mardi 8 octobre 2024

Tournée mondiale du SG PCVN & Président Tô Lâm (étape française) 03 au 07/10/2024

 

Mission accomplie ! En l’espace de quatre mois, le déjà puissant général d’armée Tô Lâm, ministre de la sécurité publique, s’est installé à la tête du Viêt Nam, dans un siège sur mesure dans lequel il s’est opportunément arrogé le maroquin de chef de l’Etat après avoir évincé Võ Văn Thưởng (mai) puis été nommé à la tête du Parti communiste vietnamien (PCVN) après le décès de Nguyễn Phú Trọng (juillet). Doublement doté de ces deux sceptres de pouvoir, dans l’attente que l’assemblée nationale élise, probablement en octobre, un nouveau président de la république, le général Lâm a mis les bouchées doubles durant près de trois semaines pour sillonner la planète de la diplomatie : Etats-Unis du 19 au 25/09 (avec réception par le président Biden et prise de parole à la tribune de l’assemblée générale des Nations unies), puis une succession de « visites d’Etat » à Cuba (25-27/09), en Mongolie (29-30/09), en Irlande (01-03/10, une première depuis l’établissement des relations diplomatiques) et, dans la foulée du 19e sommet de la Francophonie à Villers-Côtterets (03-04/10), il a parachevé son long séjour en terre de France (mais aussi sur les pas d’Hồ Chí Minh jusque dans la Seine Maritime, à Sainte Adresse…) par une « visite d’Etat » (la première depuis celle du président Trần Đức Lương en octobre 2002). 

A défaut de faire la une de l’actualité française, cet événement a, comme toutes les étapes du périple du n°1 vietnamien, été l’occasion pour les médias d’Etat de mettre en valeur la stature du général Lâm sur la scène internationale et l’engagement du régime de Hanoi pour la paix internationale (sans pour autant franchir le seuil de la critique contre l’agression russe en Ukraine ni se risquer à faire des vagues avec Pékin sur le sujet de la mer « de l’Est »). 

L’on appréciera ainsi la façon dont la déclaration conjointe publiée par l’Elysée (07/10) aura été ciselée, avec l’annonce de l’élévation de la relation bilatérale au niveau d’un « Partenariat stratégique global » mais aussi des termes qui « sonnent doux » aux oreilles exigeantes du régime de Hanoi, tels que la reconnaissance du rôle suprême du PCVN (« Les deux parties s’engagent à maintenir les échanges et contacts […] entre les autorités françaises d’une part et le Parti communiste, le gouvernement, l’Assemblée nationale et les autorités locales vietnamiens »). Alors que le Président Macron a de nouveau et logiquement fermement condamné lors de la conférence de presse conjointe l’agression russe en Ukraine, le communiqué officiel fait une place belle à la position de Hanoi : « Les deux parties soulignent l’importance d’aboutir à une paix globale, juste et durable en Ukraine, dans le respect du droit international, en particulier des principes fondamentaux tels que définis dans la Charte des Nations Unies ». En cette année où un progrès historique a été effectué sur le chemin escarpé de la Mémoire partagée (participation d’un ministre français des armées, pour la première fois, aux cérémonies commémoratives de la fin de la bataille de Điện Biên Phủ le 7 mai dernier), une déclaration à l’avantage du pays partenaire ne peut pas faire de mal à la relation bilatérale. 

Reste désormais à joindre les actes à la déclaration d’intention, même si cette dynamique requerra visiblement un temps long, et en tout cas perçu culturellement différemment par les deux partenaires. L’ambition décrite dans le volet défense (« donner une nouvelle impulsion à la coopération dans le domaine de l’industrie de défense en étudiant, en initiant et en mettant en œuvre des projets structurants ») est à cet égard révélatrice de ce temps (très) long qui sépare l’étude d’un projet « structurant » de sa concrétisation. Gageons que « les ministres des Affaires étrangères des deux pays […] chargés, en lien avec les administrations compétentes, d’établir dans les meilleurs délais un plan d’action destiné à concrétiser les objectifs susmentionnés » devront d’abord comprendre ce que revêt à Hanoi comme à Paris la notion de « meilleurs délais »…

lundi 26 août 2024

Première participation de la marine vietnamienne à l’exercice australien Kakadu (08 au19/09/2024 à Darwin)

Organisé tous les deux ans par la marine australienne avec l’appui de l’armée de l’air, l’exercice multilatéral Kakadu vise à développer l’interopérabilité entre la marine australienne et de nombreux partenaires régionaux. Organisée du 08 au 19 septembre au large de Darwin, l’édition 2024 devrait voir la participation de 23 pays et l’engagement de 16 bâtiments et cinq avions. 

