lundi 3 mars 2025

Escale de la FREMM Provence à Hồ Chí Minh-Ville (01-07/03/2025)

Comme cela est le cas chaque début d’année, les marines internationales ne se bousculent pas pour faire relâche dans les ports vietnamiens. Après une première escale à Cam Ranh, du 20 au 23 février 2025, de deux bâtiments indiens – l’un de la marine (patrouilleur de haute mer INS Sujata), l’autre des garde-côtes (patrouilleur de haute mer IGCS Veera) -, Hồ Chí Minh-Ville a accueilli le 1er mars et pour six jours la frégate multi-missions française Provence, actuellement déployée en Indo-Pacifique au sein de l’escorte du porte-avions Charles de Gaulle dans le cadre de la mission Clémenceau 2025

Rare photo aérienne d'un site d'escale; béton et conteneurs de rigueur!

Le capitaine de vaisseau (CV) Lionel Siegfried, pacha du bâtiment, a été accueilli au port fluvial du Lotus par le CV Phan Anh Tuấn, adjoint au commandant en chef de la Brigade navale 125 (2e Région maritime) et des représentants des autorités locales. 

Du côté français, une petite délégation de l’ambassade avait fait le déplacement depuis Hanoi et a accompagné Mme Pavillon-Grosser, consule générale de France à Hồ Chí Minh-Ville. Absent de la «photo de famille », le capitaine de vaisseau Anne Brun, attaché de défense, était probablement retenue par la visite concomitante à Hà Nội du contre-amiral (2S) Jacques Rivière, représentant l’amiral commandant les forces françaises dans le Pacifique (ALPACI) et chargé pour cette mission d’approfondir les liens entre marine française et police maritime (Cảnh sát biển) vietnamienne. 

Le général de brigade Vũ Trung Kiên (au centre ci-dessus), l’un des adjoints au commandant en chef de la Police maritime, qui l’a accueilli le 27 février, a sobrement et justement déclaré dans une courte interview que « le potentiel de coopération entre les deux pays était encore très grand », avant de lister les nombreux champs d’application possibles : lutte contre la criminalité internationale, traitement des menaces contre l’environnement, sauvetage en mer, sécurité en mer, etc… Des thématiques qui collent effectivement aux besoins de cette composante amenée à agir au quotidien sur un immense terrain d’opérations, mais qu’il n’est pas aisé d’approfondir dans la durée avec des partenaires très différents, dont les escales ne sont pas fréquentes. 


Tranchant avec les séquences très denses menées par Clémenceau 2025 en Indonésie et aux Philippines avec les escales du porte-avions à Lombok fin janvier et Subic Bay fin février, et les interactions menées avec les armées de ces deux pays, la présence à Hồ Chí Minh-Ville de la Provence, pourtant frégate de premier rang, ne témoigne pas d’un réel renforcement de la relation bilatérale militaire mais plutôt du minimum vital pour nourrir une relation cordiale mais sans plus de densité, pour les mêmes raisons de rareté des interactions entre marines de deux pays. Les ambitions exprimées dans la récente élévation de la relation bilatérale au niveau d’un « Partenariat stratégique global » (07 octobre 2024) ne se déclinent pas de manière volontariste en raison de la frilosité naturelle des autorités militaires vietnamiennes à développer concrètement des interactions opérationnelles avec les grandes marines occidentales, sans parler d’atteindre un niveau d’interopérabilité, illusoire tant il requiert proximité culturelle militaire et surtout entraînement conjoint régulier. Une situation qui s’exprime quelle que soit la nature des bâtiments occidentaux qui sont accueillis dans les ports vietnamiens. Les programmes se limitent donc, et c’est déjà très apprécié, à la convivialité de l’accueil, des partages d’expertise et échanges de vues, et une interaction au départ du bâtiment visiteur – ce qui devrait être le cas au départ de la Provenceavec un exercice de sauvetage en mer.

