Alors que les élections législatives ne sont prévues que le 23 mai, l’assemblée nationale, réunie en une onzième session, a procédé au renouvèlement des plus hautes autorités de l’Etat (président de la république, premier ministre, président de l’assemblée nationale) et du gouvernement. Comme nous le soulignions il y a cinq ans, le procédé peut laisser dubitatif, les élections n’étant pas encore organisées, mais il n’a que pour but d’entériner les décisions prises lors du treizième Congrès national du Parti communiste (PCVN), fin janvier. Les électeurs s’exprimeront au bilan uniquement pour confirmer ces décisions, avec comme seul véritable enjeu pour les nouveaux élus - tous députés - d’obtenir la plus forte « cote d’amour », un pourcentage de vote sur leur nom le plus proche possible des 100 %...
Ainsi, le 31 mars 2021, l’assemblée nationale a élu avec plus de 98 % des votes des députés présents M. Vương Đình Huệ pour succéder à Mme Nguyễn Thị Kim Ngân à la tête de cette instance. Âgé de 64 ans, ce Nordiste (il est né dans la province du Nghệ An) succède à une Sudiste, de surcroît la première femme qui avait jamais occupé ce poste prestigieux.
Membre du PCVN depuis 37 ans (il a fait son entrée au Comité central en 2006 et au Bureau politique en 2011, et est secrétaire du comité du Parti de la capitale), ce docteur en économie formé en Slovaquie (où il a vécu l’explosion du bloc de l’Est à la fin des années 1980), possède comme son prédécesseur une expérience ministérielle réussie (ministre de l’économie puis vice-premier ministre).
Après cette première nomination, les députés ont élu le 02 avril un nouveau président de la république. Après deux ans et demi de cumul de la fonction de secrétaire général du PCVN et de chef de l’Etat, Nguyễn Phú Trọng passe (enfin !) officiellement le flambeau de la fonction présidentielle à M. Nguyễn Xuân Phúc.
L’ex-premier ministre (né dans le Centre du pays en 1954), qui a tenu cette fonction avec abnégation et permis au pays de se mobiliser efficacement dans les campagnes de lutte contre la pandémie de COVID-19 et contre les récentes inondations, voit son travail récompensé et ses capacités reconnues (il est élu avec près de 93 % des votes des députés). Très tourné vers l’étranger, il continuera d’incarner sur la scène internationale la volonté de Hà Nội de poursuivre son intégration dans la communauté des nations, une posture pour laquelle Nguyễn Phú Trọng, dans la lignée des secrétaires généraux du PCVN, était par essence bien moins affûté – sauf au sein du cercle très fermé des pays-frères. Si l’on assiste donc bien à un retour à une normalité pour ce qui est du découplage des fonctions secrétaire général du Parti et président de la république, l’accession d’un ex-premier ministre à la fonction présidentielle est une surprise.
Enfin, dans un registre de la surprise un peu plus marquée, un homme fort mais sans réelle expérience de la gestion des questions économiques au niveau étatique accède au poste de premier ministre (avec plus de 96 % d’approbation par les députés). M. Phạm Minh Chính, Nordiste (il est originaire de la province de Thanh Hóa) âgé de 60 ans, a effectué la grande majorité de sa carrière au sein du puissant ministère de la sécurité publique (Công An).
Lui aussi formé au contact d’un pays du bloc de l’Est - la Roumanie, où il a été premier secrétaire à l’ambassade du Vietnam à Bucarest jusqu’en 1996, et a donc lui aussi assisté de visu à l’effondrement du régime communiste dans ce pays – il a gravi les échelons dans le sommet de la pyramide de la Công An pour accéder au rang de général de division en 2010 puis a un poste de vice-ministre. En 2011, à 50 ans, il a fait son entrée au Comité central du PCVN et a été nommé secrétaire du Parti pour la province de Quảng Ninh, où il a manifestement obtenu de bons résultats en matière de gestion du développement. Reconduit au Comité central cinq ans plus tard, il a pris en 2016 la tête de la Commission de l’organisation du Parti. Son ascension s’est confirmée en janvier 2021, lors du treizième Congrès du PCVN, par son accession au Bureau politique. Elle se confirme donc au niveau des structures sommitales de l’Etat par ce poste de premier ministre. De ses performances dans ses nouvelles et difficiles fonctions (poursuite du développement économique du pays avec en ligne de mire l’objectif de faire du Viêt Nam un pays développé à l’horizon 2030, poursuite de la lutte contre le COVID-19, mais aussi les tensions en mer « de l’Est ») dépendra sa progression future. Son relatif jeune âge lui offre en effet un réel potentiel de progression dans les instances sommitales du Parti (succession de Nguyễn Phú Trọng ?).
Les quatre postes angulaires de l’Etat étant élus avec sans surprise un véritable plébiscite de la part des députés, les votes se sont poursuivis pour désigner les nouveaux dirigeants des principales instances dirigeantes du pays, tant au niveau de l’assemblée nationale que du gouvernement. Le général d’armée Ngô Xuân Lịch, qui n’avait pas été reconduit au sein du Comité central du Parti lors du Congrès de janvier, a achevé sa carrière quelques jours avant son 67ème anniversaire (20 avril). Il est remplacé par le général de corps d’armée Phan Văn Giang, qui était à la tête de l’état-major général des armées depuis le mai 2016. Une élection (avec près de 95 % des votes des députés) logique, qui permet à un homme au parcours opérationnel, et non à un commissaire politique en chef, de prendre en main le ministère de la défense.
Le général Giang félicité par le président de l'assemblée nationale (08/04/2021) |
En toute logique, le général de corps d’armée Nguyễn Tân Cương (55 ans depuis le 12 février), plus ancien des « jeunes » vice-ministres actuellement en fonction (depuis décembre 2019), prendra la tête de l’état-major général des armées. (Nous y reviendrons plus longuement).
L'incertitude demeure en revanche sur la fonction qui sera confiée au général d'armée Lương Cường, ex-direteuir deu Département général Politique du ministère de La Défense, et lui aussi élu au Bureau politique du Comité central du PCVN.
L’on assiste donc à la fin d’une période de relève de générations, entamée depuis plusieurs mois par des ajustements dans les grands organes de l’Etat – et que nous avons suivis tant au ministère de la défense qu’à l’état-major des armées -, confirmée lors du treizième Congrès du PCVN mi-janvier (avec la représentation de 24 militaires (*) au sein du Comité central dont deux au Bureau politique), affinée lors de cette session de l’assemblée nationale. Les élections législatives du 23 mai ne bousculeront pas ces nominations. Les membres de la « vieille génération » encore dans leurs fonctions finiront de s’effacer, laissant ainsi les équipes renouvelées poursuivre leur mission, sous la houlette des hauts dirigeants investis pour cinq ans.
(*) 23 en service sous l’uniforme voir ci-dessous), plus le général de brigade Nguyễn Mạnh Hùng, ex-PDG de Viettel, puissant consortium spécialisé dans les télécommunications, entreprise phare du Département général des industries de défense, qui a été nommé en juillet 2018 ministre de l’information et des télécommunications.
Les militaires élus au Comité central du PCVN en janvier 2021 |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire