dimanche 24 novembre 2024

Livraison de cinq Beechcraft T-6C Texan II à l'Ecole de l’air vietnamienne (20/11/2024)

Moins de deux semaines après avoir été spottés en escale à Glasgow (05-06 novembre), les cinq avions d’entraînement Beechcraft T-6C Texan II acquis par l’armée de l’air vietnamienne auprès des Etats-Unis ont rejoint leur destination finale le 20 novembre 2024. Au terme d’une dernière étape à Bangkok (*), les appareils se sont brièvement posés sur l’aéroport d’Hồ Chí Minh-Ville Tân Sơn Nhất puis ont redécollé vers Phan Thiết, le nouveau site d’implantation du régiment école 920 (**), où ils ont atterri devant un comité d’accueil à la hauteur de l’événement : l’ambassadeur Marc Knapper et le général de division Nguyễn Văn Hiền, commandant en chef de l’armée de l’air et de la défense antiaérienne. 

Il est vrai que l’arrivée de ces appareils made in USA est une première historique depuis la fin de la guerre entre Américains et Vietnamiens. Rajoutant une touche de solennité à l’événement, l’équipage 100 % américain pilotant le premier appareil qui s’est posé comprenait en place arrière le général d’armée aérienne Kevin Schneider, commandant les forces aériennes américaines dans le Pacifique (US PACAF), qui a co-présidé la cérémonie de remise des appareils à l’armée vietnamienne.


Une première qui en appelle d’autres, avec la livraison – probablement en 2025 mais pouvant s’étendre de deux ans – de sept autres T-6C, premiers avions d’entraînement occidentaux à rejoindre l’ordre de bataille de l’armée de l’air vietnamienne.

 

* Les appareils ont vraisemblablement suivi la cinématique suivante : départ de Wichita (Kansas) le 01 novembre, puis étapes à Goose Bay (Labrador, Canada), Kangerlussuaq (Groenland), Reykjavik, Glasgow, Lyon, Rome, La Sude (Crète), Arabie Saoudite, Mascate (Oman), Ahmedabad et Calcutta (Inde), Bangkok, Hồ Chí Minh-Ville.

** Initialement basée à Cam Ranh, cette unité équipée de Yak-52 a déménagé début août jusqu’à son nouveau site de déploiement. Les premiers vols des Yak y ont été menés le 05 septembre.

mardi 12 novembre 2024

Quand l'armée appuie les premiers pas du nouveau président vietnamien sur la scène internationale (09 au 12/11/2024)

Réception par le président Boric Font

Trois semaines après son élection à la présidence de la république socialiste du Viêt Nam, le général d’armée Lương Cường, ex-directeur général « politique » du ministère de la défense, s’est glissé dans la peau exigée par sa nouvelle fonction et a entamé un premier déplacement sur la scène internationale non asiatique. Un démarrage en douceur, par l’Amérique latine, lui permet de faire un début forcément réussi dans sa fonction : première étape au Chili (09-12 novembre), premier pays sud-américain à avoir établi des relations diplomatiques avec Hà Nội (mars 1971), puis une seconde au Pérou jusqu’au 16 novembre avec comme temps fort le sommet annuel de l’Asia Pacific Economic Cooperation (APEC). 

Encadrant le nouveau président, l’on aura noté la présence des ministres des affaires étrangères, de l’agriculture, et de la culture, du sport et du tourisme, mais aussi d’une importante délégation du ministère de la défense. Peut-être y verra-t-on un moyen d’effectuer une transition contrôlée de son ex-costume de commissaire politique en chef de l’armée, le fait est que le président Cường se trouve solidement encadré par des hommes de confiance, pour lesquels cette tournée est aussi une première : outre le général d’armée Phan Văn Giang et son directeur des relations internationales (général de brigade Vũ Thành Văn), l’on découvre non seulement général de division Trần Công Chính, nouveau directeur du Département général du renseignement militaire (Tổng cục 2) lui-même escorté de son prédécesseur et jeune retraité, le GDI Phạm Ngọc Hùng qui se voit offrir un cadeau de fin de carrière et surtout la tâche d’accompagner son successeur (commissaire politique pur souche) dans ses premiers pas sur la scène diplomatique de défense.

Le général Giang encadré par les hommes forts du renseignement militaire.