Pour la première fois depuis le lancement de cet exercice majeur, en 1993, un bâtiment de la marine vietnamienne va prendre part à Kakadu. Le 24 août, le bâtiment de lutte anti-sous-marine identifié sous le numéro 18 (*) et appartenant à la Brigade maritime 171 (2e région maritime) a quitté son port-base de Hồ Chí Minh-Ville pour entamer un long déploiement jusqu’en Australie. Cette mission, préparée de longue date, est au demeurant décrite par le colonel Mick Jansen, attaché de défense australien à Hà Nội, comme un jalon majeur du renforcement de la relation de défense entre l’Australie et le Viêt Nam. 

(lien vers la vidéo du départ du bâtiment => Cliquer ici)

Au terme de ce qui sera le plus lointain déploiement jusqu’en Océanie jamais effectué par un bâtiment de guerre vietnamien, l’équipage devrait axer sa participation aux volets non-combattants de l’exercice, dont la palette est suffisamment large (communication en mer, navigation en formation, ravitaillement à la mer, remorquage de navires, recherche et sauvetage) pour renforcer ses connaissances opérationnelles en milieu international tout en diffusant une image de marine pacifique et engagée en faveur de la stabilité des grands axes d’échanges maritimes. 

Dans le prolongement de l’année 2023, marquée par plusieurs déploiements de bâtiments vietnamiens dans les eaux de l’Asie du sud-est, 2024 confirme la prise de confiance des marins vietnamiens en leur capacité à se déployer loin de leurs bases jusque vers les eaux de leurs plus proches partenaires.   

(*) Bâtiment de classe Pohang, initialement baptisé Gimcheon et cédé par la Corée du sud à la marine vietnamienne fin 2018, puis modernisé. 

dimanche 21 juillet 2024

Décès du secrétaire général du Parti communiste vietnamien Nguyễn Phú Trọng (19/07/2024)

 

A honneurs exceptionnellement rapides, situation exceptionnelle. Dans cette machine aussi bien huilée qu’est la structure sommitale du Parti communiste vietnamien (PCVN), les « battements d’ailes » de papillon, aussi frénétiques et soudains que ceux qui ont transparu dans les médias locaux ce 18 juillet 2024 (demande du Bureau politique du Parti au président de la république pour que soit décernée au secrétaire général Nguyễn Phú Trọng l'Etoile d'or, plus haute décoration nationale de la république socialiste du Viêt Nam; signature immédiate du décret d’attribution par le général Tô Lâm (*); mais aussi et surtout décision du Bureau politique de conférer au général Lâm les pouvoirs de direction du Parti en raison de l’empêchement de M. Trọng de les exercer), annonçaient une situation d’urgence, qui s’est sans surprise confirmée ce 19 juillet. Dans une chorégraphie à laquelle ils ne se sont probablement qu’imparfaitement préparés, les plus hauts dirigeants du Parti se sont rendus au chevet de M. Trọng à l’Hôpital militaire 108 de Hanoi pour lui témoigner leurs derniers loyaux respects, avant que le numéro 1 du pays ne s’éteigne dans sa 80e année et, pour la postérité, auréolé de cette Etoile d’or qui lui a été décernée en véritable urgence vitale – pour le prestige du Parti plus que pour lui-même. Dès 18 heures ce 19 juillet, les médias officiels vietnamiens ont troqué leurs couleurs chatoyantes pour le noir du deuil et publié un sobre communiqué informant le peuple vietnamien du décès de son leader à 13h38, « en raison de son âge » (80 ans) « et d’une maladie grave ». Sa dernière apparition officielle remontait au 20 juin, lors de la visite d’« Etat » éclair du président Poutine à Hà Nội. 

