dimanche 21 juillet 2024

Décès du secrétaire général du Parti communiste vietnamien Nguyễn Phú Trọng (19/07/2024)

 

A honneurs exceptionnellement rapides, situation exceptionnelle. Dans cette machine aussi bien huilée qu’est la structure sommitale du Parti communiste vietnamien (PCVN), les « battements d’ailes » de papillon, aussi frénétiques et soudains que ceux qui ont transparu dans les médias locaux ce 18 juillet 2024 (demande du Bureau politique du Parti au président de la république pour que soit décernée au secrétaire général Nguyễn Phú Trọng l'Etoile d'or, plus haute décoration nationale de la république socialiste du Viêt Nam; signature immédiate du décret d’attribution par le général Tô Lâm (*); mais aussi et surtout décision du Bureau politique de conférer au général Lâm les pouvoirs de direction du Parti en raison de l’empêchement de M. Trọng de les exercer), annonçaient une situation d’urgence, qui s’est sans surprise confirmée ce 19 juillet. Dans une chorégraphie à laquelle ils ne se sont probablement qu’imparfaitement préparés, les plus hauts dirigeants du Parti se sont rendus au chevet de M. Trọng à l’Hôpital militaire 108 de Hanoi pour lui témoigner leurs derniers loyaux respects, avant que le numéro 1 du pays ne s’éteigne dans sa 80e année et, pour la postérité, auréolé de cette Etoile d’or qui lui a été décernée en véritable urgence vitale – pour le prestige du Parti plus que pour lui-même. Dès 18 heures ce 19 juillet, les médias officiels vietnamiens ont troqué leurs couleurs chatoyantes pour le noir du deuil et publié un sobre communiqué informant le peuple vietnamien du décès de son leader à 13h38, « en raison de son âge » (80 ans) « et d’une maladie grave ». Sa dernière apparition officielle remontait au 20 juin, lors de la visite d’« Etat » éclair du président Poutine à Hà Nội. 

Après 13 années à la tête du Parti et du pays, durant lesquelles Nguyễn Phú Trọng a fait de la lutte contre la corruption (et contre tout éventuel compétiteur pour la fonction suprême) une ligne maîtresse de son action, l’on se souviendra qu’il avait publiquement fait état, lors de sa réélection à la tête du Parti en janvier 2016, de son intention de ne conserver ses fonctions que durant un demi mandat supplémentaire. Des propos d’autant plus vite oubliés que, suite au décès du président Trần Đại Quang (général d’armée, ex-ministre de la sécurité publique) en septembre 2018, il avait opportunément assumé aussi cette charge jusqu’au 13e Congrès national du Parti (janvier 2021). Et lors de cet événement, en dépit d’un son état de santé déjà notoirement fragile, les paroles prononcées cinq ans auparavant avaient de nouveau disparu devant la réalité (de l’ambition) du pouvoir. Cédant logiquement la présidence (à M. Võ Văn Thưởng), M.Trọng a poursuivi ses combats de longue haleine - contre la corruption, argument largement étendu à tous ceux dont il doutait de l’absolue loyauté - tout en étant attaqué par les effets immuables de l’âge dans un combat que les armes les plus affûtées du PCVN ne savent vaincre. 

Clin d’œil de (la petite) histoire, c’est désormais le président de la république (un fidèle parmi ses fidèles) qui se voit chargé de conduire les affaires suprêmes du Parti dans un intérim qui, s’il le gère sans heurts (ce qui est très probable au regard du pouvoir du général Lâm), devrait lui permettre de bénéficier à son tour de la confiance (indissociable de la crainte) des membres du futur Comité central qui sera issu du Congrès national de janvier 2026 et de prendre durablement la tête du Parti. 

Cet enjeu ne manquera pas de tarauder tous ceux qui, dans les plus hautes sphères du Parti, s’inclineront avec force respect lors des funérailles nationales qui vont être organisées les 25 et 26 juillet, et durant lesquelles force louanges seront prononcées sur la vie que M. Trọng aura dédiée au service du Parti et de son pays. Il sera ensuite temps de se (re)mettre en ordre de bataille pour le parcours devant mener aux échéances suprêmes de 2026.

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(*) M. Nguyễn Phú Trọng est la 88e personnalité du pays à recevoir cette distinction, qui lui a été attribuée pour son « engagement exceptionnel au service de la cause révolutionnaire du Parti et de la nation ». Il est très probable que le Parti a voulu honorer son dirigeant de son vivant, ce qui n’était plus arrivé depuis 15 ans. La dernière personnalité à avoir reçu cette distinction de son vivant (en 2009) est en effet le général de corps d’armée Trần Văn Quang (1917-2013), dont le parcours forgé durant les guerres contre les Français puis les Américains s’est conclu par onze années à l’un des postes de postes de vice-ministre de la défense. Depuis, 14 hommes, tous anciens résistants, ont reçu cette décoration mais à titre posthume. 



Le directeur du Département (vietnamien) des opérations de maintien de la paix promu général (07/2024)

Moins d’un mois sépare ces deux clichés, tous deux pris à Hà Nội : 19 juin 2024 pour le premier, 16 juillet pour le second lors de l’ouverture d’un stage de formation d’observateurs internationaux en amont de leur projection en opération. Ils attestent de la promotion, dans une discrétion médiatique dont la hiérarchie militaire vietnamienne est souvent coutumière, du colonel supérieur Phạm Mạnh Thắng, directeur du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP), au rang de général de brigade (GBR). 

Cet officier, âgé de 53 ans, a succédé en mars 2023 au GBR Hoàng Kim Phụng, « père fondateur » de cet organisme qu’il avait fait littéralement sortir de terre depuis 2014. Cette promotion rapide atteste de la confiance que le général Thắng a su obtenir de sa hiérarchie et de ses collaborateurs dans la mission difficile qui lui est confiée, à la tête d’une unité très souvent sous les feux de l’actualité diplomatique militaire et fer de lance de l’insertion de l’armée vietnamienne dans le monde des OMP sous mandat onusien (participation à trois missions sous béret Bleu : Soudan du sud, république Centrafricaine et Abiyé) mais aussi en contribution à une mission de l’Union européenne (en république Centrafricaine). 

Nul doute que la riche expérience internationale de cet officier francophone (ancien attaché de défense à Paris) et ses premiers pas très réussis dans cette position très exposée de directeur du DOMP, ont pesé en faveur de cette promotion qui s’imposait naturellement.