Le « rite initiatique » concocté pour l’occasion a consisté en:

1) l’inauguration officielle de la première mission de défense près l’ambassade du Viêt Nam à Santiago (qui avait ouvert en avril dernier) ; 

2) la signature entre le général Giang et son homologue, Mme Maya Fernández Allende, d’un memorandum of understanding posant les bases d’une relation bilatérale de défense dont les grands axes concrets devront être élaborés conjointement ; 

et 3) l’incontournable invitation de la ministre chilienne à se rendre, accompagnée d’industriels de défense, au second salon international d’armement que le Viêt Nam organisera en décembre à Hà Nội et qui sera un événement phare du 80e anniversaire de la création de l’armée populaire vietnamienne.



Objectifs atteints donc, avec cette séquence défense bien menée et jalonnée de « délivrables » faciles à porter au crédit du président Lương Cường, dans une démarche des médias nationaux pour lui donner une stature internationale respectée. 

dimanche 10 novembre 2024

Livraison prochaine de cinq avions d'entraînement T-6C Texan II au profit de l'Ecole de l'air vietnamienne (novembre 2024)

Bientôt du nouveau dans le ciel militaire vietnamien. Alors que l'armée de l'air a perdu un de ses 12 Yak-130 (06 novembre 2024), un observateur du trafic aérien sur l’aéroport de Glasgow a observé cinq avions d’entraînement Beechcraft T-6C Texan II, floqués des couleurs vietnamiennes et portant les numéros 601 à 605, faire une courte escale en Ecosse (poser le 05 novembre, redécollage le 06 novembre à l'aube à destination de Lyon, leur prochain saut de puce) avant de poursuivre leur long vol vers le Viêt Nam. 

Le premier indice de l'intérêt vietnamien pour cet appareil remonte à 2018/2019, lorsqu'un premier pilote, bénéficiant du programme Aviation Leadership Program, a été formé sur cet appareil sur la base aérienne Columbus (Mississipi). Il semble que la première administration Trump s'était opposée à la cession de trois appareils dans le cadre du Building Partnership Capacity Programme. Visiblement, l’administration Biden en a décidé autrement, notamment au regard des enjeux régionaux mais aussi américains de sécurité en mer de Chine méridionale face à l’accroissement de l’affirmation de puissance de la Chine. Ce sont désormais cinq appareils qui ont été alloués à l’armée vietnamienne, et qui sont en cours de transit vers l'Ecole de l'air vietnamienne. 

Ces appareils américains seront les premiers à intégrer l'ordre de bataille vietnamien depuis la fin de la guerre entre les deux ex-ennemis. Construits par la société Textron Aviation Defense, ils prendront place aux côtés des Yak-130 pour remplacer le parc très vieillissant de Yak-52. Ces appareils, sur lesquels plusieurs pilotes se forment depuis 2018 aux Etats-Unis (deux par an) puis se perfectionnent désormais sur simulateur en Thaïlande (Chiang Mai), devraient se voir assigner certes des missions d’entraînement au profit des élèves pilotes de l’Ecole de l’air, mais aussi des missions de surveillance de la zone économique exclusive vietnamienne en mer de Chine méridionale. Leur soutien logique de proximité sera assuré par Textron Aviation.

*    *

Si le parc d’avions de combat vietnamiens reste d’origine russe, l’armée vietnamienne confirme à nouveau sa disposition à diversifier ses équipementiers et à rechercher l’expertise technologique occidentale (avions de transport C-295, patrouilleurs maritime C-212 et DHC-6 déjà en service, sans parler du parc d’hélicoptères lui aussi teinté d’expertise européenne).

Premier crash d’un Yak-130 vietnamien (06/11/2024)

 

Le 06 novembre 2024 en fin de matinée, un Yak-130 en service au sein du Régiment 940, unité école de l’armée de l’air vietnamienne, s’est écrasé lors d’un vol d’entraînement. 

L’appareil (immatriculation 2101), à bord duquel se trouvaient deux pilotes expérimentés (le colonel supérieur Nguyễn Văn Sơn, chef de corps du régiment, et le colonel Nguyễn Hồng Quân, directeur des vols), évoluait à proximité de l’aéroport de Phù Cát (province de Bình Định, sud du pays). Il a connu un problème technique en fin de vol (impossibilité de sortir le train d’atterrissage), ce qui a poussé l’équipage à conduire l’appareil à proximité d’un champ de tir militaire avant de s’éjecter. Les deux officiers ont été retrouvés indemnes en fin de soirée par les secours dépêchés sur zone.

