lundi 30 janvier 2017

Des voeux présidentiels placés sous le signe de la "victoire"

Dans une brève adresse à la nation le 27 janvier 2017, dans laquelle il a présenté ses vœux à l’occasion de l’entrée dans la nouvelle année lunaire – année du Coq de Feu, Tết Đinh Dậu -, le président Trần Đại Quang a mis en exergue les « victoires » remportées par  le pays durant l’année écoulée en matière de « protection de l’indépendance et de l’intégrité territoriale sacrée de la patrie ». Des mots qui sonnent fort mais qui ne sont pas réellement étayés par les faits. Un rapide coup d’œil dans le rétroviseur vers 2016 nous permet de conserver à l’esprit quelques événements que les Vietnamiens ne peuvent pas avoir oubliés :

- une permanence de la pression des pêcheurs chinois dans les zones de pêche, déjà surexploitées ; certes, cette situation n’a pas dégénéré en incidents violents, comme ce fut le cas en 2014, mais les pêcheurs vietnamiens rapportent régulièrement les tentatives d’intimidation dont ils font l’objet ; conséquence de cette expulsion de facto de ces zones traditionnelles de pêche, certains pêcheurs n’hésitent plus à se lancer dans de véritables expéditions jusqu’en Océanie, engageant des bateaux-mères depuis lesquels de plus petits blue boats enfreignent les eaux territoriales australiennes et françaises (Nouvelle-Calédonie) pour y piller les ressources ; il est vrai que les législations de ces nations, moins sévères que celle de l’Indonésie – qui coule les navires arraisonnés – sont à ce jour peu dissuasives.

- les premiers posers de gros aéronefs civils chinois sur Fiery Cross Reef (02 et 06 janvier 2016), atoll des Spratley sur lequel Pékin mène depuis plus de deux ans une intense campagne de poldérisation. Les protestations immédiates de Hanoi, puis de Manille, sont restées vaines ;

- l’annonce américaine (16 février 2016) du déploiement par la Chine de missiles sol-air sur l’île de Woody Island, dans les Paracel ;

- une période de réchauffement des relations entre Hanoi et Pékin, dans le prolongement de la reconduction fin janvier, à la tête du Parti communiste vietnamien, d’une équipe dirigeante conservatrice, non hostile à Pékin. Une situation qui ne laisse pas l’auditoire vietnamien indifférent, tant la contradiction existe entre des discours exhortant le pays à ne pas brader sa souveraineté sur un vaste espace maritime et l’ouverture de la base de Cam Ranh aux escales de bâtiments chinois, ceux-là même que les pêcheurs vietnamiens peuvent trouver en troisième rideau sur les zones de pêches disputées.

Pour autant, la poursuite de la modernisation des flottes tant de la marine que de la police maritime, et les discrets travaux de poldérisation de certains atolls des Spratley (agrandissement de la piste sur Trường Sa Lớn, agrandissement de la surface de Đá Lát), s’inscrivent non comme des « victoires » mais comme des jalons dans cette confrontation qui oppose les deux grands voisins en mer « de l’Est » – une compétition cependant inégale au regard de la disproportion entre les efforts logistiques déployés par Hanoi et Pékin.

Si le président Quang préfère, et on le comprend, mettre en exergue ces événements sous l’angle des « victoires », il lui faudra déployer des trésors de pédagogie – ou de propagande – pour expliquer à une population très éduquée à ces questions d’intégrité territoriale comment Pékin continue une politique de petits pas pressés au contact direct de ces eaux que des générations de dirigeants vietnamiens ont toujours considérées comme « sacrées », et ce sans que le pays ne se rebiffe.

Sans aller jusqu’à planifier une opération à Hainan, ce que ce cliché pourrait – faussement – laisser croire, la vigilance restera le maître mot dans les états-majors.
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