Le 7 mai 2019, le Viêt Nam a franchi le cap du 65e anniversaire de la fin de la bataille de Điện Biên Phủ, qui reste dans la mémoire commune soigneusement nourrie du peuple vietnamien la « mère des victoires ». Pour autant, et comme cela fut le cas pour le 44e anniversaire de la « libération » de Saïgon (30 avril), l’événement n’a donné lieu à aucune festivité particulière. L’on y verra essentiellement la marque des mesures d’économie, qui conduisent les dirigeants du pays à ne célébrer que les grands millésimes de ces victoires, tous les dix ans, et encore avec un faste qui diminue au fur et à mesure que les années passent et surtout que l’insertion du pays au sein de la communauté internationale s’affermit.
Ainsi, pour cette année 2019, si la presse a bien sûr relaté, dans ses rubriques « histoire » et «idéologie », les combats menés par les forces communistes face à l’occupant français, aucun haut dirigeant de l’armée populaire vietnamienne n’a fait le déplacement dans la célèbre cuvette. Pis même, alors que le régime sortait à peine de la période de deuil décrétée suite au décès de l’ex-président Lê Đức Anh, et que le ministre japonais de la défense achevait sa première visite au Viêt Nam, le général d’armée Ngô Xuân Lịch, ministre de la défense, a quitté Hanoi le 4 mai pour se rendre au Canada.
Il y a entamé une visite d’une semaine (05 au 12 mai), la première jamais effectuée par un ministre vietnamien de la défense dans ce pays. Le 06 mai, il a été accueilli à Ottawa par son homologue, Harjit Singh Sajjan, qui s’était pour sa part rendu au Viêt Nam pour la première fois du 04 au 06 juin 2018.
Après un accueil et un dépôt de gerbe sur la tombe du soldat inconnu, les deux ministres ont participé à une séance de travail.
Dans des échanges visiblement chaleureux, les deux dirigeants ont passé en revue les questions d’actualité régionale et des crises internationales dans lesquelles l’armée vietnamienne envoie des soldats sous béret bleu (Soudan du sud, république Centrafricaine), avec en toile de fond l’engagement canadien à aider le Viêt Nam à consolider ses connaissances sur le milieu des opérations de maintien de la paix en environnement onusien, et à progresser dans la maîtrise de la langue anglaise (offre de bourses d’études au Canada, pour des jeunes officiers vietnamiens).
Au regard de cette visite exceptionnelle, les deux ministres ont signé un protocole d’accord visant à approfondir la relation bilatérale de défense.
Troisième depuis la droite, le général de division Phạm Ngọc Hùng accompagne quasi systématiquement le ministre de la défense lorsque le général Nguyễn Chí Vịnh est retenu par une autre mission (*). |
Sans grande originalité - mais le général Lịch n’est pas adepte des surprises -, les grands axes de coopération entre ces deux pays séparés par un océan que peu de détachements militaires traversent (rares escales canadiennes au Viêt Nam) sont axés sur la mise à profit de ces rares opportunités pour développer des échanges sur les questions de sécurité maritime et de secours en mer. Par ailleurs, et certainement avec à l’esprit l’engagement américain en faveur de la lutte contre les conséquences des années de guerre qui ont durablement marqué le sol et les habitants, le général Lịch a demandé que le Canada s’engage aussi dans ce long processus qui vise à dépolluer les régions contaminées par les bombardements et les épandages de défoliants, dont les traces sont encore visibles plus de 40 ans après la fin de la guerre. Enfin, la délégation vietnamienne – dans laquelle l’on a pu remarquer la présence du général de division Phạm Ngọc Hùng, directeur du Département général numéro 2 (renseignements militaires) – a évoqué la coopération en matière de cybersécurité, un sujet très sensible pour les autorités vietnamiennes qui font le constat d’une hausse des tentatives de pénétration des réseaux officiels. Si la Chine est souvent citée comme la menace première pour ces réseaux numériques, Hanoi reste vigilant face à l’activisme qui peut se développer sur les réseaux sociaux, au Viêt Nam mais aussi parmi les importantes communautés de la diaspora – dont celle implantée au Canada (plus de 240 000 personnes selon le recensement de 2016).
(*) Le général de corps d’armée Nguyễn Chí Vịnh, vice-ministre de la défense, chargé des relations internationales, n’a pas accompagné le général Lịch. En effet, avait rejoint Cuba le 04 mai à la tête d’une délégation devant participer au dialogue de politique de défense annuel, à La Havane.
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