(Photo 2023)

De manière surprenante, il s'avère que l'avion a été abandonné par son équipage alors qu’il disposait encore d’une importante autonomie de vol. Au lieu de s'écraser dans le périmètre du champ de tir sur lequel les pilotes l'avait conduit pour s'éjecter, l'avion a finalement percuté une zone montagneuse de la province de Đăk Lăk (hauts plateaux du Centre) à quelque 250 km de l’aéroport de Phù Cát. 

Il est probable que l'équipage avait programmé l'appareil pour qu'il poursuive son vol jusqu'à épuisement de son carburant, en direction de cette région peu peuplée - mais pas inhabitée. La détection d'une explosion par un habitant de cette région a initié les opérations de recherche. L'engagement d’un drone mis en œuvre par la compagnie Viettel a permis de repérer l’appareil puis de guider les détachements au sol jusqu'à la carcasse, qui a été retrouvée le 8 novembre. 

Après s’être rapidement félicitées de la récupération des pilotes, les autorités militaires vietnamiennes peuvent finalement se réjouir de ce que l’appareil ne se soit pas écrasé sur une zone habitée ou sur une route passante.

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Cet accident est le second de l’année, après le crash d’un Su-22 M le 09 janvier dans la province de Quảng Nam (le pilote avait aussi réussi à s’éjecter). 

Il s’agit du premier accident affectant la flotte de 12 Yak-130 acquise auprès de la Russie (commande fin 2019) afin de moderniser le parc de L-39, âgé. Depuis le lancement des premiers stages de formation sur cet appareil fin 2021, aucun incident majeur n'avait été reporté.

mardi 8 octobre 2024

Tournée mondiale du SG PCVN & Président Tô Lâm (étape française) 03 au 07/10/2024

 

Mission accomplie ! En l’espace de quatre mois, le déjà puissant général d’armée Tô Lâm, ministre de la sécurité publique, s’est installé à la tête du Viêt Nam, dans un siège sur mesure dans lequel il s’est opportunément arrogé le maroquin de chef de l’Etat après avoir évincé Võ Văn Thưởng (mai) puis été nommé à la tête du Parti communiste vietnamien (PCVN) après le décès de Nguyễn Phú Trọng (juillet). Doublement doté de ces deux sceptres de pouvoir, dans l’attente que l’assemblée nationale élise, probablement en octobre, un nouveau président de la république, le général Lâm a mis les bouchées doubles durant près de trois semaines pour sillonner la planète de la diplomatie : Etats-Unis du 19 au 25/09 (avec réception par le président Biden et prise de parole à la tribune de l’assemblée générale des Nations unies), puis une succession de « visites d’Etat » à Cuba (25-27/09), en Mongolie (29-30/09), en Irlande (01-03/10, une première depuis l’établissement des relations diplomatiques) et, dans la foulée du 19e sommet de la Francophonie à Villers-Côtterets (03-04/10), il a parachevé son long séjour en terre de France (mais aussi sur les pas d’Hồ Chí Minh jusque dans la Seine Maritime, à Sainte Adresse…) par une « visite d’Etat » (la première depuis celle du président Trần Đức Lương en octobre 2002). 

A défaut de faire la une de l’actualité française, cet événement a, comme toutes les étapes du périple du n°1 vietnamien, été l’occasion pour les médias d’Etat de mettre en valeur la stature du général Lâm sur la scène internationale et l’engagement du régime de Hanoi pour la paix internationale (sans pour autant franchir le seuil de la critique contre l’agression russe en Ukraine ni se risquer à faire des vagues avec Pékin sur le sujet de la mer « de l’Est »). 