Après 13 années à la tête du Parti et du pays, durant lesquelles Nguyễn Phú Trọng a fait de la lutte contre la corruption (et contre tout éventuel compétiteur pour la fonction suprême) une ligne maîtresse de son action, l’on se souviendra qu’il avait publiquement fait état, lors de sa réélection à la tête du Parti en janvier 2016, de son intention de ne conserver ses fonctions que durant un demi mandat supplémentaire. Des propos d’autant plus vite oubliés que, suite au décès du président Trần Đại Quang (général d’armée, ex-ministre de la sécurité publique) en septembre 2018, il avait opportunément assumé aussi cette charge jusqu’au 13e Congrès national du Parti (janvier 2021). Et lors de cet événement, en dépit d’un son état de santé déjà notoirement fragile, les paroles prononcées cinq ans auparavant avaient de nouveau disparu devant la réalité (de l’ambition) du pouvoir. Cédant logiquement la présidence (à M. Võ Văn Thưởng), M.Trọng a poursuivi ses combats de longue haleine - contre la corruption, argument largement étendu à tous ceux dont il doutait de l’absolue loyauté - tout en étant attaqué par les effets immuables de l’âge dans un combat que les armes les plus affûtées du PCVN ne savent vaincre. 

Clin d’œil de (la petite) histoire, c’est désormais le président de la république (un fidèle parmi ses fidèles) qui se voit chargé de conduire les affaires suprêmes du Parti dans un intérim qui, s’il le gère sans heurts (ce qui est très probable au regard du pouvoir du général Lâm), devrait lui permettre de bénéficier à son tour de la confiance (indissociable de la crainte) des membres du futur Comité central qui sera issu du Congrès national de janvier 2026 et de prendre durablement la tête du Parti. 

Cet enjeu ne manquera pas de tarauder tous ceux qui, dans les plus hautes sphères du Parti, s’inclineront avec force respect lors des funérailles nationales qui vont être organisées les 25 et 26 juillet, et durant lesquelles force louanges seront prononcées sur la vie que M. Trọng aura dédiée au service du Parti et de son pays. Il sera ensuite temps de se (re)mettre en ordre de bataille pour le parcours devant mener aux échéances suprêmes de 2026.

*    *    *

(*) M. Nguyễn Phú Trọng est la 88e personnalité du pays à recevoir cette distinction, qui lui a été attribuée pour son « engagement exceptionnel au service de la cause révolutionnaire du Parti et de la nation ». Il est très probable que le Parti a voulu honorer son dirigeant de son vivant, ce qui n’était plus arrivé depuis 15 ans. La dernière personnalité à avoir reçu cette distinction de son vivant (en 2009) est en effet le général de corps d’armée Trần Văn Quang (1917-2013), dont le parcours forgé durant les guerres contre les Français puis les Américains s’est conclu par onze années à l’un des postes de postes de vice-ministre de la défense. Depuis, 14 hommes, tous anciens résistants, ont reçu cette décoration mais à titre posthume. 



Le directeur du Département (vietnamien) des opérations de maintien de la paix promu général (07/2024)

Moins d’un mois sépare ces deux clichés, tous deux pris à Hà Nội : 19 juin 2024 pour le premier, 16 juillet pour le second lors de l’ouverture d’un stage de formation d’observateurs internationaux en amont de leur projection en opération. Ils attestent de la promotion, dans une discrétion médiatique dont la hiérarchie militaire vietnamienne est souvent coutumière, du colonel supérieur Phạm Mạnh Thắng, directeur du Département des opérations de maintien de la paix (DOMP), au rang de général de brigade (GBR). 

Cet officier, âgé de 53 ans, a succédé en mars 2023 au GBR Hoàng Kim Phụng, « père fondateur » de cet organisme qu’il avait fait littéralement sortir de terre depuis 2014. Cette promotion rapide atteste de la confiance que le général Thắng a su obtenir de sa hiérarchie et de ses collaborateurs dans la mission difficile qui lui est confiée, à la tête d’une unité très souvent sous les feux de l’actualité diplomatique militaire et fer de lance de l’insertion de l’armée vietnamienne dans le monde des OMP sous mandat onusien (participation à trois missions sous béret Bleu : Soudan du sud, république Centrafricaine et Abiyé) mais aussi en contribution à une mission de l’Union européenne (en république Centrafricaine). 

