Le 08 avril 2021, presque cinq ans jour pour jour après avoir été nommé vice-ministre de la défense (12 avril 2016), le général de corps d’armée Phan Văn Giang, chef de l’état-major général des armées, a été élu par les députés réunis en une onzième session de la quatorzième législature au poste de ministre de la défense. La cérémonie officielle de passage de témoin entre les ministres prenant et partant s’est déroulée le 09 avril en présence de tous les militaires membres de la Commission militaire centrale.
Sans cérémonial particulier, le général d’armée Ngô Xuân Lịch a été salué par tous ses proches collaborateurs.
Entré en service en 1972, à 18 ans, à la fin de la guerre contre les Américains, Ngô Xuân Lịch a notamment combattu dans le sud-ouest (lors de la campagne Hô Chi Minh). Puis il a intégré le corps des commissaires politiques (Département général Politique du ministère de la défense), au sein duquel il a effectué toute sa carrière jusqu’au sommet de la hiérarchie. En mars 2011, il a pris la tête de ce très puissant département, accédant de fait au poste de numéro 2 du ministère, derrière le ministre (général d’armée Phùng Quang Thanh). Promu général d’armée le 5 octobre 2015, il a été élu le 9 avril 2016 ministre de la défense, bénéficiant certainement de sa proximité avec le secrétaire général du Parti communiste vietnamien Nguyễn Phú Trọng. Son principal concurrent pour ce poste prestigieux, le général d’armée Đỗ Bá Tỵ, plus ouvert aux relations avec les nations occidentales à l’image de la dynamique du premier ministre d’alors Nguyễn Tấn Dũng, a probablement fait les frais de l’éviction de ce dernier de la course au poste du numéro 1 du pays. Sans surprise pour un « commissaire politique en chef », l’action du général Lịch s’est concentrée sur la scène intérieure, hormis quelques rares déplacements à l’étranger : Chine, Russie bien sûr, proches partenaires du Viêt Nam au sein de l’ASEAN - dont il a dû animer les instances de défense en 2020 -, Washington, Tokyo, Paris mais aussi Bruxelles et ses instances de l’Union européenne, sans oublier l’incontournable voyage à La Havane malgré la pandémie de COVID-19. Homme-clé des instances dirigeantes du Parti communiste vietnamien, ce fidèle du secrétaire général Nguyễn Phú Trọng a certainement permis de maintenir une relation de respect avec l’incontournable voisin chinois, qui a continué ses provocations dans les eaux de la mer « de l’Est » revendiquées par Hà Nội. Quittant l’institution après 49 ans de service, le général Lịch laissera une empreinte de son influence jusque dans le Bureau politique du Comité central du Parti, où le général d’armée Lương Cường, son successeur en 2016 à la tête du Département général Politique, a fait son entrée en janvier, en même temps que le général Giang. Une situation inédite depuis vingt ans.
Son parcours s’est poursuivi, toujours dans le Nord du pays, avec la prise de commandement de la 1ère région militaire, en avril 2014. C’est tout logiquement qu’il a fait son entrée au Comité central du Parti communiste lors du 12e Congrès national (janvier 2016) et a été nommé vice-ministre de la défense (avril 2016) puis chef de l’état-major général des armées (mai 2016). Sa jeunesse (61 ans), son parcours réussi, mais aussi l’âge relativement élevé des potentiels prétendants du Département général Politique au poste de ministre, ont été autant d’atouts qui ont pesé pour son élection à la succession du général Lịch.
Si sa légitimité est incontestable (il sera élu à un poste de député lors des élections législatives du 23 mai, puis confirmé dans son poste de ministre par les députés de la nouvelle législature), il lui incombera de se démarquer de son prédécesseur sur la scène des relations internationales de défense, sur laquelle le général Lịch était peu à l’aise. Un premier test de la volonté du nouveau ministre de rechercher le contact, même en cette période de confinement forcé, devrait être le rendez-vous incontournable de l’Indo-Pacifique de la défense qu’est le Shangri-La Dialogue, organisé les 04 et 05 juin à Singapour, après une année blanche en 2020 en raison de la pandémie de COVID-19. L’on se souvient que le général Lịch ne s’était pas déplacé à cet événement en 2016, après sa prise de fonction, indiquant son manque d’aisance envers ces grands rendez-vous internationaux. Malgré l’organisation très contrainte de cette édition (moins deux jours, dans une bulle sanitaire stricte), les nations de l’Indo-Pacifique rechercheront à être représentées. Il sera difficile au nouveau ministre vietnamien de la défense de ne pas faire le court déplacement jusqu’à Singapour, et ce d’autant plus que le Viêt Nam siège encore pour huit mois au Conseil de sécurité des Nations unies et qu’il n’hésite pas à véritablement démarcher les nations occidentales pour obtenir leur appui diplomatique face à l’affirmation provocatrice de puissance chinoise en mer de Chine méridionale.
Nouveau quinquennat, nouveau chef de file, mais pas un homme nouveau : le général Giang s’inscrira dans la lignée des ministres de la défense, absolument fidèle aux directions du Parti, mobilisé sur toutes les questions relatives à la stabilité du régime, mais certainement aussi confronté au dilemme de trouver une position de « juste milieu » sans sa relation avec un voisin chinois au rapport de force très supérieur, très actif jusque dans ses eaux territoriales, en proie à un bras de fer durable avec les autres « nations de l’Indo-Pacifique », et ce tout en conservant une posture refusant toute alliance avec un pays tiers, toute base étrangère sur son territoire.
Son successeur au poste de chef de l’état-major des armées n’est pas encore nommé. Pour autant, le général de corps d’armée Nguyễn Tân Cương présente le meilleur profil pour accéder à cette fonction. Très jeune (55 ans), ce proche du général Giang lui a déjà succédé par deux fois à la tête d’unités de tout premier plan, d’abord en 2008 à la tête de la prestigieuse Division 312 (Sư đoàn Chiến Thắng, division de La Victoire – de Điện Biên Phủ), ensuite en 2011 à celle du 1er Corps d’armée, puis l’a rejoint dans le comité des adjoints au chef de l’état-major des armées. Il est le général de corps d’armée qui présente le plus haut potentiel de progression, y compris pour succéder à nouveau, dans cinq ans, au général Giang au sommet de la pyramide des armées. Là aussi, le changement continuera de s'inscrire dans la continuité.
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