L’on appréciera ainsi la façon dont la déclaration conjointe publiée par l’Elysée (07/10) aura été ciselée, avec l’annonce de l’élévation de la relation bilatérale au niveau d’un « Partenariat stratégique global » mais aussi des termes qui « sonnent doux » aux oreilles exigeantes du régime de Hanoi, tels que la reconnaissance du rôle suprême du PCVN (« Les deux parties s’engagent à maintenir les échanges et contacts […] entre les autorités françaises d’une part et le Parti communiste, le gouvernement, l’Assemblée nationale et les autorités locales vietnamiens »). Alors que le Président Macron a de nouveau et logiquement fermement condamné lors de la conférence de presse conjointe l’agression russe en Ukraine, le communiqué officiel fait une place belle à la position de Hanoi : « Les deux parties soulignent l’importance d’aboutir à une paix globale, juste et durable en Ukraine, dans le respect du droit international, en particulier des principes fondamentaux tels que définis dans la Charte des Nations Unies ». En cette année où un progrès historique a été effectué sur le chemin escarpé de la Mémoire partagée (participation d’un ministre français des armées, pour la première fois, aux cérémonies commémoratives de la fin de la bataille de Điện Biên Phủ le 7 mai dernier), une déclaration à l’avantage du pays partenaire ne peut pas faire de mal à la relation bilatérale. 

Reste désormais à joindre les actes à la déclaration d’intention, même si cette dynamique requerra visiblement un temps long, et en tout cas perçu culturellement différemment par les deux partenaires. L’ambition décrite dans le volet défense (« donner une nouvelle impulsion à la coopération dans le domaine de l’industrie de défense en étudiant, en initiant et en mettant en œuvre des projets structurants ») est à cet égard révélatrice de ce temps (très) long qui sépare l’étude d’un projet « structurant » de sa concrétisation. Gageons que « les ministres des Affaires étrangères des deux pays […] chargés, en lien avec les administrations compétentes, d’établir dans les meilleurs délais un plan d’action destiné à concrétiser les objectifs susmentionnés » devront d’abord comprendre ce que revêt à Hanoi comme à Paris la notion de « meilleurs délais »…

lundi 26 août 2024

Première participation de la marine vietnamienne à l’exercice australien Kakadu (08 au19/09/2024 à Darwin)

Organisé tous les deux ans par la marine australienne avec l’appui de l’armée de l’air, l’exercice multilatéral Kakadu vise à développer l’interopérabilité entre la marine australienne et de nombreux partenaires régionaux. Organisée du 08 au 19 septembre au large de Darwin, l’édition 2024 devrait voir la participation de 23 pays et l’engagement de 16 bâtiments et cinq avions. 

Pour la première fois depuis le lancement de cet exercice majeur, en 1993, un bâtiment de la marine vietnamienne va prendre part à Kakadu. Le 24 août, le bâtiment de lutte anti-sous-marine identifié sous le numéro 18 (*) et appartenant à la Brigade maritime 171 (2e région maritime) a quitté son port-base de Hồ Chí Minh-Ville pour entamer un long déploiement jusqu’en Australie. Cette mission, préparée de longue date, est au demeurant décrite par le colonel Mick Jansen, attaché de défense australien à Hà Nội, comme un jalon majeur du renforcement de la relation de défense entre l’Australie et le Viêt Nam. 

(lien vers la vidéo du départ du bâtiment => Cliquer ici)

Au terme de ce qui sera le plus lointain déploiement jusqu’en Océanie jamais effectué par un bâtiment de guerre vietnamien, l’équipage devrait axer sa participation aux volets non-combattants de l’exercice, dont la palette est suffisamment large (communication en mer, navigation en formation, ravitaillement à la mer, remorquage de navires, recherche et sauvetage) pour renforcer ses connaissances opérationnelles en milieu international tout en diffusant une image de marine pacifique et engagée en faveur de la stabilité des grands axes d’échanges maritimes. 

Dans le prolongement de l’année 2023, marquée par plusieurs déploiements de bâtiments vietnamiens dans les eaux de l’Asie du sud-est, 2024 confirme la prise de confiance des marins vietnamiens en leur capacité à se déployer loin de leurs bases jusque vers les eaux de leurs plus proches partenaires.   

(*) Bâtiment de classe Pohang, initialement baptisé Gimcheon et cédé par la Corée du sud à la marine vietnamienne fin 2018, puis modernisé. 

dimanche 21 juillet 2024

Décès du secrétaire général du Parti communiste vietnamien Nguyễn Phú Trọng (19/07/2024)

 