Nul doute que la riche expérience internationale de cet officier francophone (ancien attaché de défense à Paris) et ses premiers pas très réussis dans cette position très exposée de directeur du DOMP, ont pesé en faveur de cette promotion qui s’imposait naturellement.

jeudi 30 mai 2024

Le Département des relations extérieures du ministère vietnamien de la défense fête ses 60 ans (28/05/2024)


Ce mois de mai 2024 se termine à nouveau sous le signe des commémorations d’événements majeurs dans l’histoire de l’armée populaire vietnamienne (APVN). Après le soixante-dixième anniversaire de la victoire vietnamienne à Điện Biên Phủ (07 mai), le dixième anniversaire de la création du Centre vietnamien de préparation aux opérations de maintien de la paix (27 mai), c’est au tour du Département des relations extérieures (DRE) du ministère de la défense (Cục Đối ngoại)d’être placé sous les feux des médias en 28 mai, 60 ans après la création, en 1964, du Département de liaisons extérieures (Cục Liên lạc Đối ngoại) du ministère, dont il a repris la mission en 1989. 

Comme ce fût le cas la veille, l’APVN a soigné son protocole : sous une forte couverture médiatique, de très nombreuses personnalités ont été conviées aux côtés du général d’armée Phan Văn Giang, ministre de la défense : à peine remis de leur participation à la cérémonie au Département des opérations de maintien de la paix, les généraux d’armée Phạm Văn Trà et Đỗ Bá Tỵ ont revêtu de nouveau l’uniforme (qui leur sied toujours malgré les années qui passent), de même que de nombreux officiers, en retraite ou toujours en activité (généraux de corps d’armée Hoàng Xuân Chiến, vice-ministre de la défense chargé des relations extérieures, et Phùng Sĩ Tấn, l’un des adjoints au chef de l’état-major général des armées), ayant atteint les postes sommitaux dans la pyramide de l’APVN.

A presque 89 ans, le GAR Trà a été de toutes les grandes cérémonies ce mois.

Devant un parterre d’autorités nationales et du corps diplomatique, au sein duquel les partenaires historiques de l’APVN (Russie, Chine, Laos, Cambodge) ont logiquement été salués, le général Giang a apposé dans les plis du drapeau du Département la médaille du mérite national de premier rang (le plus élevé dans la hiérarchie de cette décoration) pour les travaux accomplis durant ces soixante années. Le général de brigade Vũ Thành Văn, directeur du Département, a rappelé que l’APVN a aujourd’hui tissé des liens avec les armées de plus de cent pays, ce qui se matérialise par un accroissement des échanges de délégations, visites, déplacements d’autorités de par le monde, mais aussi – comme cela avait été mis en exergue la veille au DOMP – par la projection depuis dix ans de militaires vietnamiens en opérations sous mandat onusien. 

Loin d’être une mission annexe au sein du ministère de la défense, les relations internationales militaires sont considérées par Hà Nội comme une arme dont la mission est d’ouvrir la route (aux relations internationales conduites par le ministre) au et du plus loin possible (« đi trước mở đường »), permettant ainsi au ministère de la défense de connaître le plus finement possible la situation militaire internationale et ses impacts possibles sur le pays et son environnement, gagnant ainsi du temps précieux pour anticiper les crises mais aussi les opportunités pour l’APVN de mettre en valeur ses atouts et de s’insérer plus avant dans le paysage des relations internationales militaires. L’engagement rapide, en février 2023 et pour la première fois, d’un détachement de près de 80 militaires (la plupart appartenant au génie et au service de santé des armées) en Turquie, dans le cadre de l’assistance internationale apportée à ce pays suite au séisme qui avait frappé la région de Gaziantep (06 février), a mis en valeur tout le bénéfice qu’une connaissance mutuelle de partenaires peut apporter. L’opération, parfaitement coordonnée entre Hà Nội et Ankara, a été un réel succès dont l’impact restera longtemps très positif sur les relations entre le Viêt Nam et la Turquie.