Une réalité qui peut se comprendre au vu de la rareté de la présence de ces marines occidentales dans les eaux de la mer « de l’Est » mais aussi en raison de la volonté de Hà Nội, et encore plus à moins d’un an du 14e Congrès national du Parti communiste vietnamien, de ne pas crisper un voisin chinois déjà très sensible aux activités du groupe aéronaval français dans cette région. La case « escale » a été cochée, au moindre coût mais avec un des fleurons de la flotte de surface française, le premier de ce gabarit à faire relâche dans la grande capitale économique du Sud depuis la frégate de défense aérienne Forbin en 2019 lors de la mission Clémenceau 2019. Et l’importante couverture de presse qui a salué l’arrivée de la Provence doit au bilan satisfaire les deux partenaires, malgré leurs niveaux d’ambition différents : pour le Viêt Nam, mettre en valeur la diversification de ses partenariats avec les (grandes) puissances militaires occidentales, pour la France confirmation de son statut de nation européenne qui décline le plus concrètement sa stratégie indopacifique en déployant annuellement des bâtiments jusque dans ces eaux lointaines.

lundi 6 janvier 2025

Nomination de deux nouveaux adjoints au chef de l'état-major général des armées (06/01/2025)

Le 06 janvier 2025, les généraux de division Nguyễn Quang Ngọc et Thái Đại Ngọc, respectivement commandants en chef des 3e et 5e Régions militaires, ont été nommés par décret du Premier ministre Phạm Minh Chính à des fonctions d’adjoints au chef de l’état-major général des armées (CEMG).

Ces nominations s’inscrivent dans le cadre de la relève annuelle des postes sommitaux de l’Armée populaire vietnamienne (trois vice-ministres de la défense ont déjà dépassé les 63 ans, ce qui devrait ouvrir à très court terme un appel d’air pour la progression de certains adjoints au CEMG) mais aussi dans la marche vers le 14e Congrès national du Parti communiste vietnamien, dans un an. Ces deux généraux, qui ont fait leur entrée ensemble au Comité central du Parti en janvier 2021, y seront logiquement confirmés pour un second mandat en janvier 2026. Leur potentiel de progression est cependant différent.

Entré en service au milieu des années 1980, Thái Đại Ngọc a rapidement connu l’épreuve du feu lors de l’intervention vietnamienne au Cambodge (il y a combattu en 1987). Tout son parcours s’est déroulé dans la 5e RM (état-major à Đà Nẵng), dont il a commandé, comme ses prédécesseurs dans ce poste, la 2Division d’infanterie et a gravi tous les échelons. Seule interruption à ce parcours ascensionnel, un poste de chef « opérations » au sein de l’état-major général des armées (fin 2018 à l’été 2020, période comprenant un temps d’auditeur à l’Institut politique Hồ Chí Minh, qui forme les très hauts potentiels) qui lui a permis de cocher la case administration centrale, dans son aspect le plus opérationnel. Promu général de division en juin 2020, son accession à la tête de la 5e RM était dans l’ordre des choses. Il en est de même pour sa nomination à un poste de CEMG adjoint. Pour autant, une nouvelle et rapide promotion vers un poste de vice-ministre de la défense est moins probable au regard de son âge (déjà 59 ans). Sa riche carrière pourrait s’achever au sein du collège des adjoints au CEMG (général d’armée Nguyễn Tân Cương, puis son successeur début 2026) avec un rôle influent de « doyen » des plus proches conseillers de ce dernier surtout dans la période de relève de générations qui fera suite au Congrès national du PCVN.

De deux ans et demi plus jeune, le général Nguyễn Quang Ngọc n’appartient pas à la génération qui a combattu au début de sa carrière. Son parcours s’est construit au sein de la 3e Région militaire (état-major à Hải Phòng), stratégiquement située sur la frange nord-est du pays, qu’il à la tête de laquelle il avait succédé en 2020 au général Vũ Hải Sản (nommé vice-ministre de la défense). Son parcours sans accroc et son jeune âge le prédisposent logiquement à moyen terme à un poste supérieur, probablement au sein du collège des vice-ministres de la défense.

dimanche 24 novembre 2024

Livraison de cinq Beechcraft T-6C Texan II à l'Ecole de l’air vietnamienne (20/11/2024)

Moins de deux semaines après avoir été spottés en escale à Glasgow (05-06 novembre), les cinq avions d’entraînement Beechcraft T-6C Texan II acquis par l’armée de l’air vietnamienne auprès des Etats-Unis ont rejoint leur destination finale le 20 novembre 2024. Au terme d’une dernière étape à Bangkok (*), les appareils se sont brièvement posés sur l’aéroport d’Hồ Chí Minh-Ville Tân Sơn Nhất puis ont redécollé vers Phan Thiết, le nouveau site d’implantation du régiment école 920 (**), où ils ont atterri devant un comité d’accueil à la hauteur de l’événement : l’ambassadeur Marc Knapper et le général de division Nguyễn Văn Hiền, commandant en chef de l’armée de l’air et de la défense antiaérienne. 