A honneurs exceptionnellement rapides, situation exceptionnelle. Dans cette machine aussi bien huilée qu’est la structure sommitale du Parti communiste vietnamien (PCVN), les « battements d’ailes » de papillon, aussi frénétiques et soudains que ceux qui ont transparu dans les médias locaux ce 18 juillet 2024 (demande du Bureau politique du Parti au président de la république pour que soit décernée au secrétaire général Nguyễn Phú Trọng l'Etoile d'or, plus haute décoration nationale de la république socialiste du Viêt Nam; signature immédiate du décret d’attribution par le général Tô Lâm (*); mais aussi et surtout décision du Bureau politique de conférer au général Lâm les pouvoirs de direction du Parti en raison de l’empêchement de M. Trọng de les exercer), annonçaient une situation d’urgence, qui s’est sans surprise confirmée ce 19 juillet. Dans une chorégraphie à laquelle ils ne se sont probablement qu’imparfaitement préparés, les plus hauts dirigeants du Parti se sont rendus au chevet de M. Trọng à l’Hôpital militaire 108 de Hanoi pour lui témoigner leurs derniers loyaux respects, avant que le numéro 1 du pays ne s’éteigne dans sa 80e année et, pour la postérité, auréolé de cette Etoile d’or qui lui a été décernée en véritable urgence vitale – pour le prestige du Parti plus que pour lui-même. Dès 18 heures ce 19 juillet, les médias officiels vietnamiens ont troqué leurs couleurs chatoyantes pour le noir du deuil et publié un sobre communiqué informant le peuple vietnamien du décès de son leader à 13h38, « en raison de son âge » (80 ans) « et d’une maladie grave ». Sa dernière apparition officielle remontait au 20 juin, lors de la visite d’« Etat » éclair du président Poutine à Hà Nội. 

Après 13 années à la tête du Parti et du pays, durant lesquelles Nguyễn Phú Trọng a fait de la lutte contre la corruption (et contre tout éventuel compétiteur pour la fonction suprême) une ligne maîtresse de son action, l’on se souviendra qu’il avait publiquement fait état, lors de sa réélection à la tête du Parti en janvier 2016, de son intention de ne conserver ses fonctions que durant un demi mandat supplémentaire. Des propos d’autant plus vite oubliés que, suite au décès du président Trần Đại Quang (général d’armée, ex-ministre de la sécurité publique) en septembre 2018, il avait opportunément assumé aussi cette charge jusqu’au 13e Congrès national du Parti (janvier 2021). Et lors de cet événement, en dépit d’un son état de santé déjà notoirement fragile, les paroles prononcées cinq ans auparavant avaient de nouveau disparu devant la réalité (de l’ambition) du pouvoir. Cédant logiquement la présidence (à M. Võ Văn Thưởng), M.Trọng a poursuivi ses combats de longue haleine - contre la corruption, argument largement étendu à tous ceux dont il doutait de l’absolue loyauté - tout en étant attaqué par les effets immuables de l’âge dans un combat que les armes les plus affûtées du PCVN ne savent vaincre. 

Clin d’œil de (la petite) histoire, c’est désormais le président de la république (un fidèle parmi ses fidèles) qui se voit chargé de conduire les affaires suprêmes du Parti dans un intérim qui, s’il le gère sans heurts (ce qui est très probable au regard du pouvoir du général Lâm), devrait lui permettre de bénéficier à son tour de la confiance (indissociable de la crainte) des membres du futur Comité central qui sera issu du Congrès national de janvier 2026 et de prendre durablement la tête du Parti. 

Cet enjeu ne manquera pas de tarauder tous ceux qui, dans les plus hautes sphères du Parti, s’inclineront avec force respect lors des funérailles nationales qui vont être organisées les 25 et 26 juillet, et durant lesquelles force louanges seront prononcées sur la vie que M. Trọng aura dédiée au service du Parti et de son pays. Il sera ensuite temps de se (re)mettre en ordre de bataille pour le parcours devant mener aux échéances suprêmes de 2026.

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(*) M. Nguyễn Phú Trọng est la 88e personnalité du pays à recevoir cette distinction, qui lui a été attribuée pour son « engagement exceptionnel au service de la cause révolutionnaire du Parti et de la nation ». Il est très probable que le Parti a voulu honorer son dirigeant de son vivant, ce qui n’était plus arrivé depuis 15 ans. La dernière personnalité à avoir reçu cette distinction de son vivant (en 2009) est en effet le général de corps d’armée Trần Văn Quang (1917-2013), dont le parcours forgé durant les guerres contre les Français puis les Américains s’est conclu par onze années à l’un des postes de postes de vice-ministre de la défense. Depuis, 14 hommes, tous anciens résistants, ont reçu cette décoration mais à titre posthume.