Cette mission d’« ouverture de portes », au demeurant très liée au monde du renseignement, n’est pas considérée comme compétence qui s’ajoute rapidement à un arc ou à un CV d’officiers qui accumulent diverses compétences au gré du parcours qui leur est tracé par des bureaux de ressources humaines, mais une véritable spécialité dans laquelle le personnel sélectionné effectue généralement toute une carrière. Tout comme c’est le cas pour le personnel qui est engagé en opérations de maintien de la paix, le DRE a bâti au fil des décennies un corps solide d’officiers très bien formés (avec une double compétence renseignement acquise au sein du Département général n°2 (Tổng cục II, Direction du renseignement militaire) et capables, en fonction des moyens financiers et matériels qui sont alloués à leur mission, d’être dans les pays où ils sont déployés de réels vecteurs d’influence (dans la région sud-est asiatique au moins) et de renseignement au profit du ministère. Nul doute à cet égard que tous les participants à cette cérémonie ont eu une pensée vers celui qui y aurait eu toute sa place d’honneur – et aurait fait de l’ombre à beaucoup d’entre eux : le général de corps d’armée Nguyễn Chí Vịnh, décédé le 14 septembre dernier. Outre l’ancrage de sa famille au sein de l’Histoire militaire du pays, le général Vịnh a servi durant plus de vingt ans au sein du renseignement vietnamien dont dix à la tête du DG2, puis dix autres années au poste de vice-ministre de la défense, chargé des relations internationales. Ayant pourtant tous fait leurs armes durant de nombreuses années dans ces services, aucun de ses successeurs à ces postes de la plus haute importance n’a atteint et n’atteindra l’aura et la puissance que s’est forgée le général Vịnh dans les plus hautes sphères du ministère de la défense et jusque dans les instances dirigeantes sommitales du Parti communiste vietnamien.

Malgré le diplôme qu’il a reçu des mains de son ministre (ci-dessus), le général Văn a dû se sentir petit sous sa casquette face au parterre de VIP présents dont, à l’image du général de division Vũ Chiến Thắng, son prédécesseur, beaucoup de « compagnons de route » du général Vịnh. Une situation que le général Hoàng Xuân Chiến, désormais à l’aune de son parcours, a connue lui aussi lorsqu’il a pris la suite de son illustre prédécesseur à la tête des relations internationales du ministère. 

Mais si les hommes passent, la structure demeure, avec sa force résultant de plus d’un demi-siècle de construction et d’adaptation aux nouveaux contextes et enjeux internationaux. Grâce à sa prise directe avec la réalité d’un monde qu’il est important de pouvoir et de savoir décrypter au plus tôt et du plus loin, le DRE du ministère vietnamien de la défense est et restera incontestablement le cordon ombilical vital pour la poursuite de l’insertion de l’APVN sur la scène internationale militaire. 

mardi 28 mai 2024

Le Département Opérations de maintien de la paix de l'APVN souffle sa dixième bougie!

 

« Si tu veux cueillir des fruits pendant cent ans, plante des hommes ! (« vì lợi ích trăm năm, trồng người! »)… Sur ce long chemin vers la postérité, il est des millésimes qui font date. Il en est ainsi de ce 27 mai, qui marque le dixième anniversaire de l’inauguration, dans la banlieue ouest de Hà Nội, du Centre vietnamien de formation aux opérations de maintien de la paix (OMP) onusiennes (Trung tâm gìn giữ hòa bình Việt Nam).

Si certains artisans de cette véritable aventure ne sont plus de ce monde, à l’image des généraux Phùng Quang Thanh et Nguyễn Chí Vịnh, les hommes de terrain qui ont bâti et consolidé cet outil qui a permis au pilier OMP de l’armée populaire vietnamienne d’accéder au statut de « Département » (Cục gìn giữ Hòa bình Việt Nam), se sont réunis en grande pompe dans ce creuset des OMP pour célébrer cet événement. Même si le ministre de la défense était absent, les VIP étaient nombreux : vice-premier ministre Trần Lưu Quang, généraux d’armée Phạm Văn Trà (plus ancien ministre de la défense encore vivant) et Đỗ Bá Tỵ (ex-chef de l’état-major général des armées), général de corps d’armée Hoàng Xuân Chiến (successeur du défunt Nguyễn Chí Vịnh au poste de vice-ministre de la défense chargé des relations extérieures), et bien sûr le général de brigade Hoàng Kim Phụng, l’homme qui a fait sortir de terre ce centre et a envoyé de par les terres africaines arides les premiers contingents de bérets bleus vietnamiens.

