En ce 30 avril 2018, les dirigeants
de la république socialiste du Viêt Nam ont commémoré le quarante-troisième
anniversaire de la prise de Saigon par les forces du Nord et la réunification
du pays - sous la poigne du régime communiste. Comme de rigueur lors des années
sans millésime particulier, aucune parade militaire de grade ampleur n’a été organisée, tant à
Hanoi qu’à Hồ Chí Minh-Ville.
Pour autant, alors que les médias
ont comme chaque année consacré de nombreuses pages pour relater les faits
historiques, quelques événements auront retenu de l’observateur de l’actualité
de défense :
- Le 27 avril, le général d’armée Ngô Xuân Lịch, ministre de la défense et secrétaire adjoint de la Commission militaire centrale (CMC) du Parti communiste vietnamien, a convoqué une réunion du bureau permanent de la CMC à laquelle il a convié des anciens dirigeants de l'armée populaire vietnamienne. Un événement peu fréquent, qui a notamment permis de revoir côte à côte les deux prédécesseurs du général Lịch, les généraux d’armée Phạm Văn Trà (82 ans, ministre de la défense de décembre 1997 à juin 2006) et Phùng Quang Thanh (69 ans, ministre de la défense de juin 2006 à avril 2016).
A cette
occasion, les généraux de corps d’armée Phan Văn Giang, chef d’état-major général
des armées, et Nguyễn Chí Vịnh, vice-ministre de la défense, chargé des
relations internationales, sont intervenus sur les questions relatives à la
stratégie de défense et à la stratégie militaire du pays.
- Ces mêmes thématiques ont été abordées dans une tribune publiée la veille par le général Lịch dans le Quân đội Nhân dân (Journal de l’armée populaire). Une intervention dans laquelle l’ex-commissaire en chef de l’armée populaire excelle, et qu’il a logiquement développée sous l’angle des relations indéfectibles liant l’armée au Parti communiste. Liens forgés dans les luttes de libération de l’occupation étrangère (colonisation française, impérialisme américain - des termes traditionnellement employés par les caciques du régime de Hanoi, mais que le général Lịch a employé sans y ajouter de touche de ressentiment contre les ennemis d’hier), liens qui restent indéfectibles. Pour autant, le ministre de la défense a plaidé dans son discours en faveur du développement d’un corpus scientifique pour définir et construire la stratégie de défense du Viêt Nam du temps de paix. Un Viêt Nam qui doit rester vigilant face à toutes formes d’affaiblissement, tant depuis l’extérieur que de l’intérieur, et surtout dans un monde où les nouvelles technologies peuvent devenir des armes contre ceux qui ne les maîtrisent pas assez bien (guerre cyber). En conséquence, le général Lịch souhaite mobiliser les énergies pour que, à l’horizon 2030, l’armée populaire soit devenue une armée moderne, capable de faire face aux menaces d’un monde en profonde mutation. Ainsi, sans renier son attachement à la guerre populaire – qui a permis au pays de vaincre ses agresseurs directs, il s’agit de placer l’effort sur la lutte contre les cyber-menaces (ce qui légitime à nouveau la création du Cyber commandement, en janvier 2018) et les menaces non conventionnelles.
- Pour sa part, le général Vịnh, dans une double tribune parue dans le Quân đội Nhân dân (29 et 30 avril), a souligné l’importance des relations internationales de défense dans la stratégie de défense du pays - comme de tout pays. Il a notamment appelé au développement du rôle du Département des relations extérieures du ministère de la défense et de celui du Département des opérations de maintien de la paix, mais aussi de l'Institut des relations internationales de la défense (IRID), en tant qu’acteurs-clés dans la diplomatie de défense nationale. Enfin, il s’est montré un fervent partisan de l’apprentissage des langues étrangères au sein des forces armées, afin que chaque militaire soit d’une part capable d’interagir avec des interlocuteurs variés (aux frontières du pays, dans la sous-région comme en opération extérieure), et soit d’autre part un vecteur de rayonnement de son pays à l’étranger - une action prise très au sérieux par les militaires vietnamiens déployés sous béret onusien au Soudan du sud comme en république Centrafricaine.
Au bilan, alors que le ministère de la défense tarde à publier son nouveau Livre Blanc sur
la défense (que le général Phùng Quang Thanh annonçait déjà pour la fin
2014…), ces propos sonnent comme un rappel de l’existence d’une réflexion au
plus haut niveau de l’Etat et du Parti communiste pour définir pas vraiment une
nouvelle stratégie de défense - le contexte géopolitique du pays n’ayant pas
profondément changé depuis 2009 - mais surtout le moyen de présenter cette
stratégie de défense tant vers un auditoire national qui souhaite voir les
fruits des investissements consentis en faveur de la modernisation de l’outil
de défense, que vers le puissant voisin chinois toujours extrêmement sensible
aux questions de (défense de la) souveraineté territoriale.
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