Les 17 et 18 juin 2019, l’amiral Luechai Ruddit, commandant en chef de la marine royale thaïlandaise, a effectué son premier déplacement au Viêt Nam. Un an et demi après la réception de son prédécesseur - l'amiral Naris Pratoomsuwan (25 au 28 janvier 2018) - à Hanoi, cette visite est dans l’ordre des choses, d’une part car la Thaïlande passera le relais de la présidence de l’ASEAN au Viêt Nam en janvier 2020 et qu’à ce titre il incombera au ministère vietnamien de la défense de prendre aussi la tête, pour un an, de toutes les instances militaires de l’Association, d’autre part car ces deux pays qui partagent une frontière entièrement maritime dans le golfe de Thaïlande ont donc des préoccupations communes en matière de contrôle de leurs espaces maritimes.
Comme de coutume, l’amiral Luechai Ruddit a été dans un premier temps accueilli par son homologue, le vice-amiral Phạm Hoài Nam, au siège de l’état-major de la marine, à Hải Phòng (17 juin). Les deux commandeurs, qui sont amenés à se rencontrer régulièrement dans les événements maritimes organisés dans la région, et en particulier lors des salons d’armement et revues navales auxquelles la marine populaire vietnamienne participe de plus (envoi d’une, voire de deux, frégates Gepard), ont dressé un bilan positif de la relation entre les deux marines.
Cette relation se tisse et se renforce autour de la problématique commune du contrôle de ces eaux du golfe de Thaïlande très fréquentées, que ce soit par les pêcheurs légaux mais aussi illégaux, par des trafiquants de tous ordres et des adeptes de la piraterie maritime. Les deux chefs d’état-major ont ainsi salué le bon fonctionnement d’un canal de communication direct entre leurs centres de contrôle, qui permet de déconflicter des situations parfois tendues. De même, ils se sont prononcés en faveur de la poursuite des patrouilles conjointes régulières, qui franchiront en 2019 le vingtième anniversaire de leur lancement, en 1999, en application de l’accord du 09 août 1997 délimitant la frontière entre les deux pays dans le golfe de Thaïlande. Ces patrouilles, menées officiellement deux fois par an dans un secteur vaste d’environ 6000 km2, sont autant d’occasions de renforcer la connaissance mutuelle entre marins vietnamiens et thaïlandais lors de missions d’affirmation de présence, de sauvetage en mer, de lutte contre la piraterie, et d’échange régulier d’informations - ce qui n’empêche pas des accrochages ponctuels entre pêcheurs et garde-côtes ou marines locales.
Dans un second temps, l’amiral Luechai Ruddit a été reçu le 18 juin à Hanoi par le général de corps d’armée Phan Văn Giang, vice-ministre de la défense et chef de l’état-major général des armées. Il a assuré que la Thaïlande apportera au Viêt Nam tout le soutien dont il pourra avoir besoin dans le difficile exercice qu’est la présidence de l’ASEAN. En particulier, sur le volet naval, il a rappelé que la marine thaïlandaise est disposée à partager toute son expérience de l’organisation d’une revue navale avec la marine populaire vietnamienne, qui a déjà annoncé qu’elle organisera un tel événement début mai 2020 au large de Nha Trang.
Pour sa part, le général Giang a profité de cette visite pour partager avec l’amiral Luechai Ruddit ses préoccupations sur le sort des pêcheurs vietnamiens qui sont interceptés dans les eaux territoriales thaïlandaises. Il a concédé que certes ces pêcheurs n’ont pas à se livrer à la pêche illégale dans les eaux des pays voisins, mais appelé à un traitement humain de ces hommes poussés loin de leurs côtes pour traquer des ressources halieutiques qui se raréfient et éviter les prises à partie par les pêcheurs chinois et leurs bâtiments d’escorte, dont la violence donne régulièrement lieu à des accrochages qui se concluent parfois par le naufrage de chalutiers.
L’amiral Luechai Ruddi a bien pris acte de la demande vietnamienne, manifesté l’attachement de son pays au respect de la dignité humaine, mais bien précisé que les pêcheurs en infraction tombaient sous la coupe de la législation thaïlandaise. Une situation qui se reproduit aussi en Indonésie et en Malaisie, qui font de la lutte contre la pêche illégale l’une de leurs priorités.
Au bilan, alors que les commandants en chef de la marine thaïlandaise ne restent pas plus de deux ans en fonction, contrairement à la grande longévité des amiraux vietnamienne, cette visite s’inscrit donc dans la logique de renforcement des solidarités entre partenaires aséaniens, sur fond d’intérêts sécuritaires communs et sans profondes divergences de vues.
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