Il est vrai que l’arrivée de ces appareils made in USA est une première historique depuis la fin de la guerre entre Américains et Vietnamiens. Rajoutant une touche de solennité à l’événement, l’équipage 100 % américain pilotant le premier appareil qui s’est posé comprenait en place arrière le général d’armée aérienne Kevin Schneider, commandant les forces aériennes américaines dans le Pacifique (US PACAF), qui a co-présidé la cérémonie de remise des appareils à l’armée vietnamienne.


Une première qui en appelle d’autres, avec la livraison – probablement en 2025 mais pouvant s’étendre de deux ans – de sept autres T-6C, premiers avions d’entraînement occidentaux à rejoindre l’ordre de bataille de l’armée de l’air vietnamienne.

 

* Les appareils ont vraisemblablement suivi la cinématique suivante : départ de Wichita (Kansas) le 01 novembre, puis étapes à Goose Bay (Labrador, Canada), Kangerlussuaq (Groenland), Reykjavik, Glasgow, Lyon, Rome, La Sude (Crète), Arabie Saoudite, Mascate (Oman), Ahmedabad et Calcutta (Inde), Bangkok, Hồ Chí Minh-Ville.

** Initialement basée à Cam Ranh, cette unité équipée de Yak-52 a déménagé début août jusqu’à son nouveau site de déploiement. Les premiers vols des Yak y ont été menés le 05 septembre.

mardi 12 novembre 2024

Quand l'armée appuie les premiers pas du nouveau président vietnamien sur la scène internationale (09 au 12/11/2024)

Réception par le président Boric Font

Trois semaines après son élection à la présidence de la république socialiste du Viêt Nam, le général d’armée Lương Cường, ex-directeur général « politique » du ministère de la défense, s’est glissé dans la peau exigée par sa nouvelle fonction et a entamé un premier déplacement sur la scène internationale non asiatique. Un démarrage en douceur, par l’Amérique latine, lui permet de faire un début forcément réussi dans sa fonction : première étape au Chili (09-12 novembre), premier pays sud-américain à avoir établi des relations diplomatiques avec Hà Nội (mars 1971), puis une seconde au Pérou jusqu’au 16 novembre avec comme temps fort le sommet annuel de l’Asia Pacific Economic Cooperation (APEC). 

Encadrant le nouveau président, l’on aura noté la présence des ministres des affaires étrangères, de l’agriculture, et de la culture, du sport et du tourisme, mais aussi d’une importante délégation du ministère de la défense. Peut-être y verra-t-on un moyen d’effectuer une transition contrôlée de son ex-costume de commissaire politique en chef de l’armée, le fait est que le président Cường se trouve solidement encadré par des hommes de confiance, pour lesquels cette tournée est aussi une première : outre le général d’armée Phan Văn Giang et son directeur des relations internationales (général de brigade Vũ Thành Văn), l’on découvre non seulement général de division Trần Công Chính, nouveau directeur du Département général du renseignement militaire (Tổng cục 2) lui-même escorté de son prédécesseur et jeune retraité, le GDI Phạm Ngọc Hùng qui se voit offrir un cadeau de fin de carrière et surtout la tâche d’accompagner son successeur (commissaire politique pur souche) dans ses premiers pas sur la scène diplomatique de défense.

Le général Giang encadré par les hommes forts du renseignement militaire.

Le « rite initiatique » concocté pour l’occasion a consisté en:

1) l’inauguration officielle de la première mission de défense près l’ambassade du Viêt Nam à Santiago (qui avait ouvert en avril dernier) ; 

2) la signature entre le général Giang et son homologue, Mme Maya Fernández Allende, d’un memorandum of understanding posant les bases d’une relation bilatérale de défense dont les grands axes concrets devront être élaborés conjointement ; 

et 3) l’incontournable invitation de la ministre chilienne à se rendre, accompagnée d’industriels de défense, au second salon international d’armement que le Viêt Nam organisera en décembre à Hà Nội et qui sera un événement phare du 80e anniversaire de la création de l’armée populaire vietnamienne.



Objectifs atteints donc, avec cette séquence défense bien menée et jalonnée de « délivrables » faciles à porter au crédit du président Lương Cường, dans une démarche des médias nationaux pour lui donner une stature internationale respectée. 

dimanche 10 novembre 2024

Livraison prochaine de cinq avions d'entraînement T-6C Texan II au profit de l'Ecole de l'air vietnamienne (novembre 2024)

Bientôt du nouveau dans le ciel militaire vietnamien. Alors que l'armée de l'air a perdu un de ses 12 Yak-130 (06 novembre 2024), un observateur du trafic aérien sur l’aéroport de Glasgow a observé cinq avions d’entraînement Beechcraft T-6C Texan II, floqués des couleurs vietnamiennes et portant les numéros 601 à 605, faire une courte escale en Ecosse (poser le 05 novembre, redécollage le 06 novembre à l'aube à destination de Lyon, leur prochain saut de puce) avant de poursuivre leur long vol vers le Viêt Nam. 

