Le 02 janvier 2016, la Chine a
fait atterrir pour la première fois un petit jet civil sur la petite île de
Fiery Cross Reef, atoll situé dans la partie occidentale de l’archipel des
Spratley, en mer de Chine méridionale, et sur lequel Pékin mène depuis plus de
deux ans une intense campagne de poldérisation. Outre de nombreuses
infrastructures, dont un port en eau profonde, ces travaux ont permis de faire
émerger une piste de 3 000 mètres de long, permettant à Fiery Cross Reef (Yongshu pour Pékin) de faire figure de
porte-avion chinois à 1 000 km au sud de l’île de Hainan. Un porte-avions
jusqu’alors sans avions…
03 septembre 2015 |
Malgré les protestations
officielles immédiates de Hanoi, puis de Manille, un second test – de la piste
et des réactions internationales - a rapidement été mené par les Chinois, à un
niveau supérieur. Le 06 janvier, deux gros porteurs civils - un Airbus A319 (B-6203) de la compagnie China Southern Airlines et un Boeing 737 (B-5620) de Hainan Airlines – ont décollé de
l'aéroport international de Haikou Meilan pour se poser après deux heures de
vol sur Fiery Cross Reef (à 10h21 et 10h46). Le temps de célébrer avec faste
l’événement, les deux appareils ont redécollé et rejoint Meilan dans
l’après-midi.
Faisant fi de toutes les condamnations tant des pays riverains,
eux-mêmes revendiquant tout ou partie de cette mer, que des grandes puissances
internationales, Etats-Unis en tête, Pékin affiche clairement son intention de
développer les activités aériennes de cette île. Si ces posers d’aéronefs sont
aisément présentés comme des tests de capacités techniques d’une nouvelle piste
(Pékin arguant du fait que tout pilote d’avion en détresse doit pouvoir être
amené à poser son appareil sur cette île), personne ne saurait être dupe.
Continuant de mettre en œuvre une stratégie des petits pas, alternant
provocations, démentis des condamnations régionales et internationales, puis
renouvèlement des activités sur un rythme crescendo, Pékin prend adroitement la
communauté internationale à la gorge par cette double opération
« surprise » mais certainement planifiée de longue date.
Alors que le monde se réveillait
du saut dans la nouvelle année, un saut placé sous le signe d’une crise entre
l’Iran et l’Arabie saoudite, s’ajoutant à tous les foyers de tensions existant
déjà, ce « test » de cette piste est une gifle retentissante –
quoique attendue aussi depuis plusieurs mois – pour les riverains de la mer de
Chine méridionale, au premier plan desquels le Viêt Nam – et les Philippines.
Comme ce blog l’évoquait il y a quelques jours, l’embellie – réelle – des
relations diplomatiques entre Hanoi et Pékin en 2015, essentiellement à
l’initiative de Hanoi, n’a nullement effacé le profond différend sur la mer
« de l’Est », qui voit Hanoi demeurer incapable de contenir cette
avide « langue de bœuf » chinoise (*) au cœur même de son espace
stratégique oriental. Un coup de sonde en force, qui tranche avec les sourires
du président Xi Jinping recevant le président de l’assemblée nationale
vietnamienne il y a dix jours.
Sans surprise, l’ambassadeur
chinois à Hanoi a été convoqué au ministère vietnamien des affaires étrangères le
02 janvier pour y recevoir un message de condamnation des activités de son pays
sur ces terres revendiquées par le Viêt Nam (sous le nom de Đá Chữ Thập). Sans
surprise, Pékin a aussitôt contrebattu cette condamnation, mettant en valeur le
fait que cette opération concernait une partie intégrante du territoire
national chinois.
Le ton est donc donné, à deux
semaines de l’ouverture du douzième congrès national du Parti communiste
vietnamien (PCVN), et alors que le Comité central du Parti doit se réunir en un
dernier plénum le 11 janvier, Pékin confirme son intention de rester en
position de force, convaincu que Hanoi ne pourra se lancer dans un bras de fer
dans une période sur décisive pour ses dirigeants. Cette secousse en mer de
Chine méridionale sonne comme un message d’affirmation de puissance, un message
qui attend une réponse concrète de fermeté, mais que Hanoi ne peut délivrer –
malgré les déclarations de fermeté de M. Lê Hải Bình, porte-parole du ministère vietnamien des affaires étrangères.
Après la vague de
protestations, Pékin devrait continuer de valoriser son point d’appui en mer de
Chine méridionale, tel un piercing brillant dans cette « langue de
bœuf » ostensiblement tirée à la face de ses voisins, contraints de rire
jaune et de trouver les moyens de ne pas perdre la face devant leurs opinions
publiques. Un challenge ô combien difficile à relever, même dans un pays aussi
strictement contrôlé par le Parti.
(*) Lưỡi bò, espace maritime délimité par les neuf traits correspondant aux revendications chinoises en mer de Chine méridionale.
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