Le douzième Congrès national du Comité central du
Parti communiste vietnamien (PCVN) événement-clé de la vie politique du pays -
car consacrant la relève d’une génération de hauts dirigeants du Parti, comme
c’est le cas tous les cinq ans - s’est finalement tenu à Hanoi du 20 au 28
janvier 2016. 1 510 délégués, représentant 4,5 millions de membres du Parti,
ont pris part à ce sommet qui, comme en 2011, s’est déroulé en amont du Tết.
Les grands thèmes qui y ont été
débattus ont été conformes à ceux présentés lors de la publication du rapport
préliminaire du Comité central, en septembre dernier. Les questions relatives à
la défense ont relevé d’un chapitre consacré à la « défense résolue de la
Patrie, la préservation de d’un environnement pacifique et stable ».
Dans un contexte de pressions
chinoises en mer « de l’Est », les questions relatives à la défense n’ont pas
fait l’objet de large communication, le Parti ne variant - logiquement - pas de
sa position consistant à appeler les Vietnamiens à défendre l’intégrité
territoriale y compris sur les archipels des Paracel et Spratley, toujours
objet de revendications multiples (avec la Chine principale cible des appels à
la vigilance lancés par Hanoi). Pour autant, le Parti n’a toujours pas annoncé
de publication de Livre blanc sur la
défense, pourtant évoquée depuis l’automne 2014 par le général Phùng Quang
Thanh, ministre de la défense. Il est vrai qu’aucune inflexion significative de
la politique de défense vietnamienne n’est perceptible, le pays gardant comme
lignes directrices la défense de la Patrie, le refus de participer à toute
alliance militaire et d’accueillir sur son sol des bases permanentes
étrangères, ainsi que l’engagement à participer, à la hauteur de ses moyens, à
l’effort onusien de maintien de la paix.
22 militaires font désormais
partie du Comité central, sur 200 titulaires (contre 19 sur les 180
représentants dans la mandature précédente – et deux suppléants). Parmi eux, dix ont été reconduits
dans ce cénacle, alors que de hauts dirigeants, non réélus, vont quitter
leurs fonctions dans les prochains mois.
En tête des partants figure le général
d’armée Phùng Quang Thanh, ministre de la défense depuis 2006. Même si son nom
avait un temps été évoqué comme possible candidat au poste de président de la
république, son âge (67 ans) et sa maladie n’ont pas milité pour une
reconduction dans la haute hiérarchie du Parti et de l’Etat.
Plus surprenant est le choix de son
successeur : alors que le général d’armée Đỗ Bá Tỵ,premier vice-ministre de la
défense et chef d’état-major général des armée, présentait le profil type pour
accéder à la tête du ministère de la défense, c’est finalement le
général
d’armée Ngô Xuân Lịch, directeur du puissant Département général
politique de ce ministère (et
ès qualité numéro 2 du ministère de la défense), qui a emporté les faveurs des délégués.
Seul militaire à intégrer le bureau politique du
comité central, il y remplace le général Thanh, ce qui le positionne comme
étant le futur ministre de la défense, à l’issue des élections législatives, le
22 mai prochain. Même s’il appartient à la même génération que le général Tỵ
(*), Ngô Xuân Lịch n’a jamais assumé de commandement de grande unité mais a
effectué toute sa carrière dans le corps des commissaires politiques, dont il a
pris la tête en 2011 à l’issue du onzième congrès national du PCVN.
La nomination du général Lịch,
premier commissaire politique à accéder au poste de ministre de la défense dans le Viêt Nam du "Renouveau" (Đổi mới), ne
devrait pas porter un coup d’arrêt brutal à la politique d’ouverture de l’armée
populaire vers les nations occidentales, mais va certainement ralentir les
espoirs – américains notamment – d’accélération de ces partenariats, le temps que le nouveau ministre soit bien connu de ces nombreux partenaires. A ce jour,
aucune délégation de premier plan ne s’est encore déplacée à Hanoi, mais il est
vrai que le pays commence juste à émerger des fêtes de fin d’année (Tết le 08 février). Cependant, la
relation avec Moscou, partenaire historique de l’armée vietnamienne, devrait
demeurer étroite. Pour les autres partenariats, le général de corps d'armée Nguyễn Chí Vịnh, vice-ministre de la défense, en charge des relations extérieures, sera plus que jamais l'homme-clé de la diplomatie de défense.
Outre ce changement de ministre
de la défense, la composition de la représentation militaire au sein du comité
central n’offre pas de réelle surprise, avec une prédominance des hommes du
Nord (à l’image de la physionomie générale du comité central).
La totalité des
grandes composantes de l’armée – à l’exception de la police maritime – est
représentée dans cette instance (chef d’état-major général des armées,
commandants en chef de la marine, de l’armée de l’air et de la défense
anti-aérienne, des gardes-frontières), tandis que toutes les régions militaires
(RM) sont représentées par leur commandant en chef, à l’exception des 5
e RM
(Centre) et 9
e RM (sud) qui le sont par leur commissaire politique.
Au bilan, les opérationnels sont en majorité (15 + le directeur général de
l’entreprise
Viettel, appartenant au
département général des industries de défense) par rapport aux commissaires
politiques (six dont le futur ministre – Ngô Xuân Lịch – et son successeur à la
tête du département général politique – très certainement le GCA Lương Cường).
(*) Tous deux nés en 1954 dans le Nord et entrés en service en 1972, Ngô Xuân Lịch et Đỗ Bá Tỵ appartiennent à la dernière génération de dirigeants militaires à avoir combattu durant la guerre contre les Américains. Tous deux ont effectué l’essentiel de leur carrière dans le Nord (2
e région militaire pour le général Tỵ, 3
e région militaire pour le général Lịch) - même si le général Lịch a combattu dans le Sud - et ont eu des promotions parallèles (Ils ont été
promus généraux d'armée le même jour, le 05 octobre 2015). Membres de longue date du Parti communiste, ils ont intégré le Comité central du Parti en même temps, lors du dixième congrès national de cette instance (2006).
Đỗ Bá Tỵ, pourtant candidat « naturel » à la succession du général Thanh, pourrait avoir été une victime collatérale de la mise à l’écart lors du Congrès du premier ministre Nguyễn Tấn Dũng pour l’accession au poste de secrétaire général du Parti, les délégués ayant finalement choisi de reconduire Nguyễn Phú Trọng dans ses fonctions. Le très influent Dũng, connu pour ses positions dures contre la Chine et son ouverture sur les Etats-Unis, semble bien avoir été vaincu sur le fil par les conservateurs« pro-Chinois » - malgré leur discours condamnant les provocations de Pékin en mer « de l’Est ».
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Nguyễn Phú Trọng, secrétaire général du PCVN |