Le 22 décembre 2020, l’armée populaire vietnamienne a célébré le soixante-seizième anniversaire de la création de sa première cellule, en 1944 dans les montagnes du Nord. Plus encore que les années précédentes, aucun faste n’a entouré cet événement. Les raisons en sont multiples : volonté de ne célébrer que les grands millésimes par souci d’économie budgétaire, contexte sanitaire cette année non propice à l’organisation de grandes manifestations populaires, mais aussi travaux finaux de préparation du treizième Congrès national du Parti communiste vietnamien (PCVN) - avec notamment le quatorzième plénum du Comité central du Parti (14 au 18 décembre).
Parmi les messages diffusés par les autorités militaires, et notamment par les généraux de corps d’armée Nguyễn Chí Vịnh et Hoàng Xuân Chiến (ci-dessous), qui portent temporairement en tandem les relations internationales du ministère de la défense, l’on retiendra :
- une mention appuyée pour saluer, à juste titre, l’engagement des militaires vietnamiens aux côtés des populations dans deux combats clés en 2020 - la campagne nationale de lutte contre la pandémie de COVID-19 et la lutte contre les catastrophes naturelles qui ont sévèrement frappé dès l’été le Centre du pays ;
- et un satisfecit pour le travail que le haut état-major a mené durant cette année durant laquelle le Viêt Nam a présidé les instances dirigeantes de l’ASEAN. Malgré l’annulation de tous les grands événements sur lesquels les militaires comptaient pour mettre en valeur la modernisation de leur institution (notamment l’accueil d’une première revue navale internationale début mai à Nha Trang, et le salon d’armement à Hà Nội en fin d’année), les échéances ont été tenues avec l’organisation des grands sommets (ADMM, ADMM+, réunions des chefs d’état-major d’armées) en visioconférence. Un mode d’organisation techniquement réussi mais qui a présenté le grand inconvénient de priver les dirigeants vietnamiens de la réception de tous leurs homologues – une situation que tous les pays ont connue cette année.
Ces points ont été repris par le général Chiến le 18 décembre lors d’une réception des attachés de défense en poste à Hà Nội, une première pour celui qui succède au général Vịnh.
Le corps des attachés de défense, réuni autour du GCA Hoàng Xuân Chiến et du général de division Phùng Sĩ Tấn, l’un des adjoints au chef de l’état-major général des armées. |
S’il a visiblement réussi cet exercice, le dernier mot restera logiquement au général Vịnh, dont la longévité à la tête des relations internationales du ministère de la défense – dix ans – fera date. L’on trouvera ainsi dans une longue interview, diffusée par le Quân đội Nhân dân ce 22 décembre, la conviction que les relations internationales de défense jouent un rôle de fer de lance dans la défense du pays, surtout en cette période de plus en plus marquée par les interconnexions entre nations et, sur le plan régional, par la montée des frictions entre grandes puissances (Chine et Etats-Unis).
Les relations internationales de défense sont placées sous la direction du Parti, gérées par le gouvernement, et relèvent directement de la Commission militaire centrale et du ministère de la défense. Elles ne sont pas une simple manifestation des affaires étrangères du ministère de la défense, mais concernent directement l’indépendance, l’intégrité, la souveraineté de la nation et du peuple vietnamiens, ainsi que la sécurité, la paix de la région et du monde. […] La caractéristique des relations internationales de défense est qu’elles visent à créer de la confiance. Les armées combattent pour défendre la Patrie, mais en temps de paix elles défendent la paix et l’amitié entre les nations par la coopération et l’engagement à ne pas recourir à la force dans les questions internationales. Au cours des dernières années, cette spécificité a valu à notre pays et à tous les pays du monde de porter une attention toute particulière aux relations internationales de défense.
Le général Chiến, bien moins expérimenté que son illustre prédécesseur, hérite dès à présent d’un flambeau difficile à porter. Il lui incombera de gagner cette confiance avec de nombreux interlocuteurs, pas forcément animés d’intentions de nourrir de véritables partenariats mais surtout d’être présents voire de prendre pied dans cette partie de l’Indo-Pacifique où les « choses peuvent se passer » en raison du bras de fer entre les deux grandes nations du Pacifique. Pour un Viêt Nam qui continue de revendiquer son refus d’adhérer à quelque alliance militaire que ce soit, à ne pas s’allier avec un pays tiers contre un autre pays, et à ne pas accueillir de bases étrangères sur son sol, il va être difficile de continuer de condamner les violations par la Chine de son espace revendiqué en mer de Chine méridionale sans soutenir les opérations américaines visant à manifester leur attachement à la liberté de circulation dans ces espaces à la souveraineté contestée.
Le Congrès national du Parti, dont la date vient d’être annoncée (25 janvier au 02 février 2021) aura la lourde tâche de définir cette position difficilement tenable, consistant à montrer au peuple qu’il ne cède ni au poids du pesant voisin chinois ni à l’encombrante amitié désormais offerte par l’intéressé acteur américain, avec dans son sillage d’autres nations qui veulent mettre en valeur leurs propres stratégies indo-pacifiques.