Devant les représentants onusiens et du corps diplomatique, sans l’assistance desquels aucune acquisition d’expertise n’aurait été possible pour ces hommes et femmes agrégés autour de ce projet national inscrit dans la volonté de l’Etat (et du régime de Hà Nội) de montrer à la face du monde que l’armée populaire vietnamienne est une armée engagée au service de la paix mondiale, le colonel supérieur Phạm Mạnh Thắng a eu l’honneur de voir son Département recevoir les distinctions gagnées durant le mandat de son illustre prédécesseur : médaille de la défense de la Patrie de troisième échelon (une étoile, récompensant les services émérites de l’unité durant dix ans) décernée au DOMP, de même qu’à la première unité du génie qui a été déployée en Abiyé en 2022-2023, et félicitations du premier ministre adressées au personnel ayant participé au quatrième mandat de l’hôpital militaire de campagne déployé à Bentiu (Soudan du sud). 

Enfin, à titre individuel, un personnel emblématique du DOMP a été félicité au nom du premier ministre : le colonel supérieur Mạc Đức Trọng, adjoint au chef du DOMP, mais surtout premier officier à avoir été projeté en OMP, au Soudan du sud (juin 2014), et récemment rentré d’Abiyé, où il avait commandé le contingent du génie projeté sein de la FISNUA. 

Cet officier, dont le parcours aurait pu lui valoir de succéder au général Hoàng Kim Phụng dont il était déjà l’adjoint, doit être plus adepte des missions de terrain que des affres de la gestion d’un Département toujours sous le feu de l’actualité diplomatique militaire (passage quasi obligé de toutes autorités étrangères en visite au Viêt Nam).

Voir ici une vidéo de la cérémonie.

L’on gardera au bilan la projection en dix ans de plus de 800 militaires, essentiellement du service de santé des armées (Bentiu), d’une unité du génie (travaux), de nombreux officiers d’état-major (Soudan du sud, république Centrafricaine) puisés dans un vivier créé de toutes pièces (avec comme enjeu premier l’apprentissage de la langue anglaise !) mais qui continue de s’étoffer au fur et à mesure des relèves. En écho à cette réalité, une mission militaire a trouvé une petite place à New York où ses membres, comme tous les soldats déployés sous béret bleu en terre d’Afrique, font d’une part leurs gammes (apprentissage au contact de contingents plus rompus aux OMP), d’autre part diffusent ce message d’un Viêt Nam pacifique et tenant pleinement son rang dans le concert des nations. Le rôle de chef d’orchestre de cette manœuvre est visiblement bien assumé par le DOMP, dont les stages voient régulièrement la participation de militaires de la région, notamment lorsque des instructeurs des grandes nations rompues aux OMP y distillent des cours taillés sur mesure.

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« Si tu veux cueillir des fruits pendant dix ans, plante des arbres (vì lợi ích mười năm trồng cây) ». Le bilan de cette décennie est donc positif, les premiers pionniers ayant défriché le terrain, planté leurs propres arbres à la sueur de leur engagement personnel. Les premiers fruits sont une réalité, avec une petite structure de personnel ayant déjà plusieurs OMP à son acquis. Si la sécheresse (financière internationale) ne vient pas stopper ces ardeurs, l’on peut raisonnablement se donner rendez-vous dans dix ans pour une nouvelle cérémonie, de l’âge de la maturité cette fois.

vendredi 3 mai 2024

Derniers préparatifs des commémorations du 70ème anniversaire de la fin de la bataille de Điện Biên Phủ

 

Il est des millésimes incontournables, tant sur le plan du souvenir des grands faits de l’Histoire d’une nation que sur celui de l’entretien de la légitimité d’un régime. Le soixante-dixième anniversaire de la victoire de l’armée populaire vietnamienne à Điện Biên Phủ est l’un de ces événements qui bénéficient d’une préparation toute particulière. Cadrés par la directive 69/CT-BQP du ministère de la défense, du 18 février 2024, les préparatifs de cette cérémonie ont été confiés au général de corps d’armée Nguyễn Văn Nghĩa, adjoint au chef de l’état-major général des armées, chargé entre autres de l’entraînement des forces. 

Durant plus de deux mois, les personnels sélectionnés se sont entraînés au sein de leurs unités puis ont été regroupés à Hà Nội, avant de rejoindre la province de Điện Biên pour le 25 avril. 

