lundi 23 janvier 2023

2022, coup de mou pour cette année du Tigre

Une nouvelle année s’achève dans La Rue des Soldats. Dans le prolongement des bilans dressés depuis 2016, je garderai de cette année du Tigre d’Eau (năm Nhâm Dần) l’image d’un millésime 2022 mal achevé, à l’image de la démission (17 janvier 2023) du président Nguyễn Xuân Phúc, en exercice depuis 2021, victime expiatoire et collatérale des récentes évictions de leurs fonctions de deux vice-premiers ministres et de trois ministres (*).

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L’optimisme était pourtant initialement de mise, avec notamment la levée des restrictions liées à la pandémie de Covid-19 qui laissait les dirigeants de l’armée populaire vietnamienne (APVN) espérer une relance de leurs relations avec ces nations occidentales qui leur témoignaient un intérêt non feint, quoique tout empreint de leurs stratégies indopacifiques respectives. 


Force est de constater que l’agression russe contre l’Ukraine (24 février 2022) a vite détourné les attentions de ces mêmes nations d’un partenaire vietnamien immédiatement confronté à ses propres contradictions : "régime-frère" de celui de Moscou, mais aussi très proche de Kiev, Hanoi a décidé de ne pas choisir publiquement (de camp) tout en choisissant ostensiblement le régime du plus fort (en fait celui dont son armée dépend le plus), mais sans l’assumer clairement en place publique. Si cela peut prêter à confusion, surtout au sein de ces pays occidentaux (Européens en tête) qui, après tant d’années passées à tenter d’amadouer le régime de Hanoi pour s’octroyer des espoirs (déçus) de facilités dans leurs ambitions de rayonnement militaire en Asie du sud-est (afin de se montrer fidèles partenaires des Américains qui voient croître invariablement la puissance militaire chinoise dans les mers dites de Chine et au-delà), aucune ambigüité n’est permise sur le plan militaire : l’APVN n’a donné aucun signe de désolidarisation envers ses camarades (đồng chí) russes. Il aurait pourtant été aisé au général d’armée Phan Văn Giang, ministre de la défense, d’annoncer très symboliquement la suspension - temporaire - de la participation des militaires vietnamiens aux Army Games, qui se sont tenus du 13 au 27 août malgré la guerre conduite par les Russes en Ukraine, Hanoi allant jusqu’à organiser pour la seconde année consécutive des épreuves décentralisées au Viêt Nam. Il est au demeurant peu probable que les partenaires militaires occidentaux de Hanoi aient tenté de convaincre leurs homologues de ne pas donner de signes ostentatoires de soutien à Moscou, par crainte de se fermer la porte étroite de facilités logistiques dans leurs déploiements en mer de Chine méridionale (ceux-là étant dans une logique de fermeté contre l’hyper activisme de l’armée populaire de libération (APL) chinoise dans ces eaux si importantes pour les flux économiques maritimes mondiaux. Ainsi, même l’Union européenne, dans son ambition de course à l’Extrême Orient, a répondu favorablement à l’accueil de soldats vietnamiens au sein de la mission de formation qu’elle déploie en république Centrafricaine. Certes il ne s’agit « que » de deux officiers, mais le symbole est fort – et cela fait le jeu de la communication du régime de Hanoi vers son auditoire interne (« l’APVN, engagée dans la défense de la paix mondiale »…) plus que de conférer plus de poids à cette mission déjà aux prises (comme sa voisine onusienne – MINUSCA) avec l’instabilité centrafricaine et à des Russes prompts, via les mercenaires de Wagner, à jouer une symphonie déstabilisatrice.


Mettre en exergue dix événements serait donner trop de valeur à cette année durant laquelle l’APVN, à l’image de la diplomatie vietnamienne, est restée (logiquement au demeurant) aux ordres du Parti communiste vietnamien (PCVN), sans écart (d’éléments) de langage. La guerre en Europe a eu raison de la capacité d’attraction du Vietnam. J’en veux pour preuve le très faible nombre d’escales (9 en 2022 recensées pour un total de 15 bâtiments – dont aucun américain à l’exception du navire hôpital USNS Mercy et une très discrète escale australienne, contre 19 escales et 28 bateaux en 2019, avant la pandémie de Covid-19). Certes, le ministère de la défense peut s’enorgueillir d’avoir (enfin !) réussi à organiser « son » salon international d’armement, du 08 au 10 décembre. Selon les organisateurs, 174 sociétés représentant 31 pays ont été présentes (contre plus de 900, en provenance de 51 pays, au salon Indo Defense organisé un mois plus tôt) sur le site de Gia Lâm, qui a officiellement accueilli quelque 60 000 visiteurs. Certes, l’on a pu y apercevoir les principaux matériels en service dans cette APVN en modernisation, mais cet étalage de moyens s’est plus aisément intégré dans une campagne de promotion destinées à l’opinion publique interne, surtout deux semaines avant le 78e anniversaire de l’APVN. Rien de très saillant cette année non plus sur ce plan.


