en raison de la pandémie de COVID-19, le pays a conservé sa stabilité, sa sécurité, une économie dynamique, autant de faits indéniables qu’il importera de consolider dans le cycle qui s’ouvre. Il a conclu son allocution par un «quyết thắng ! » (« nous gagnerons ! ») collectif mais qui illustre parfaitement sa propre renaissance, depuis sa maladie en 2019 jusqu’à son parcours victorieux pour garder le contrôle du Parti.

Son message, dont la teneur est conforme à celle des années précédentes, passera peut-être en arrière-plan de l’audimat vietnamien des vœux, tant il s’est fait damer la vedette par le représentant d’un partenaire qui n’a pu célébrer l’an passé, en raison de la situation sanitaire internationale, autant qu’il l’espérait les 25 ans de la normalisation de ses relations avec Hanoi. Au message « America is back ! » du président Joe Biden sonne effet en écho la prestation de l’ambassadeur Daniel Kritenbrink, exceptionnelle par sa conception, son décalage avec l’image que diffuse la puissance américaine, mais conforme à celle que le chef de la diplomatie américaine au Viêt Nam donne depuis son arrivée, le 04 novembre 2017 (ci-contre). 

C'est le nouvel an!!!!!!!

Après le Good morning, Vietnam! d’Adrian Cronauer (Robin Williams) dans le film éponyme, la voix de l’homme du Nebraska, qui approche de la fin de son mandat à Hà Nội, a largement dépassé le monde feutré de la diplomatie pour se faire entendre bien au-delà de Hà Nội. Des milliers d’adeptes des réseaux sociaux ont découvert « Dan le Rappeur », casque audio sur les oreilles, déambulant dans les rues de Hà Nội et Hồ Chí Minh-Ville aux côtés d’un rappeur vietnamien, Wowy, et déclamant ses vœux (cliquez ici) sur un rythme saccadé. L’on se risquerait même à plagier une réplique de Michel Audiart en affirmant que Dan Kritenbrink, il ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît ! 

Briser les codes tout en maîtrisant parfaitement sa communication, le but est atteint : dans un pays qui densifie ses mesures de prévention contre la circulation du COVID-19 en ces jours de festivités du Tết, ce clip a obtenu un effet viral, sans pare-feu, et fait le tour du monde des grandes agences de presse. Well done, même si Dan le Rappeur devra rapidement se glisser dans la peau de l’homme de Washington pour repartir au contact des autorités vietnamiennes, beaucoup plus « dans le moule » imposé, et dont la crédibilité auprès de la population ne se jauge pas (qu')à l’aune de leurs talents de chanteurs.


Parmi les quelques ambassades qui n’ont pas mis en sommeil leurs sites de communication durant cette période de nouvelle année, l’on retiendra, loin derrière la performance de M. Kritenbrink, celle de l’ambassadeur britannique Gareth Ward, qui a laissé de côté son vélo pour diffuser un message associant les services de l’ambassade et ceux du consulat de Royaume-Uni à Hồ Chí Minh-Ville. Ce petit clip, accessible sur les sites de ces organismes, permet de confirmer les progrès en vietnamien de cet ambassadeur qui n’hésite pas à arpenter le pays à vélo et qui en fait un beau vecteur de communication.

Difficile de trouver un numéro trois pour monter sur le podium des vœux originaux, les autres chancelleries étant restées très sobres (court message et traditionnelle photo de pêcher en fleurs ou de kumquat). L’on pourra cependant noter le message de l’ambassade de France, visiblement un peu en délicatesse avec la grammaire. Il est vrai qu’il est loin le temps où Hà Nội accueillait le sommet de la Francophonie (14 au 16 novembre 1997)!



mercredi 10 février 2021

Uống bia, nhớ nguồn… de la diplomatie de la bière…

Quand tu bois une bière, pense à tes racines!...

Dans ce combat de tous les jours qu’est celui du patriotisme, qui fait partie des gènes d’un pays dont l’Histoire, ancienne et récente, porte les traces d’une succession de combats contre de puissants occupants - chinois, français, américains -, tous les signes extérieurs d’attachement à son territoire, terrestre et maritime (avec l’espace aérien afférent) sont autant de marques d’union et de cohésion. Drapeau national qui flotte sur les bâtiments, portraits d’Hồ Chí Minh gravés dans la monnaie, philatélie qui met en valeur le patrimoine national et offre une part très importante à la place des armées et des forces de sécurité dans la défense de la patrie, les moyens ne manquent pas pour souder une nation autour de son socle charnel. 

"Condamnation de l'invasion par la Chine  des Paracel (1974) et des Spratley (1988)".
"En mémoire des 74 martyrs des Paracel".  

Si le Viêt Nam maîtrise parfaitement cet art, son puissant voisin le pratique de manière tout aussi professionnelle, donnant lieu parfois à des provocations mesurées, notamment sur la question des revendications des îles et atolls de la mer de Chine méridionale. Face à une Chine qui revendique jusqu’à 80 % de cette mer « de l’Est » (pour les Vietnamiens) et n’hésite pas à faire apparaître ses contours sur les passeports de ses ressortissants, Hà Nội tente de convaincre ses grands partenaires, occidentaux en tête, du bien fondé de ses propres revendications et, à défaut, de l’illégalité des ambitions de son puissant voisin.

Cette cause, défendue à grands coups de déclarations du porte-parole du ministère des affaires étrangères et dans les sphères feutrées de la diplomatie voire des cercles confinés de discussions entre partis communistes, connaît parfois des moyens plus populaires et bien plus visibles de s’exprimer. 


Alors que le Viêt Nam (et la Chine) entre dans l’année du Buffle, l’on verra peut-être sur les tables festives - quoique dans le respect des mesures édictées par la campagne de lutte contre le COVID-19 - apparaître un nouveau vecteur de nationalisme : une bière militante, portant le nom des deux archipels de la mer « de l’Est » revendiqués par le Viêt Nam : les Paracel (Hoàng Sa) et les Spratley (Trường Sa). Mises en circulation le 19 janvier 2021, jour anniversaire de la saisie par la force des Paracel par la Chine en 1974, les Hoang Sa Special et Truong Sa Special (étiquettes écrites sans les accents vietnamiens) sont produites par la société Seefahrer Premium Beer, implantée près d’Hồ Chí Minh-Ville, et dont le directeur a importé bière et bouteilles de Bavière. Même si les premières livraisons ont été modestes, une forte médiatisation a accompagné l’arrivée sur le marché de ces produits, comme on a pu le voir à Hồ Chí Minh-Ville lors d’une soirée de promotion, ce 19 janvier (ci-dessous).

Sans pour autant déclencher une ivresse nationaliste populaire, les deux nouvelles venues sur le marché de la bière vietnamienne ont fait mousser les commentaires dans les médias et la blogosphère nationale. Il est vrai que leurs livrées colorées, qui associent références historiques et ancrage dans le présent, ne peuvent laisser indifférents les amateurs. 


Un beau coup de marketting, qui joue pleinement sur le sentiment national, et qui a bénéficié discrètement du soutien de personnalités de premier plan, y compris du ministère de la défense. Il en est ainsi du vice-amiral d’escadre Phạm Hoài Nam, vice-ministre de la défense (et ex-commandant en chef de la marine populaire), dont le message de félicitations n’a pas échappé aux observateurs de ce baptême inaugural. Des images qui auront aussi été appréciées, peut-être diversement, par la communauté chinoise, elle aussi amatrice de bière mais nourrie à la sève d’un discours nationaliste différent !


Santé et bonne année aux lecteurs de La Rue des Soldats !