Depuis le 26 avril, en présence du général Nghĩa, les répétitions finales se succèdent sur le site des commémorations. Plus de 12 000 militaires, membres des milices d’autodéfense, représentants des associations d’anciens combattants et de la société civile, et mouvements artistiques spécialisés dans l’émulation des combattants, se produiront dans un cérémonial parfaitement rodé devant les autorités qui feront l’incontournable déplacement jusqu’au site de l’ancien champ de bataille - à l’exception notoire et unique du président de la république et du président de l’assembléen nationale, postes vacants depuis les démissions forcées de Võ Văn Thưởng (20 mars) et de Vương Đình Huệ (26 avril) pour implication dans des affaires de corruption. 

La cérémonie s’ouvrira sur une salve de 21 coups de canons

Pour l’occasion, le général de brigade Nguyễn Hồng Phong, commandant en chef de l’artillerie, a fait acheminer 18 canons de 105 mm le 22 avril de Hà Nội jusqu’à Điện Biên, où ils ont été déployés au sein de l'enceinte du Musée de la victoire de Điện Biên Phủ. Comme c’est le cas pour toute cérémonie de ce type, les servants de pièces se sont activés pour donner un coup de lustre à ces armes, allant jusqu’à cirer et repeindre les pneus de leurs roues. Le jour J, quinze canons seront mis en action, trois autres étant conservés en réserve en cas de dysfonctionnement d’une pièce.

Dans les airs, douze hélicoptères et équipages, prélevés au sein des régiments 916, 917 et 930, ont été préparés pour un défilé aérien. Neuf seront engagés avec, sous élingue, les drapeaux vietnamien et du Parti communiste (deux autres seront prêts à pallier une défaillance technique d’un appareil, un dernier étant dédié à d’éventuelles opérations de secours en cas d’accident).

Dans le domaine de la communication, tous les médias vietnamiens nourrissent des chroniques très denses sur ces 56 jours et nuits de combats conclus par la victoire vietnamienne. L’on citera notamment la rubrique du Nhân dan (« Le Peuple ») et bien sûr sa déclinaison militaire (Quân đội Nhân dân), qui mettent largement en valeur l’héroïsme et de l’esprit de sacrifice de tout un peuple, la « direction éclairée du Parti » et l’aura d’Hồ Chí Minh et de son état-major. Des valeurs humaines et forces morales de la nation qui continuent d’être enseignées à toutes les jeunes (et moins jeunes) générations, notamment au travers des cours d’éducation de défense (Giáo dục Quốc phòng) inscrits aux programmes scolaires. Difficile de trouver pareille œuvre mémorielle du côté français, tant il est vrai que l’Histoire, et surtout celle liée à la colonisation, offre un terreau fertile aux joutes partisanes, qui se font hélas souvent fi du sacrifice des combattants qui ont versé leur sang et sueur pour la France. L’on consultera en revanche avec grand intérêt le remarquable journal de marche publié le blog français Theatrum Belli sur l’action des armées françaises au jour le jour à Điện Biên Phủ. 

Place désormais à une cérémonie exceptionnelle, qui revêtira cette année un lustre tout particulier en faveur d’un Souvenir partagé. J’en veux pour preuve le remarquable travail effectué par l’ambassade de France à Hà Nội (en partenariat avec le ministère des armées, l’Agence française de développement et plusieurs mécènes) et les autorités de la province de Điện Biên pour mettre en valeur différents sites du champ de bataille. Un véritable parcours muséologique en plein air a été créé, avec panneaux explicatifs en vietnamien, français et anglais. En parallèle, le pont Mường Thanh bénéficiera désormais d’un lustre exceptionnel grâce au soutien d’experts en illuminations de la ville de Lyon (inauguration prévue le 05 mai).


Et pour parachever cette œuvre de rapprochement pas à pas des Histoires, la cuvette accueillera en ce 70ème anniversaire de la fin de la guerre d’Indochine la secrétaire d’Etat aux anciens combattants Patricia Mirallès et, pour la première fois depuis la fin du conflit, le ministre français des armées, M. Lecornu, qui se recueillera au petit cimetière militaire français. Gageons que, dans un esprit de « mémoire partagée », le drapeau tricolore flottera sur le monument bâti par le sergent-chef Rodel en mémoire de ses frères d’armes tombés dans les combats, et inauguré dans un quasi anonymat national en mai 1994. Et espérons que la Marseillaise sera enfin autorisée à retentir officiellement dans ce modeste carré français !