mercredi 30 décembre 2015

Pour conclure 2015

L’heure de refermer le livre de 2015 a sonné. Avant d’ouvrir la première page de 2016, ce dernier post récapitule quelques tendances fortes de cette année, riche en événements mais exempte de tensions majeures, tout au moins en surface.

Une nette embellie des relations entre Hanoi et Pékin. Certes, après la glaciation de l’été 2014, résultant de l’irruption de la plateforme de forage pétrolier chinoise HD-981 dans les eaux territoriales revendiquées par Hanoi, à l’ouest des Paracel (mai à mi-juillet), la situation ne pouvait que s’améliorer – ou dégénérer plus avant en un conflit localisé. Sous l’impulsion des dirigeants du Parti communiste vietnamien (PCVN) et du haut état-major (le ministre en première ligne, suivi par tous ses grands commandeurs), 2015 s’est donc inscrite sous le signe de la réconciliation. Dans cette année du 65e anniversaire des relations bilatérales, les deux voisins, pourtant toujours tiraillés sur l’épineuse question des revendications territoriales en mer « de l’Est », ont renoué le dialogue au plus haut niveau. Tandis que les échanges de délégations ont atteint un niveau très élevé, l’année a été couronnée, le secrétaire général du PCVN, Nguyễn Phú Trọng, a effectué ce qui devrait être sa dernière visite ès qualité à Pékin (07 au 10 avril), de même que le président de l’assemblée nationale, M. Nguyễn Sinh Hùng (23 au 27 décembre). En retour, le président Xi Jinping a été reçu à Hanoi, pour la première fois en tant que chef d’Etat (06 novembre), par les plus hautes autorités vietnamiennes, dont le premier ministre Nguyễn Tấn Dũng, ambitieux prétendant à la succession de Nguyễn Phú Trọng à la tête du PCVN.
Le président Xi Jinping accueilli par le premier ministre Nguyễn Tấn Dũng
Si les sourires ont bien repris place sur les écrans et les unes des journaux, suggérant une harmonie retrouvée, force est de constater que les griefs des Vietnamiens contre les intenses activités chinoises dans les archipels des Paracel et Spratley perdurent. Aucun signe de détente réelle ne semble perceptible dans une opinion nationale très sensible à ces questions nationalistes, d’autant plus que les dirigeants du PCVN, qui basent leur légitimité sur la défense des droits ancestraux du peuple vietnamien, ne peuvent baisser la tête devant à la pression chinoise permanente contre les navires de pêche, avec en arrière plan une intense campagne de poldérisation des atolls sous possession chinoise de cette mer de Chine méridionale. En cette année décisive pour la préparation du douzième Congrès national du PCVN, cet apaisement diplomatique était bien dans l’ordre des choses, tant les relations entre partis frères demeurent le fondement de la relation contemporaine entre Hanoi et Pékin. Mais l’héritage de millénaires de rivalité, et de siècles d’oppression chinoise, dont la mémoire est savamment entretenue auprès de toutes les générations de Vietnamiens, ne s’effacera pas d’un coup de pouce.
Après le calme, 2016 pourrait nous réserver une période de test de la nouvelle hiérarchie du PCVN par Pékin. Une intensification des provocations en mer « de l’Est » pourrait en être un bon témoin.
La première visite officielle d’un secrétaire général du PCVN à Washington depuis la fin de la guerre. En amont du vingtième anniversaire de la restauration des relations bilatérales (12 juillet 1995), de très nombreuses visites croisées se sont succédées (*). Elles se sont concrétisées par le déplacement de Nguyễn Phú Trọng à Washington (06 au 10 juillet), étape-clé dans le réchauffement continu des relations bilatérales, mais ne se sont pas prolongées par la visite – pourtant annoncée – du président Obama à Hanoi.
Agenda chargé, puis repli du PCVN sur la préparation du Congrès, la fenêtre d’opportunité s’est fermée. Avec les élections législatives vietnamiennes prévues pour le 22 mai 2016, ce déplacement pourrait n’intervenir qu’à partir de l’été prochain. Pour autant, les contacts demeureront étroits, notamment entre décideurs militaires, Hanoi comptant sur un signe fort de Washington face aux activités chinoises en mer « de l’Est ». Néanmoins, la levée totale de l’embargo américain sur les armes létales, régulièrement demandée par les autorités vietnamiennes, n’est pas encore actée. Son effet pourrait d’ailleurs être plus symbolique que décisif dans l’équipement de l’armée vietnamienne, toujours très liée à l’industrie de défense russe.
