Le 27 août 2020, le ministère vietnamien de l’information et de la communication et la compagnie nationale des postes ont émis une série de timbres consacrée à la police maritime nationale (Cảnh sát biển Việt Nam). Comme toujours lors de ces événements à fort symbole dans le collectif national, la date de première mise en service n’était pas fortuite : elle coïncidait avec le vingt-deuxième anniversaire de la création de cette composante (28 août 1998), qui voit enfin son statut de grande composante de l’armée populaire vietnamienne enfin reconnu par ces petites vignettes, qui vont désormais diffuser son image dans le pays et jusqu’à l’étranger, au gré des correspondances postales.
A ses origines simple « département » (Cục cảnh sát biển Việt Nam) de la marine populaire (Bộ tư lệnh Hải quân), la police maritime en a été détachée en 2008 pour dépendre directement de l’état-major général des armées, puis, en 2013, elle a accédé au statut de « commandement » à part entière (Bộ Tư lệnh Cảnh sát biển), au même titre que la marine, l’armée de l’air ou chaque arme de l’armée de terre. Un statut parfaitement justifié par l’ampleur croissante de la mission de la police maritime (dont les bâtiments arborent désormais aussi la transcription Coast Guards sur leurs flancs), chargée de veiller sur des eaux territoriales très fréquentées et aux richesses disputées. Cette situation a résulté en un effort tout particulier de renouvèlement des équipements de cette composante, quoiqu’avec un léger décalage par rapport à celui qui a été produit au bénéfice de la marine dès le début des années 2000. Actuellement, une centaine de bâtiments de différents gabarits sont inscrits à son ordre de bataille. Les plus modernes d’entre eux sont construits par les chantiers navals vietnamiens, en partenariat avec les chantiers navals néerlandais Damen; s’y rajoutent des bâtiments étrangers, cédés au Viêt Nam après avoir été retirés du service actif. Ces bâtiments sont essentiellement japonais et sud-coréens, tandis que celui au gabarit le plus important est un ancien cutter américain. Au regard de l’ampleur de ces moyens, répartis dans quatre régions de police maritime, le commandant en chef de la police maritime (actuellement le général Nguyễn Văn Sơn) se voit attribuer le même grade terminal (général de division) que le commandant en chef de la marine - une belle marque de reconnaissance pour une composante très sollicitée dans des missions de patrouille maritime et d’assistance aux navires en difficulté dans les eaux de la mer « de l’Est ».
Patrouilleurs TT-120 et TT-400. |
Pour cette série philatélique, consacrée non plus aux richesses maritimes mais aux moyens mis en œuvre pour protéger plus 3 200 km de côtes parsemées de quelque 2 000 îles - dont l’archipel des Spratley (à défaut de pouvoir pénétrer dans celles des Paracel, sous contrôle chinois mais toujours clamées par Hà Nội comme étant partie inaliénable du territoire vietnamien) -, le service des postes a choisi de mettre en valeur tout un panel de bâtiments d’ancienneté, de gabarit et de missions différentes : un des neuf patrouilleurs de type TT-400 (400 tonnes), un des cinq remorqueurs de 1400 tonnes construits en partenariat avec les chantiers navals Damen, l’unique patrouilleur de classe Sông Hàn (1000 tonnes) offert par la Corée du sud en 2014 après avoir été retiré du service (et portant désormais le numéro 8003 - ci-dessous) , et surtout l’un des quatre patrouilleurs de haute mer de classe DN-2000 (2500 tonnes, 90 m de long, autonomie de 40 jours).
Le remorqueur de haute mer CSB 9004, mis à l'eau 9 mai 2015. |
En outre, et comme la philatélie n’échappe pas à une mission commune à tous les vecteurs de diffusion de l’information officielle du régime de Hà Nội - porter haut le sentiment de fierté nationale, vers la population nationale mais aussi vers les partenaires et/ou observateurs étrangers - le lecteur attentif aura remarqué, sur le bloc consacré au CSB 8004, quelques emphases et déformations volontaires de la réalité du terrain pour amplifier un message, dont la teneur est simple : Spratley et Paracel font partie de la terre sacrée vietnamienne. Et c’est là qu’entre en jeu le trait de plume de l’artiste Nguyễn Du, comme sur cette belle vignette consacrée à l’un des fleurons de la flotte de la police maritime
Le jeu des erreurs: sur le bloc, une île est rajoutée par rapport à la photo de référence. |
Au premier abord, le message est clair : le patrouilleur de haute mer CSB 8004, mis à l’eau fin novembre 2014, est un bâtiment flambant neuf, à long rayon d’action, bien armé pour intervenir jusque dans les îles isolées et sur les sites de pêche et/ou d’exploitation pétrolière. Une réalité un peu accentuée sur ce bloc, dont l’auteur a volontairement un peu chargé les détails. Au demeurant, il s’avère que Nguyễn Du a copié une photo, extraite d’un reportage publié le 10 avril 2017 sur une mission menée par le CSB 8004 dans les Spratley - où il avait fait escale sur l’île de Southwest Cay (Song Tử Tây) - puis à proximité de la plateforme de forage DK1 (dans le sud de la province de Cà Mau, à plusieurs centaines de kilomètres de Southwest Cay). A partir de cette base réelle, l’auteur a rajouté en arrière-plan une île, pourtant inexistante sur le site de forage, et a chargé navires et plateforme de forage de nombreux drapeaux rouge à l’étoile d’or, dans un patriotisme tout naturel.
Mission de l’artiste accomplie, artifice invisible aux yeux non initiés, mais l’essentiel est dans le message : la police maritime veille, en tous points des eaux territoriales et ce jusqu’aux confins des terres revendiquées de la mer « de l’Est ». Entre patriotisme et propagande, il n’y a qu’un train de crayon, facile à imprimer – sur papier filigrane et dans les esprits !
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