Il est des déplacements particulièrement importants pour les hauts dirigeants vietnamiens. Ceux en Inde en font partie, pour de multiples raisons : poids de l’Histoire (relation Hồ Chí Minh – Nehru), poids géopolitique (géant indien, au cœur du pilier « océan indien » de l’Indopacifique mais dont le rayonnement déborde largement vers l’Est, au travers de son Act East policy, capacité à rivaliser avec les ambitions d’expansion de puissance de la Chine), nation industrieuse à immense marché intérieur, et bien sûr puissance militaire y compris nucléaire, autant d’atouts qui convergent avec le souhait de Hà Nội de trouver un contrepoids au pesant mais incontournable et indispensable (économiquement) voisinage avec la Chine.
Nulle surprise donc à ce que les relations entre militaires continuent de se renforcer, tant l’armée populaire vietnamienne (APVN) peut bénéficier d’expertises indiennes rares (formations de sous-mariniers (sur Kilo, à Vishakhapatnam), technologie d’observation spatiale, industrie d’armement compétitive (missile BrahMos)) et de la disponibilité pour répondre présente aux demandes, somme toute raisonnables, que le ministère vietnamien de la défense peut exprimer : aide à la modernisation de la marine populaire, formations en matière d’opérations de maintien de la paix en milieu onusien, et capacité et ambition d’être plus présent en Asie du sud-est maritime et notamment en mer de Chine méridionale.
Avec de tels points de convergence, nulle surprise à ce New Delhi soit une destination à haute valeur ajoutée pour les dirigeants militaires. Répondant à l’invitation de son homologue Rajnath Singh, le général d’armée Phan Văn Giang s’est rendu du 17 au 20 juin en Inde à la tête d’une délégation de très haut niveau, comprenant notamment les généraux Võ Minh Lương (représentant du sud du pays au sein du collège des vice-ministres de la défense), Phạm Ngọc Hùng (très discret mais puissant directeur du renseignement militaire), Vũ Thành Văn (directeur du département des relations extérieures du ministère, qui poursuit son acculturation aux grands partenaires), le contre-amiral Trần Thanh Nghiêm (commandant en chef de la marine), et l’incontournable directeur du Département opérations de maintien de la paix (colonel supérieur Phạm Mạnh Thắng).
Accueilli avec les plus grands honneurs, il a été reçu par les plus hautes autorités du pays, y compris par la présidente Droupadi Murmu comme cela est de coutume dans les relations entre grands partenaires régionaux.
Les entretiens ont permis de confirmer les grands axes de la coopération listés ci-dessus, avec comme cerise sur le gâteau, déjà excellent, de cette visite, l’annonce du don à la marine vietnamienne d’une corvette lance-missiles de conception indienne (classe Khukri).
L’INS Kirpan (91 mètres de long, 10 de large, déplacement de 1 350 tonnes, vitesse de pointe 25 nœuds, endurance 7 400 km) est un bâtiment taillé pour conduire un éventail de missions allant de la patrouille côtière et en haute mer, en passant par la lutte contre la piraterie et les trafics maritimes et les opérations d’assistance et de secours en mer. Son armement varié (un canon de 76 mm, deux de 30 mm, missiles mer-mer et mer-air et sa capacité d’emport d’un hélicoptère lui confèrent une réelle puissance opérationnelle, qui s’intègrera aisément dans l’ordre de bataille naval vietnamien. Même si, à l’image de la plupart des bâtiments que la marine populaire et la police maritime ont reçus de leurs principaux partenaires (Japon, Corée du sud, Etats-Unis), son âge (plus de trente ans) n’en fera pas l’un des fleurons d’une flotte toujours en phase de modernisation. Mais un don est toujours bienvenu, et l’Inde s’engage tout particulièrement sur ce segment depuis dix ans (octroi en 2014 et 2016 de lignes de crédits destinés à l’acquisition de patrouilleurs côtiers au profit de la police maritime). Cette annonce n’est visiblement que la conclusion d’un processus de discussion conduit dans la plus grande discrétion car le délai entre la déclaration et sa concrétisation a été particulièrement court. La presse indienne a en effet annoncé moins de dix jours après la visite vietnamienne que la corvette a quitté Vishakhapatnam le 28 juin à destination du Viêt Nam, sans cependant confirmer son futur port-base.
Au bilan, le général Giang et son équipe peuvent se féliciter d’avoir conduit une séquence fructueuse, nouvelle touche d’une relation bilatérale sans nuage avec un partenaire majeur, sur lequel l’APVN continue de placer ambitions et confiance en matière d’équipements.
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