S’il est un déplacement incontournable pour tout numéro deux du ministère vietnamien de la défense, c’est bien celui à Moscou. Pourtant, il aura fallu plus de trois ans au général d’armée Lương Cường, successeur depuis le 15 avril 2016 du général d’armée Ngô Xuân Lịch à la tête du Département général politique (DGP) du ministère de la défense, pour effectuer son premier déplacement chez le « grand frère » russe.
Sans doute y verra-t-on la marque de l’emprise sur les questions dogmatiques que conserve le général Lịch, dont le costume de ministre de la défense est toujours empesé par ses cinq années de «commissaire politique en chef des armées » (2011-2016), fonctions qui continuent de prendre le dessus sur les aspects opérationnels et relationnels de sa fonction. La récente promotion du général Cường au rang de général d’armée (15 janvier 2019) n’y a rien changé, la patte du ministre cantonne son directeur du DGP à la scène nationale et à un rôle obscur - pourtant inhérent à cette fonction. Des responsabilités certainement difficiles à porter sur le long terme, comme peut en témoigner le net empâtement du général Cường depuis trois ans…
Ce premier déplacement du général Cường en terre moscovite a donc eu lieu du 18 au 22 juin 2019, et a été présenté par les médias officiels comme un jalon supplémentaire de l’excellence de la relation bilatérale en cette année croisée (2019-2020) du Viêt Nam en Russie et vice-versa.
Le 19 juin, la délégation vietnamienne - nombreuse comme toujours - a été accueillie par le général d’armée Valery Vassilievitch Gerasimov, chef d’état-major général des armées (ci-dessus), puis a participé à la réunion de travail clé de ce déplacement avec le général de corps d’armée Andrey Valeryevich Kartapolov, chef du Département général politique du ministère russe de la défense (ci-dessous).
Ce dernier n’a pas manqué de rappeler que son département avait été récemment recréé (30 juillet 2018), justifiant cette mesure par le besoin des armées de voir leur rôle indissociablement soudé aux directives politiques du régime de Moscou. Une façon aussi en somme de légitimer, en effet miroir, la prédominance du DGP au sein de l’architecture du ministère vietnamien de la défense.
Alignement politique faisant loi, les deux délégations ont signé une lettre d’intention manifestant leur souhait de voir les relations entre DGPs formalisées dans un memorandum d’entente, qui devrait placer l’accent sur les activités typiques de la branche politique des armées communistes : lutte contre les activités subversives des ennemis des régimes de Moscou et Hanoi, lutte contre les adeptes de l’« évolution pacifique », défense d’un esprit de lutte révolutionnaire, renforcement de la place de l’armée comme garante de la pérennité des régimes communistes, sans oublier la poursuite des échanges culturels comme vecteurs d’émulation en faveur de la défense des régimes au pouvoir.
Pour illustrer ces liens, la délégation vietnamienne a été amenée à visiter une université militaire, un musée de l’armée, l’état-major de la 2e Division d’infanterie mécanisée, où à chaque fois l’aspect idéologique a été mis en valeur dans les présentations. Puis, restant dans l’aspect mémoriel, et comme c’est le cas lors de chaque visite de délégation vietnamienne de haut rang en Russie, le général Cường a participé à une cérémonie au pied du monument à la mémoire d’Hồ Chí Minh, puis a rencontré des anciens combattants soviétiques qui avaient participé à l’effort de guerre de Hanoi contre l’occupation américaine. A cette occasion, le chef du DGP et certains de ses accompagnateurs se sont vu décerner une médaille commémorant cette grande solidarité de frères d’armes.
Enfin, il a participé à la cérémonie de fin d’année scolaire de l’Ecole navale (académie navale Kouznetsov) à Saint-Pétersbourg durant laquelle plusieurs officiers vietnamiens ont reçu leur diplôme de fin de scolarité - une rare image témoignant de la présence de contingents de jeunes officiers vietnamiens en écoles de formation russes.
Au terme de cette visite forcément réussie, la délégation vietnamienne - qui n'aura pas rencontré le ministre de la défense Serguei Shoïgu - s’est envolée pour la Biélorussie, seconde étape de son déplacement dans cette partie du monde qui nourrit toujours des liens de solidarité indéfectibles avec le régime de Hanoi.