(*) Le général de corps d’armée Nguyễn Chí Vịnh, vice-ministre de la défense, en charge des relations internationales, s’est rendu deux fois aux Etats-Unis (23-24 mars puis 27 septembre au 02 octobre), notamment à l’invitation du sénateur Mc Cain. Temps forts de la coopération de défense, le secrétaire d’Etat à la défense, Ashton Carter, a rencontré les plus hauts responsables du ministère et de l’état-major général des armées (31 mai -1er juin) et a eu le privilège d’être reçu à l’état-major de la marine à Hải Phòng.
Les préparatifs de la passation de pouvoir entre deux générations de dirigeants. Dans un contexte d’intenses rivalités pour l’accès au poste de secrétaire général du PCVN lors du Congrès -désormais planifié du 20 au 28 janvier 2016 - l’armée a préparé sans heurt apparent l’installation d’une nouvelle équipe dirigeante. Le général Phùng Quang Thanh devant quitter ses fonctions au terme de deux mandats à la tête du ministère de la défense, le général armée Đỗ Bá Tỵ, vice-ministre de la défense et chef de l’état-major général des armées, présente tous les pré-requis pour lui succéder.
Les généraux Ngô Xuân Lịch (G) et Đỗ Bá Tỵ (D)
Pour autant, dans un monde très opaque, où rien n’est acquis d’avance, une surprise ne peut être exclue. Le général d’armée Ngô Xuân Lịch, directeur du très puissant Département général politique du ministère de la défense, fait figure de poids lourd face au général Tỵ. Cependant, sa nomination au poste de ministre signifierait un coup de froid sur l’ouverture de l’armée populaire à des partenariats avec les grandes puissances occidentales, de par le fait que le général Lịch - en raison de ses fonctions - ne rencontre aucun dirigeant occidental et ne dispose donc pas de contacts au sein de la communauté internationale de défense. A contrario, le général Đỗ Bá Tỵ a rencontré tous les plus importants responsables militaires qui se sont rendus à Hanoi et a effectué de nombreux déplacements, y compris aux Etats-Unis. Sa reconnaissance parmi ses pairs est déjà actée. Enfin, certaines voix donneraient une chance au général de corps d’armée Nguyễn Chí Vịnh, vice-ministre de la défense, chargé des relations extérieures. Homme de tous les déplacements et de toutes les réunions, issu d’une famille prestigieuse (son père, le général d’armée Nguyễn Chí Thanh, était un compagnon d’armes de Hồ Chí Minh) et ayant commandé le très puissant service de renseignement militaire (Tổng cục 2), il possède encore une marge de progression et une ambition réelle. Cependant, il n’a pas fait carrière dans la voie opérationnelle. Le fait qu’il n’a - logiquement - pas été promu au rang de général d’armée cette année ne milite pas pour son accession au poste suprême.
Poursuite de la modernisation des armées, avec effort sur les composantes maritimes. Dans le prolongement des années précédentes, la marine et la police maritime (dont les bâtiments portent désormais systématiquement les marquages « gardes-côtes ») continuent de réceptionner des bâtiments flambant neufs, construits pour beaucoup d’entre eux par les chantiers navals vietnamiens, en partenariat avec les Pays-Bas (chantiers navals Damen pour la police maritime) ou la Russie (corvettes Molniya). La constitution d’une brigade sous-marine dans la base navale de Cam Ranh (Lữ đòan 189) se poursuit conformément au planning annoncé, avec la livraison de deux Kilo en début d’année. Le cinquième sous-marin (HQ-186 Đà Nẵng) est en cours d’acheminement vers son port-base, qu’il atteindra fin janvier 2016. Le dernier exemplaire, qui a commencé ses essais à la mer, complètera le dispositif fin 2016.
L’armée de l’air, qui a perdu deux Su-22 en avril, voit désormais ses MiG-21 atteindre leur fin de vie. Leur renouvèlement reste encore non résolu, les Su-27 et Su-30 ne pouvant compenser le retrait de nombreux appareils. La flotte de transport, qui a reçu trois Casa C-295-M, doit quant à elle encore poursuivre le remplacement de ses An-26.
Enfin, l’armée de terre reste encore en marge de ces efforts de modernisation. Cette situation pourrait changer durant les cinq prochaines années, comme l’a annoncé le 22 décembre le général de corps d’armée Võ Văn Tuấn, adjoint au chef d'état-major général des armées.
2016... Le douzième congrès national du PCVN, du 20 au 28 janvier prochain, devrait confirmer ces orientations qui, de manière générale, ne constituent pas une rupture dans la politique de défense du pays. Le principal attendu en sera l’annonce de la nouvelle génération de dirigeants appelés à prendre les rênes du pays pour (au moins) les cinq prochaines années.
 

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