Alors l’on pourra au moins garder en mémoire la poursuite des engagements de Hanoi à « contribuer à la paix internationale », tout au moins sur ces terres – essentiellement africaines – sur lesquelles les militaires vietnamiens peuvent avec force équipements donnés par leurs partenaires occidentaux et chinois porter haut le drapeau rouge à l’étoile d’or, la culture héroïque des « soldats de l’Oncle Hô » (Bộ đội Cụ Hồ) et celle de leur lopin de terre, à défaut de pouvoir s’interposer (et ce n’est d’ailleurs pas leur mandat officiel) entre les dépeceurs de richesses qui minent ces pays au sous-sol souvent si riche mais à l’avenir si précaire. Annoncée depuis plusieurs années, une première unité du génie (184 militaires, spécialisés dans la création ou la réhabilitation d’infrastructures) a rejoint (grâce à l’appui logistique des Australiens) la Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abiyé (FISNUA) (**). Pour la première fois aussi, des policiers de la Công An ont intégré une mission onusienne (trois officiers projetés le 13 octobre 2022 à Juba, au Soudan du sud). Enfin, deux officiers (***) ont donc été acceptés dans une EU Training Mission, en république Centrafricaine, à proximité de la poignée d’officiers vietnamiens qui servent depuis près de dix ans sous béret bleu au sein de la MINUSCA (photo ci-dessus).

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Alors que le pays est désormais entré dans l’année du Chat d’Eau (năm Quý Mão), gageons qu’il va falloir aux dirigeants de l’APVN souplesse et art de retomber sur leurs pattes pour traverser cette année, au contact direct des grandes menaces et provocations chinoises dans leur environnement immédiat mais avec leurs partenaires occidentaux engagés dans la longue durée dans une guerre contre ce régime-(grand) frère de Hanoi. Cette situation aura indéniablement le mérite de pousser l’APVN à renforcer ses liens avec ses partenaires de l’ASEAN, tout en se montrant très vigilante face aux provocations chinoises de proximité, destinées à tester la réactivité et la sensibilité de la classe dirigeante qui va, en interne, se mettre progressivement en ordre de bataille pour les prochaines échéances politiques (Congrès de janvier 2026).

 


(*) Le 18 janvier 2023, l’assemblée nationale réunie en session extraordinaire a nommé Mme Võ Thị Ánh Xuân, vice-présidente de la république, à la tête de l’Etat. Cette nomination est (presque) un beau cadeau d’anniversaire pour cette Sudiste, née il y a 53 ans dans la province d’An Giang. Membre du Parti communiste vietnamien depuis fin 1995, elle a été titularisée au sein du Comité central en janvier 2016, et est membre de l’assemblée nationale depuis 2021. A l’image de Mme Đặng Thị Ngọc Thịnh, qui avait occupé cette fonction (largement honorifique, le pouvoir étant concentré dans les mains du secrétaire général du PCVN) à l’issue du décès du général d’armée Trần Đại Quang (21 septembre 2018), Mme Xuân bénéficie de l’article 93 de la Constitution, qui dispose qu’en cas de vacance de la présidence de l’État les fonctions de chef de l’État sont exercées par intérim par le vice-président de la république jusqu’à l’élection du nouveau président par l’assemblée nationale. 

(**) Mise sur pied de l’unité le 17/11/2021. Après sa période de formation, arrivée du détachement précurseur le 05/11/2022. Arrivée du détachement principal le 16/06/2022. Début officiel de la formation d’une seconde unité (184 militaires dont 22 femmes) le 27/12/2022, afin de prendre la relève de la première unité à l’été 2023.


(***) Dont un, le capitaine supérieur Lê Như Tiến, a été formé à Saint-Cyr de 2016 à 2019. 

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