Tom Clancy aurait apprécié, et
conseillé à ses lecteurs de se (re)plonger dans son thriller Cybermenace (*) en cet été asiatique…
Dans l’après-midi du 29 juillet
2016, les aéroports internationaux de Hanoi Nội Bài, de Hô Chi Minh-Ville Tân Sơn Nhất (**), de Đà
Nẵng et de Phú Quốc ont été victimes d’attaques de hackers, qui ont paralysé les
opérations d’enregistrement numérique des passagers, les activités de la
compagnie Vietnam Airlines et une
centaine de vols. Sur les écrans des aéroports, les informations sur les vols
ont été effacées et remplacées par des condamnations des critiques
vietnamiennes et philippines contre la souveraineté revendiquée par Pékin sur
la quasi-totalité de la mer de Chine méridionale.
(*) Titre original : Threat
Vector (2012).
(**) L’aéroport de Tân Sơn Nhất a été touché vers 13h45, celui de Nội Bài à 16 heures.
Dans le même temps, les sites
Internet de l’université nationale d’économie et de la fédération
vietnamienne de football ont aussi été inhibés par une attaque de même type.
Ces attaques portent la marque d’un
groupe de hackers chinois apparu en 2008 sous le nom de « 1937CN ». En mai 2014, lors de la
crise entre Hanoi et Pékin provoquée par l’intrusion prolongée d’une plateforme
de forage pétrolier chinoise (HD-981)
dans les eaux revendiquées par le Viêt Nam, ce groupe avait déjà perturbé les
activités de quelque deux cents sites numériques vietnamiens. Le 1er
août, le groupe a publié un communiqué sur Facebook
par lequel il « ne revendique ni ne rejette la responsabilité » de
l’attaque contre le site de Vietnam
Airlines. Pour autant, il est difficile de ne pas voir dans ces
dysfonctionnements déclenchés à distance la main de Pékin. L’actualité de
juillet, à nouveau centrée sur les différends en mer de Chine méridionale,
place en effet Pékin dans une posture de grande irritation, donnant lieu à des
ripostes, pressions, intimidations, ruades diplomatiques, dont Pékin a le
secret.
Avis de tempête lié à la mer « de l’Est ». Déclencheur de
cette crise estivale, le jugement rendu par le Tribunal permanent d’arbitrage
(TPA - La Haye, Pays-Bas) le 12 juillet, qui a donné raison à une plainte
déposée trois ans plus tôt par les Philippines contre la Chine, estimant que
Pékin n’avait aucun droit historique en mer de Chine méridionale et avait violé
les « droits souverains » des Philippines. Une décision aussitôt
saluée par Hanoi, qui s’est empressé de rappeler son attachement à ses propres revendications
« historiques » sur les archipels des Paracel et des Spratley, mais
une décision condamnée catégoriquement par Pékin, qui dénie toute compétence au
TPA pour se prononcer sur cette question – et redoute que le rendu du tribunal
ne fasse tache d’huile.
Illustrant la très grande
sensibilité de ces questions de souveraineté territoriale – au demeurant l’un
des points sur lesquels les autorités vietnamiennes communiquent le plus à
l’attention de leur propre opinion publique, dont la mémoire continue d’être
baignée par le souvenir des sacrifices consentis durant trente années de guerre
d’indépendance – un incident lors du contrôle d’un passeport d’une
ressortissante chinoise, le 23 juillet à l’aéroport de Hô Chi Minh-Ville Tân Sơn Nhất, a rallumé les braises
d’un nationalisme chatouilleux entre les deux voisins. Depuis 2012, la Chine
produit de nouveaux passeports sur lesquels certaines pages font apparaître les
eaux de la mer de Chine méridionales comprises dans les neufs traits
correspondant aux revendications de Pékin comme étant partie intégrante du
territoire chinois. Refusant de reconnaître cette situation, les douanes
vietnamiennes avaient commencé à octroyer les visas aux Chinois non sur le
passeport, mais sur un document distinct puis agrafé au passeport. Or, ce 23
juillet, un douanier s’est permis de prendre sa plume pour une épée pour
égratigner le passeport de cette ressortissante, qui s’en aussitôt est émue
auprès de son consulat, créant un mini-incident diplomatique.
Il n’est ainsi pas surprenant que
les hackers chinois aient utilisé les mêmes mots à l’encontre du Viêt Nam (et
des Philippines, toujours ciblées pour le succès de leur plainte relative à
leurs eaux territoriales).
Ces tensions, qui se développent
sur un nationalisme profond, devraient perdurer et avoir des contrecoups au
niveau local, la population restant très sensible à ces questions qui dépassent
la simple guerre de sémantique. Ainsi, l’apparition d’une « China
Beach » sur un plan de Đà Nẵng
a donné lieu à une levée de boucliers de la population, parallèlement à
l’ouverture d’un consulat chinois dans la grande ville du Centre.
Comme souvent, la difficulté pour les dirigeants de l’Etat et du Parti sera de montrer tout leur soutien à des populations qu’ils éduquent à se montrer absolument fidèle à leur Patrie (donc à leur souveraineté nationale) - et au Parti – et de ne pas se dresser face à une Chine dont l’économie vietnamienne est si dépendante. Un sacré dilemme, dont Pékin n’a pas fini d’exploiter toutes les subtilités et faiblesses.
Comme souvent, la difficulté pour les dirigeants de l’Etat et du Parti sera de montrer tout leur soutien à des populations qu’ils éduquent à se montrer absolument fidèle à leur Patrie (donc à leur souveraineté nationale) - et au Parti – et de ne pas se dresser face à une Chine dont l’économie vietnamienne est si dépendante. Un sacré dilemme, dont Pékin n’a pas fini d’exploiter toutes les subtilités et faiblesses.
(**) L’aéroport de Tân Sơn Nhất a été touché vers 13h45, celui de Nội Bài à 16 heures.
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