jeudi 14 février 2019

Le chef de l'USINDOPACOM annonce des livraisons de matériel au Viêt Nam en 2019 (12/02/2019)

Le 12 février 2019, l’amiral Davidson, commandant les forces armées américaines pour la zone Indopacifique (USINDOPACOM), a été auditionné par la commission de la défense du sénat. Il a brossé l’état de la relation de défense entre Washington et chacun des Etats de cette vaste région. Dans ce tableau complet, il a notamment pointé du doigt les atteintes aux droits de l’Homme en Birmanie et s’est interrogé sur la nature de la relation entre le Cambodge et la Chine ; mais il s’est félicité (entre autres) du raffermissement des relations avec le Laos (*) et de celles existant avec le Viêt Nam. 
A côté des Philippines et Thaïlande, qui restent dans la catégorie des « pays alliés », l’amiral Davidson a ainsi confirmé que le Viêt Nam « a émergé comme un partenaire-clé » des Etats-Unis dans la région (**). Rappelant l’escale historique du porte-avions USS Carl Vinson à Đà Nẵng en mars 2018, symbole de liens qui se resserrent, il a placé l’accent sur l’engagement américain à contribuer en priorité à l’amélioration des capacités maritimes de l’armée populaire vietnamienne. Il a ainsi annoncé que ces capacités seront renforcées par l’acquisition par le Viêt Nam de drones Scan Eagle, d’avions d’entraînement T-6, et d’un second patrouilleur de haute mer au profit de la police maritime. 
Si le transfert au Viêt Nam d’un second patrouilleur de la classe Hamilton retiré du service actif est évoqué depuis un an (en janvier 2018, des sources avaient évoqué le possible transfert du patrouilleur de la classe Hamilton USCGC Sherman), les propos de l’amiral Davidson sur l’acquisition par Hanoi de drones et de T-6 font l'effet de scoops après une année sans concrétisation de projets d’achats de matériel par le Viêt Nam auprès des Etats-Unis. On peut s’interroger sur ces propos qui, derrière l’effet d’annonce, ne semblent pas correspondre à des canaux de coopération bien affirmés. En effet, l’armée populaire vietnamienne développe sa propre composante drones (dont certains servent il est vrai comme cibles pour la défense antiaérienne), et a acquis à la fin 2014 plusieurs drones de surveillance israéliens Orbiter­-2, dont les caractéristiques sont proches de celles du Scan Eagle américain (***). Cette bascule d’un partenariat pourtant solide entre Hanoi et Tel-Aviv, vers Washington, devra être encore confirmée dans les faits. 
L’acquisition d’avions Beechcraft T-6 (****) est elle aussi sujette à interrogation. Certes, l’armée de l’air vietnamienne est à la recherche d’un avion d’entraînement pour moderniser le parc de Yak-11 et de L-39 en service à l’Ecole de l’air (Nha Trang), mais le fort ancrage des relations de l’industrie de défense vietnamienne avec le « grand frère » russe a jusqu’à présent milité en faveur de l’acquisition d’un appareil de conception russe, tel le Yak-130, dont quatre appareils viennent même d’être acquis par le Laos voisin en décembre 2018. Acquérir des T-6, monohélice dont le prix unitaire dépasse les 4 millions de dollars, permettrait de faire un saut de génération par rapport aux Yak-11 vieillissants, mais lierait de façon trop étroite à la technologie américaine une armée de l’air vietnamienne façonnée depuis des générations dans le moule de la technologie russe. Même si quelques rares élèves pilotes vietnamiens sont formés aux Etats-Unis, donc sur T-6, ils font figure de rares exceptions et ne sauraient justifier l’acquisition d’un parc de T-6 coûteux et engageant sur le long terme, sur les plans logistique voire culturel. 
Avec une génération de chefs militaires entièrement formée dans le moule soviétique puis russe, le jour d’un changement d’orientation aussi radical ne semble pas encore d’actualité. Certes, l’on n’est jamais à l’abri d’une surprise avec un Viêt Nam qui cultive toujours le secret sur les questions de défense, mais c’est aussi le cas pour des chefs militaires américains, qui savent jouer de l’effet de surprise que leurs déclarations peuvent provoquer sur leurs grands rivaux dans la zone Asie Pacifique, Russes et Chinois au premier plan.

(*) After decades of stagnation in the U.S.-Lao relationship following the Vietnam War, we have seen some significant advancements over the last two years. USINDOPACOM is expanding engagements with the Lao military.
(**) Vietnam has emerged as a key partner in promoting a secure and rules-based international order in the Indo-Pacific region. USINDOPACOM’s defense partnership with the Vietnamese military is among the strongest aspects of our growing bilateral relationship. […] USINDOPACOM’s and the Vietnamese military’s military-to-military engagements prioritize enhancing Vietnam’s maritime capacity, which will be bolstered by Vietnam’s acquisition of Scan Eagle UAVs, T-6 trainer aircraft, and a second U.S. Coast Guard cutter. 
(***) Autonomie de 20 heures, rayon d'action d’une centaine de kilomètres, vitesse de 120 km/h. 
(****) Avion monomoteur construit par Beechcraft Corporation, en service dans l’US Air Force, essentiellement comme avion d’apprentissage au pilotage.

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