L’événement n’est pas
fréquent : en ce soixante-dixième anniversaire du soulèvement contre la
présence française (19 décembre 1946) lançant la « guerre de libération
contre le colonisateur », Nguyễn Phú Trọng, secrétaire général du Parti
communiste vietnamien (PCVN), s’est rendu au siège du Département général n°2 (Tổng Cục 2) -
aussi appelé Département général du renseignement de défense (Tổng cục Tình báo Quốc phòng). Accompagné du
général d’armée Ngô Xuân Lịch, ministre de la défense et ex-commissaire
politique en chef de l’armée populaire vietnamienne, le numéro 1 du pays a
rendu un hommage appuyé à ce service très discret quoique omniprésent dans le
paysage de la défense nationale. Chargé de veiller à ce que le pays et ses
hautes instances dirigeantes, y compris du PCVN, ne soient pas victimes de
tentatives de subversion ou d’affaiblissement, depuis l’extérieur mais aussi de
l’intérieur, le DG-2 a un spectre de responsabilité qui dépasse celui d’un
service de renseignement purement militaire. Son directeur [1] n’a
pas besoin d’être membre du Comité central du PCVN pour accéder directement au
secrétaire général et au bureau politique, ce qui en fait un homme dont les
attributions - et donc la puissance - s’exercent notamment dans la nomination
aux plus hautes responsabilités.
M. Trọng, décrivant une
situation internationale toujours plus complexe, pleine d’incertitude, et ce jusque
dans l’environnement immédiat du Viêt Nam – en mer de Chine méridionale (mais
sans jamais prononcer le mot « Chine », pour ne pas jeter de l’huile
sur un feu diplomatique qui pourrait être prompt à se raviver), a rappelé que
le pays était toujours la cible potentielle de « forces hostiles »
qui n’ont de cesse de soutenir une doctrine d’« évolution pacifique »
qui, par des procédés softs, indolores, peu visibles, conservent l’objectif de
dresser la population vietnamienne contre ses dirigeants, le Parti et l’armée.
Des termes que l’on n’avait pas entendus prononcer si fortement depuis de longs
mois, y compris dans les comptes-rendus des travaux du douzième Congrès
national du PCVN, en janvier dernier. Certes, le secrétaire général du PCVN, en
s’adressant de la sorte à un département-clé du ministère de la défense, et en
présence du ministre, ne pouvait se départir d’un discours fort et de
références inculquées de longue date à ces garants de la sécurité d’Etat que
sont ses membres. Et comme la semaine est placée sous le signe des
commémorations de l’anniversaire des forces armées (22 décembre) et des bilans
d’une année marquée par l’investiture d’une nouvelle équipe dirigeante, il
importe que le numéro 1 du pays – dont la réelection avait été incertaine, tout
comme l’est toujours la durée du second mandat – se montre sous son manteau de
chef militaire, face à un service qui lui est par nature entièrement fidèle.
Ses exhortations de vigilance accrue, de plus grande obéissance aux directives
du Parti - si tant est que cela soit encore possible, tant le DG-2 est déjà lié
au bureau politique -, auront donc convaincu un auditoire par nature convaincu
d’avance, et permis de montrer à des observateurs critiques qu’il n’existe pas
de dissension entre le Parti et l’armée. Un exercice que le général Ngô Xuân
Lịch, en tant qu’ex-directeur du Département général politique du ministère de
la défense, aura sans nul doute apprécié.
[1] Le DG-2 est actuellement
placé sous le commandement du général de division Phạm Ngọc Hùng. En 2014, il a succédé au général de division Lưu Đức Huy (qui avait lui-même succédé en 2009 au général Nguyễn Chí Vịnh, désormais très influent vice-ministre de la défense).
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