L’année
2018 débute sur un tempo élevé au ministère vietnamien de la défense. Trois jours après avoir changé le statut du Centre national de formation aux opérations de maintien de la paix (OMP) pour en faire un Département des OMP,
le premier ministre Nguyễn Xuân Phúc et le ministre de la défense, le général d’armée
Ngô Xuân Lịch, ont coprésidé la cérémonie de création d’un Cyber commandement (Bộ tư lệnh Tác chiến không gian mạng),
le 08 janvier 2018 à Hanoi. Cette création, qui intervient en application de la
décision 1198 signée par le premier ministre le 15 août 2017, consolide la
structure d’un ministère de la défense déjà engagé depuis plusieurs années dans
la montée en puissance d’une capacité de lutte cyber.
Dans
un monde où les menaces non conventionnelles étendent leur champ d’action aux
réseaux informatiques, le Viêt Nam n’est pas plus à l’abri des attaques
informatiques, émanant notamment de son puissant voisin chinois – mais aussi
potentiellement de toute puissance ou acteur maîtrisant les techniques de
pénétration des réseaux. C’est ainsi qu’à l’été 2016 (*), plusieurs aéroports de premier plan ont vu leurs systèmes informatiques paralysés par une attaque de hackers. Qu’elle soit étatique, criminelle ou menée par des groupes
subversifs cherchant à déstabiliser le régime communiste, cette menace est tout
particulièrement prise au sérieux par les autorités de Hanoi – comme dans tout pays, communiste ou non.
C’est
dans ce cadre que la presse a commencé à parler fin décembre de l’existence d’une
« Force 47 » (Lực lượng 47
[**]), unité créée fin 2016 et dédiée à la lutte contre les menaces sur les
réseaux, et dont les effectifs reconnus le 25 décembre 2017 lors d’une
conférence à Hồ Chí Minh-Ville par le général de corps d’armée Nguyễn Trọng
Nghĩa, adjoint au Département général politique du ministère de la défense,
atteindraient les 10 000 hommes et femmes, tous spécialistes en technologies
numériques et de l’information. Des effectifs dont l’importance suggère qu’ils
ne sont pas investis dans la seule prévention des attaques émanant de l’extérieur
du pays mais aussi qu’il leur incombe une mission de surveillance des réseaux internes
au pays, plaçant de fait près de deux tiers de la population sous surveillance
(dans un pays qui reconnaît que le taux de pénétration de l’Internet touche
désormais plus de 62,5 % de la population). Les paroles prononcées par le premier
ministre le soulignent d’ailleurs bien : allusion à la diffusion d’idées
subversives, vecteurs de propagation de thèses liées à l’« évolution
pacifique » sous l’influence de « forces hostiles » décidées à
saper la confiance de la population dans le régime communiste… L’on voit
nettement un maillage destiné à gagner, par la contrainte s’il le faut, la « guerre
des cœurs et des âmes » de la base sociale même du régime.
Remise
de drapeau au nouveau Cyber commandement, en présence des plus hauts
responsables du ministère de la défense et de l’état-major général des armées
ainsi que du ministère de la sécurité publique (Công An), cet événement a obtenu un écho immédiat dans la presse nationale,
comme une propagation de virus !: reproduction rapide de l’article publié
par le Nhân dân, sans plus-value ni
même diffusion de l’identité du commandant en chef de cet organisme, et sans
lien dressé avec l’annonce du général Nghĩa sur la Force 47, fin décembre.
L'on assiste plus à une officialisation d'un état de fait qu'à la mise en valeur d'une nouvelle structure. Discrétion oblige, tant vers les observateurs extérieurs que sur la scène intérieure, aucune précision n'a été encore diffusée sur la structure de ce commandement ni sur sa hiérarchie. Mais nul doute que ce cyber commandement sera amené à occuper une place-clé dans le ministère, tant la protection des questions de défense, dont beaucoup relèvent par définition du secret, est d'un intérêt vital pour une armée dont la mission première est la défense du Parti communiste et de l'Etat.
(*)
Dans l’après-midi du 29 juillet 2016, les aéroports internationaux de Hanoi Nội
Bài, de Hô Chi
Minh-Ville Tân Sơn Nhất,
de Đà Nẵng et de Phú Quốc ont été victimes d’attaques de
hackers (« 1937CN »), qui ont paralysé les opérations
d’enregistrement numérique des passagers, les activités de la compagnie Vietnam Airlines et une centaine de
vols. Sur les écrans des aéroports, les informations sur les vols avaient été
effacées et remplacées par des condamnations des critiques vietnamiennes et
philippines contre la souveraineté revendiquée par Pékin sur la quasi-totalité
de la mer de Chine méridionale.
[**]
En référence à la directive 47 du Comité central du Parti communiste (1er
novembre 2011) qui dresse l’inventaire des actes et activités qui sont proscrits
pour tout membre du Parti.
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