Le premier indice de l'intérêt vietnamien pour cet appareil remonte à 2018/2019, lorsqu'un premier pilote, bénéficiant du programme Aviation Leadership Program, a été formé sur cet appareil sur la base aérienne Columbus (Mississipi). Il semble que la première administration Trump s'était opposée à la cession de trois appareils dans le cadre du Building Partnership Capacity Programme. Visiblement, l’administration Biden en a décidé autrement, notamment au regard des enjeux régionaux mais aussi américains de sécurité en mer de Chine méridionale face à l’accroissement de l’affirmation de puissance de la Chine. Ce sont désormais cinq appareils qui ont été alloués à l’armée vietnamienne, et qui sont en cours de transit vers l'Ecole de l'air vietnamienne. 

Ces appareils américains seront les premiers à intégrer l'ordre de bataille vietnamien depuis la fin de la guerre entre les deux ex-ennemis. Construits par la société Textron Aviation Defense, ils prendront place aux côtés des Yak-130 pour remplacer le parc très vieillissant de Yak-52. Ces appareils, sur lesquels plusieurs pilotes se forment depuis 2018 aux Etats-Unis (deux par an) puis se perfectionnent désormais sur simulateur en Thaïlande (Chiang Mai), devraient se voir assigner certes des missions d’entraînement au profit des élèves pilotes de l’Ecole de l’air, mais aussi des missions de surveillance de la zone économique exclusive vietnamienne en mer de Chine méridionale. Leur soutien logique de proximité sera assuré par Textron Aviation.

*    *

Si le parc d’avions de combat vietnamiens reste d’origine russe, l’armée vietnamienne confirme à nouveau sa disposition à diversifier ses équipementiers et à rechercher l’expertise technologique occidentale (avions de transport C-295, patrouilleurs maritime C-212 et DHC-6 déjà en service, sans parler du parc d’hélicoptères lui aussi teinté d’expertise européenne).

Premier crash d’un Yak-130 vietnamien (06/11/2024)

 

Le 06 novembre 2024 en fin de matinée, un Yak-130 en service au sein du Régiment 940, unité école de l’armée de l’air vietnamienne, s’est écrasé lors d’un vol d’entraînement. 

L’appareil (immatriculation 2101), à bord duquel se trouvaient deux pilotes expérimentés (le colonel supérieur Nguyễn Văn Sơn, chef de corps du régiment, et le colonel Nguyễn Hồng Quân, directeur des vols), évoluait à proximité de l’aéroport de Phù Cát (province de Bình Định, sud du pays). Il a connu un problème technique en fin de vol (impossibilité de sortir le train d’atterrissage), ce qui a poussé l’équipage à conduire l’appareil à proximité d’un champ de tir militaire avant de s’éjecter. Les deux officiers ont été retrouvés indemnes en fin de soirée par les secours dépêchés sur zone.

(Photo 2023)

De manière surprenante, il s'avère que l'avion a été abandonné par son équipage alors qu’il disposait encore d’une importante autonomie de vol. Au lieu de s'écraser dans le périmètre du champ de tir sur lequel les pilotes l'avait conduit pour s'éjecter, l'avion a finalement percuté une zone montagneuse de la province de Đăk Lăk (hauts plateaux du Centre) à quelque 250 km de l’aéroport de Phù Cát. 

Il est probable que l'équipage avait programmé l'appareil pour qu'il poursuive son vol jusqu'à épuisement de son carburant, en direction de cette région peu peuplée - mais pas inhabitée. La détection d'une explosion par un habitant de cette région a initié les opérations de recherche. L'engagement d’un drone mis en œuvre par la compagnie Viettel a permis de repérer l’appareil puis de guider les détachements au sol jusqu'à la carcasse, qui a été retrouvée le 8 novembre. 

Après s’être rapidement félicitées de la récupération des pilotes, les autorités militaires vietnamiennes peuvent finalement se réjouir de ce que l’appareil ne se soit pas écrasé sur une zone habitée ou sur une route passante.

*    *

Cet accident est le second de l’année, après le crash d’un Su-22 M le 09 janvier dans la province de Quảng Nam (le pilote avait aussi réussi à s’éjecter). 

