Temps fort de la relation bilatérale franco-vietnamienne, la
réception secrétaire général du Parti communiste vietnamien, Nguyễn Phú Trọng, par
le président Emmanuel Macron, le 27 mars à l’Elysée, s’est conclue par une
déclaration conjointe axée sur la volonté des deux dirigeants de renforcer le
partenariat entre les deux pays, dans de multiples domaines - diplomatique,
économique, culturel, linguistique, juridique, et bien sûr défense.
Ce volet défense y a été abordé dans les points 10 et 11 de la
déclaration conjointe. Le premier, à la croisée des questions diplomatiques et
militaires, confirme la volonté des deux parties de poursuivre le Dialogue
stratégique existant entre les ministères des affaires étrangères et les ministères
de la défense au niveau des vice-ministres (format 2+2).
Dans le point 11, consacré exclusivement aux relations
militaires, « les deux parties affirment leur volonté d’approfondir le
volet défense du partenariat stratégique. Dans cette perspective, les
deux parties conviennent de renforcer leur dialogue stratégique et de
coopération de défense, de poursuivre leur coopération en matière de formation des officiers, en
particulier dans les domaines de l’apprentissage
du français, de la formation
initiale et spécialisée des cadres et des opérations de maintien de la
paix. Elles s’engagent par ailleurs à intensifier leur coopération en matière d’équipements de défense sur la base des besoins exprimés et des capacités à y répondre
de chaque partie et réaffirment leur volonté de promouvoir leurs échanges sur la sécurité maritime et aérienne ainsi
que sur la médecine militaire. Les
deux parties saluent les visites de courtoisie ou escales
techniques de bâtiments militaires français au Vietnam et se félicitent de
la signature d’une lettre d’intention relative à la signature de la Déclaration
sur la Vision commune pour la coopération franco-vietnamienne dans le domaine
de la défense de 2018 à 2020 et d’une prorogation de leur arrangement administratif en matière d’hydrographie,
d’océanographie et de cartographie marine ».
Un paragraphe très
ciselé dans lequel l’on comprend bien que Paris est à l’écoute des besoins vietnamiens,
mais que ses engagements opérationnels et contraintes budgétaires et humaines l’obligent
à établir des priorités. En résulte un effort essentiellement placé sur des
actions de formation, si possible en langue française, effort dont on ne voit cependant
la véritable plus-value que sur le long terme. L’on notera à cet égard la
présence actuellement au sein de la mission de défense vietnamienne à Paris de
trois officiers tous formés en France : le colonel Phạm Mạnh Thắng (attaché de défense depuis la fin 2017, qui a suivi
la scolarité de l’Ecole de guerre, et été attaché de défense adjoint), le
lieutenant-colonel Bùi Xuân Minh (attaché de défense adjoint), et le commandant
Lê Mạnh Quyền (assistant de l’attaché de défense). Ce dernier,
Saint-Cyrien de la promotion général Simon (2003-2006), est l’archétype d’une
formation en milieu francophone réussie. Parfaitement bilingue, très ouvert sur
le monde de la défense français, il sera sans le moindre doute amené à revenir
à Paris dans la décennie 2020 en tant qu’attaché de défense. Ce trio d’officiers
francophones et francophiles – mais aussi membres des services de renseignement
militaires, comme tout le corps des attachés de défense vietnamiens – représente
un atout unique pour développer cette coopération de défense, si tant est qu’il
y ait :
- à Hanoi une volonté de sortir du giron confortable d’une coopération opérationnelle en milieu anglophone et anglo-saxon (Canberra, Washington, Londres, Wellington) notamment sur le volet opérations de maintien de la paix, et d’une industrie de défense historiquement liée au monde russe ;
- et à Paris une écoute et une volonté d’y consacrer des moyens.
Alors que l’armée
populaire vietnamienne se modernise (marine, police maritime, armée de l’air et
défense antiaérienne, et désormais armée de terre – avec le binôme char de bataille
- artillerie de campagne), des opportunités doivent se présenter pour prendre
des parts de marché, si tant est que les cercles de décision à Hanoi puissent être
approchés sur le long terme.
L’on semble
pourtant rester sur une posture basse (déclarations d’intention, réunions pour discuter
de questions de niveau stratégique (sécurité en mer de Chine méridionale notamment),
formation d’officiers vietnamiens en France - sans réciprocité – une situation
qui aboutira à la constitution d’un vivier d’officiers vietnamiens qui connaîtront
très bien la France alors que celle-ci ne disposera pas d’interlocuteurs
disposant d’un background équivalent).
Ainsi, le général de
corps d’armée Nguyễn Chí Vịnh, vice-ministre de la défense, chargé des
relations internationales, a été reçu en marge de la visite de M. Trọng par M.
Philippe Errera, directeur des relations internationales et de la stratégie du
ministère des armées (26 mars) puis par Mme Florence Parly, la ministre des
armées (27 mars).
Ces entretiens protocolaires de tout premier plan ont
permis au général Vịnh de dresser un tour d’horizon de cette coopération
bilatérale, moins de trois mois après avoir co-présidé la seconde session (*) du
Comité conjoint de défense (11 janvier à Hồ Chí Minh-Ville).
Outre les thèmes
évoqués dans le point 11 de la déclaration conjointe, l’on retiendra de ces
entretiens la volonté des autorités françaises d’obtenir le soutien et l’appui
de Hanoi à la candidature de la France pour intégrer l’ADMM+ (ASEAN Defense
Ministerial Meeting élargi aux principaux Etats partenaires de l’Association),
une démarche que Paris justifie par le fait que la France est une nation du
Pacifique, de par ses territoires ultramarins. Une démarche qui semble avoir
reçu le soutien du général Vịnh, ce dernier déclarant que son pays était
prêt à servir de « passerelle » entre la France et l’ASEAN. Enfin,
pour sceller plus avant les relations bilatérales, rappelons-le en cette année
du 45e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques
entre Paris et Hanoi, Mme Parly a invité son homologue à se rendre à Paris, à l’été.
Un déplacement qui devrait être à l’agenda du général d’armée Ngô Xuân Lịch, et
qui constituera (peut-être avec d’autres étapes sur le continent) son premier grand déplacement
en Europe.
(*) Comité conjoint de défense que le ministère vietnamien
de la défense nomme Dialogue (de) politique de défense (Đối thoại Chính sách quốc phòng). La première session avait eu lieu
du 07 au 11 novembre 2016 à Paris.
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