samedi 28 mai 2016

Le président Obama en visite au Viêt Nam - Levée de l'embargo sur les armes (22-25/05/2016)

Le calendrier diplomatique chargé de chef de l’Etat américain ne l’avait pas permis en 2015, année du vingtième anniversaire du rétablissement des relations diplomatiques entre Washington et Hanoi, c’est finalement en amont du sommet du G7, au Japon, que le président Obama a effectué son premier déplacement officiel au Viêt Nam. Une visite officielle placée sous le double signe d’une sécurité de fer et d’un accueil chaleureux tant de la population vietnamienne que des hautes autorités, toutes présentes pour l’occasion.
Opération séduction!
Les médias locaux et internationaux ont largement couvert ces trois jours de visite, du 22 mai en soirée au 25 mai, accordant une grande place aux images d’un président maître dans la communication vers une jeunesse qui n’a pas connu les temps de guerre et qui se tourne au quotidien vers le monde américain, tant grâce à l’accès à l’Internet que par la nécessité de s’imprégner de langue anglaise pour espérer conquérir un emploi.
Bain de foule à Hanoi

et à Hô Chí Minh Ville
Dans cet emploi du temps minuté, débuté à Hanoi et achevé à Hô Chi Minh-Ville, l’on retiendra sur trois points, liés aux enjeux de défense et de sécurité:

Un déploiement de forces sans comparaison avec celui mis en place pour toute autre visite d’Etat, et offrant la part belle aux propres services de sécurité du président américain. Ainsi, une semaine avant l’arrivée du président Obama, l’aéroport international de Hanoi a été le théâtre d’une noria de gros porteurs militaires américains, acheminant toute une logistique qui pouvait faire douter de l’efficacité des services de sécurité d’un pays pourtant connu pour la rigidité de ses forces de sécurité ! Pas moins de cinq rotations de C-17 ont été rapportées, desquels ont été débarqués les véhicules de la délégation présidentielle, l’hélicoptère du président Obama et toute une logistique, dont celle des équipes chargées de la sécurité rapprochée du numéro Un américain.
V-22 Osprey
Un véritable cadenassage sécuritaire qui tranche avec ces images d’ouverture et de rapprochement des peuples dont les médias ont abreuvé les auditoires.

Des réceptions par toutes les plus hautes autorités vietnamiennes, un peu plus d’un mois après leur prise de fonctions. Ainsi, le président américain a rencontré son homologue, le général Trần Đại Quang, le secrétaire général du Parti communiste Nguyễn Phú Trọng – qui s’était rendu à Washington en 2015, le premier ministre Nguyễn Xuân Phúc et la présidente de l’Assemblée nationale Nguyễn Thị Kim Ngân, ainsi que tous leurs principaux conseillers. Si les questions économiques ont été au cœur des échanges, les attentes vietnamiennes en matière de relations sécuritaires ont été exaucées.
Accueil par le président Trần Đại Quang

Réception par le secrétaire général du Parti communiste Nguyễn Phú Trọng
Dans les jardins de la résidence de Hồ Chí Minh, avec Mme Nguyễn Thị Kim Ngân
Le général de corps d'armée Nguyễn Chí Vịnh, vice-ministre de la défense,
chargé des relations internationales. Il n'y aura pas eu de rencontre avec le général Ngô Xuân Lịch,
en déplacement à Vientiane (Laos) pour le sommet des ministres de la défense de l'ASEAN.
Le général Vịnh, septième depuis la gauche, représente le ministre de la défense
lors des entretiens entre chefs d'Etats (23 mai)

La levée de l’embargo sur la vente d’armes au Viêt Nam. Après avoir rappelé son attachement à un monde dans lequel les différends sont réglés de manière pacifique, mais aussi à la liberté de circulation en mer de Chine méridionale – messages très clairement adressés à Pékin – le président Obama a annoncé que les Etats-Unis mettaient un terme leur embargo sur la vente d’armes au Viêt Nam, en vigueur depuis 1984. Cette décision, sollicitée depuis des mois par toutes les hautes autorités diplomatiques et militaires vietnamiennes lors de leurs rencontres avec leurs homologues américaines, et soutenue par des personnalités de premier plan dans le monde de la défense américaine – au premier plan desquelles le sénateur John Mc Cain, président de la commission de la défense du sénat - vient sceller avec pragmatisme une réconciliation entre ex-ennemis mais désormais partenaires économiques, et qui s’engagent à tourner la page de l’Histoire et à ouvrir celle du futur. Après avoir déjà levé, en octobre 2014, l’embargo qui pesait sur la vente d'équipements non-létaux, cette mesure ouvre la porte à l’acquisition par Hanoi de matériel qui pourrait lui faire défaut dans la modernisation de son outil de défense.

Pas de remise en cause du modèle de défense vietnamien. Cependant, derrière l’effet d’annonce, toujours porteur d’encre qui coule alors que les décisions se prennent dans des cénacles bien plus feutrés, force est de garder raison. Avec tous ses grands programmes d’équipement bâtis dans le cadre de la relation historique avec Moscou (dont la coûteuse constitution de la brigade sous-marine 189 par l’achat des six Kilo 636, l’acquisition des frégates Gepard, le renouvèlement des vieux MiG-21 par des Sukhoi modernes), la place accordée aux puissances industrielles de défense occidentales est mince. Le renforcement de l’arrivée du poids lourd américain sur ce marché très concurrentiel devrait surtout, sinon voir le Viêt Nam changer d’orientation et s’engager ostensiblement vers ce nouveau partenaire, du moins accroître les rivalités entre nations concurrentes pour ces niches non trustées par les Russes.

Les médias vietnamiens se font ainsi les relais de nombreuses ambitions – peut-être celles des seuls rédacteurs plus que des décideurs militaires… - notamment en matière de contrôle de l’espace aéromaritime national. Sont notamment évoqués divers projets d’acquisition de systèmes aériens de détection et de contrôle, de patrouille maritime, mais aussi de renforcement des capacités de la marine et des gardes-côtes. Des projets où la haute technologie est importante et pour lesquelles les Américains peuvent tirer leur épingle du jeu.

Dans ce cadre, l’importance des moyens humains que Washington consacrera au soutien de ses projets sera un atout face aux efforts de nations européennes, de fait plus éloignées du Viêt Nam. On notera en particulier l’action pivotale d’une mission de défense robuste au sein de l’ambassade des Etats-Unis à Hanoi, de nombreuses visites de hautes autorités militaires, la délivrance permanente de formations en langue anglaise – au Viêt Nam et aux Etats-Unis - qui permet certes aux militaires vietnamiens de se préparer à participer à des opérations de maintien de la paix mais aussi à s’acculturer au grand partenaire américain. Ces actions de contact, basées sur la constitution de réseaux, doivent s’avérer payantes sur le moyen terme.

De là à faire changer radicalement d’axe d’intérêt au ministère vietnamien de la défense, le saut peu probable, car il équivaudrait à remettre en cause les fondamentaux de la défense vietnamienne, passant d’un modèle soviétique/russe à une conception occidentale, que Hanoi n’a ni les moyens ni l’intérêt de s’offrir, surtout face à une Chine qui est à l’affût de toute faiblesse de son voisin.

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