Il s’agit du premier accident affectant la flotte de 12 Yak-130 acquise auprès de la Russie (commande fin 2019) afin de moderniser le parc de L-39, âgé. Depuis le lancement des premiers stages de formation sur cet appareil fin 2021, aucun incident majeur n'avait été reporté.

mardi 8 octobre 2024

Tournée mondiale du SG PCVN & Président Tô Lâm (étape française) 03 au 07/10/2024

 

Mission accomplie ! En l’espace de quatre mois, le déjà puissant général d’armée Tô Lâm, ministre de la sécurité publique, s’est installé à la tête du Viêt Nam, dans un siège sur mesure dans lequel il s’est opportunément arrogé le maroquin de chef de l’Etat après avoir évincé Võ Văn Thưởng (mai) puis été nommé à la tête du Parti communiste vietnamien (PCVN) après le décès de Nguyễn Phú Trọng (juillet). Doublement doté de ces deux sceptres de pouvoir, dans l’attente que l’assemblée nationale élise, probablement en octobre, un nouveau président de la république, le général Lâm a mis les bouchées doubles durant près de trois semaines pour sillonner la planète de la diplomatie : Etats-Unis du 19 au 25/09 (avec réception par le président Biden et prise de parole à la tribune de l’assemblée générale des Nations unies), puis une succession de « visites d’Etat » à Cuba (25-27/09), en Mongolie (29-30/09), en Irlande (01-03/10, une première depuis l’établissement des relations diplomatiques) et, dans la foulée du 19e sommet de la Francophonie à Villers-Côtterets (03-04/10), il a parachevé son long séjour en terre de France (mais aussi sur les pas d’Hồ Chí Minh jusque dans la Seine Maritime, à Sainte Adresse…) par une « visite d’Etat » (la première depuis celle du président Trần Đức Lương en octobre 2002). 

A défaut de faire la une de l’actualité française, cet événement a, comme toutes les étapes du périple du n°1 vietnamien, été l’occasion pour les médias d’Etat de mettre en valeur la stature du général Lâm sur la scène internationale et l’engagement du régime de Hanoi pour la paix internationale (sans pour autant franchir le seuil de la critique contre l’agression russe en Ukraine ni se risquer à faire des vagues avec Pékin sur le sujet de la mer « de l’Est »). 

L’on appréciera ainsi la façon dont la déclaration conjointe publiée par l’Elysée (07/10) aura été ciselée, avec l’annonce de l’élévation de la relation bilatérale au niveau d’un « Partenariat stratégique global » mais aussi des termes qui « sonnent doux » aux oreilles exigeantes du régime de Hanoi, tels que la reconnaissance du rôle suprême du PCVN (« Les deux parties s’engagent à maintenir les échanges et contacts […] entre les autorités françaises d’une part et le Parti communiste, le gouvernement, l’Assemblée nationale et les autorités locales vietnamiens »). Alors que le Président Macron a de nouveau et logiquement fermement condamné lors de la conférence de presse conjointe l’agression russe en Ukraine, le communiqué officiel fait une place belle à la position de Hanoi : « Les deux parties soulignent l’importance d’aboutir à une paix globale, juste et durable en Ukraine, dans le respect du droit international, en particulier des principes fondamentaux tels que définis dans la Charte des Nations Unies ». En cette année où un progrès historique a été effectué sur le chemin escarpé de la Mémoire partagée (participation d’un ministre français des armées, pour la première fois, aux cérémonies commémoratives de la fin de la bataille de Điện Biên Phủ le 7 mai dernier), une déclaration à l’avantage du pays partenaire ne peut pas faire de mal à la relation bilatérale. 

Reste désormais à joindre les actes à la déclaration d’intention, même si cette dynamique requerra visiblement un temps long, et en tout cas perçu culturellement différemment par les deux partenaires. L’ambition décrite dans le volet défense (« donner une nouvelle impulsion à la coopération dans le domaine de l’industrie de défense en étudiant, en initiant et en mettant en œuvre des projets structurants ») est à cet égard révélatrice de ce temps (très) long qui sépare l’étude d’un projet « structurant » de sa concrétisation. Gageons que « les ministres des Affaires étrangères des deux pays […] chargés, en lien avec les administrations compétentes, d’établir dans les meilleurs délais un plan d’action destiné à concrétiser les objectifs susmentionnés » devront d’abord comprendre ce que revêt à Hanoi comme à Paris la notion de « meilleurs délais »…