Dans une brève adresse à la
nation le 27 janvier 2017, dans laquelle il a présenté ses vœux à l’occasion de
l’entrée dans la nouvelle année lunaire – année du Coq de Feu, Tết Đinh Dậu -,
le président Trần Đại Quang a mis en exergue les « victoires » remportées
par le pays durant l’année écoulée en
matière de « protection de l’indépendance et de l’intégrité territoriale
sacrée de la patrie ». Des mots qui sonnent fort mais qui ne sont pas
réellement étayés par les faits. Un rapide coup d’œil dans le rétroviseur vers
2016 nous permet de conserver à l’esprit quelques événements que les
Vietnamiens ne peuvent pas avoir oubliés :
- une permanence de la pression
des pêcheurs chinois dans les zones de pêche, déjà surexploitées ; certes,
cette situation n’a pas dégénéré en incidents violents, comme ce fut le cas en
2014, mais les pêcheurs vietnamiens rapportent régulièrement les tentatives
d’intimidation dont ils font l’objet ; conséquence de cette expulsion de facto de ces zones traditionnelles de
pêche, certains pêcheurs n’hésitent plus à se lancer dans de véritables
expéditions jusqu’en Océanie, engageant des bateaux-mères depuis lesquels de
plus petits blue boats enfreignent
les eaux territoriales australiennes et françaises (Nouvelle-Calédonie) pour y
piller les ressources ; il est vrai que les législations de ces nations,
moins sévères que celle de l’Indonésie – qui coule les navires arraisonnés –
sont à ce jour peu dissuasives.
- les premiers posers de gros aéronefs civils chinois sur Fiery Cross Reef (02 et 06 janvier 2016), atoll des Spratley
sur lequel Pékin mène depuis plus de deux ans une intense campagne de
poldérisation. Les protestations immédiates de Hanoi, puis de Manille, sont
restées vaines ;
- l’annonce américaine (16
février 2016) du déploiement par la Chine de missiles sol-air sur l’île de
Woody Island, dans les Paracel ;
- une période de réchauffement
des relations entre Hanoi et Pékin, dans le prolongement de la reconduction fin
janvier, à la tête du Parti communiste vietnamien, d’une équipe dirigeante
conservatrice, non hostile à Pékin. Une situation qui ne laisse pas l’auditoire
vietnamien indifférent, tant la contradiction existe entre des discours
exhortant le pays à ne pas brader sa souveraineté sur un vaste espace maritime
et l’ouverture de la base de Cam Ranh aux escales de bâtiments chinois, ceux-là
même que les pêcheurs vietnamiens peuvent trouver en troisième rideau sur les
zones de pêches disputées.
Pour autant, la poursuite de la
modernisation des flottes tant de la marine que de la police maritime, et les
discrets travaux de poldérisation de certains atolls des Spratley
(agrandissement de la piste sur Trường Sa Lớn, agrandissement de la surface de Đá
Lát), s’inscrivent non comme des « victoires » mais comme des jalons
dans cette confrontation qui oppose les deux grands voisins en mer « de
l’Est » – une compétition cependant inégale au regard de la disproportion
entre les efforts logistiques déployés par Hanoi et Pékin.
Si le président Quang préfère, et
on le comprend, mettre en exergue ces événements sous l’angle des
« victoires », il lui faudra déployer des trésors de pédagogie – ou
de propagande – pour expliquer à une population très éduquée à ces questions
d’intégrité territoriale comment Pékin continue une politique de petits pas pressés
au contact direct de ces eaux que des générations de dirigeants vietnamiens ont
toujours considérées comme « sacrées », et ce sans que le pays ne se
rebiffe.
Sans aller jusqu’à planifier une
opération à Hainan, ce que ce cliché pourrait – faussement – laisser croire, la
vigilance restera le maître mot dans les états-majors.
28 janvier 2017: briefing de Nouvel An au profit du général Ngô Xuân Lịch, ministre de la défense |
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