La plus forte concentration de militaires américains au Viêt Nam depuis la fin de la guerre.
L’événement était annoncé
depuis près d’un an. Le 05 mars 2017 à 12 heures, le porte-avions américain de
la classe Nimitz USS Carl Vinson (CVN-70), accompagné du croiseur lance-missiles de la classe Ticonderoga USS Lake Champlain (CG-57)
et du destroyer lance-missiles de la classe Arleigh-Burke
USS Wayne E. Meyer (DDG-108), a entamé une escale de quatre
jours à Tiên Sa, le port militaire de Đà Nẵng.
Le site de l'escale |
Le porte-avions avait précédemment
fait escale à Manille (Philippines) du 16 au 20 février, puis traversé avec son
escorte la mer de Chine méridionale. Le 04 mars, il avait accueilli en mer une
délégation d’autorités civiles et militaires vietnamiennes, qui ont pu partager
quelques heures de la vie de ces marins hors du commun.
Alors que les bâtiments
américains sont désormais coutumiers de relâches opérationnelles ou techniques
dans les ports vietnamiens (quatre escales rien qu’à Cam Ranh en 2017), il
s’agit de la première escale d’un porte-avion dans le pays depuis la fin de la
guerre entre les deux pays. Cet événement majeur intervient dans un contexte de
rivalités en mer de Chine méridionale (quoique plus apaisé depuis un an entre
Hanoi et Pékin) qui est propice à des déploiements de bâtiments américains qui
y mènent des freedom of navigation
operations (FONOPS) destinées à affirmer la liberté de navigation dans ces
eaux au statut mal défini, donc objet de convoitises - notamment chinoises - qui
remettent à fleur de peau des nationalismes sur lesquels des régimes - celui de
Hanoi au premier plan - fondent leur légitimité.
Un an de préparatifs.
L’arrivée d’un bâtiment d’un
tel gabarit (330 mètre de long, avec près de 6000 hommes à bord, groupe
aéronaval compris) et emportant plus d’une soixantaine d’aéronefs, a été
minutieusement préparée depuis le printemps 2017. Régulièrement évoqué lors des
rencontres entre dirigeants militaires mais aussi diplomates des deux pays, ce
temps fort du processus d’approfondissement de la relation bilatérale s’est
précisé le 19 octobre 2017, lorsque le général de corps d’armée Nguyễn Chí
Vịnh, vice-ministre de la défense, chargé des relations internationales, avait
été reçu au large de San Diego avec une dizaine d’officiers à bord justement du
Carl Vinson, à l’issue d’une session
du Dialogue politique de défense bilatéral (15 au 17 octobre 2017 à Washington).
Cette visite, qui avait été peu commentée dans les médias vietnamiens, avait pourtant
été qualifiée de « journée historique » par le contre-amiral John
Fuller, commandant le Carrier
Strike Group 1.
Une couverture de presse d'une densité exceptionnelle.
L’heure n’est désormais plus à la
discrétion, en raison de la nature et de la taille des bâtiments et de leurs
équipages, mais aussi de la concentration d’autorités civiles et militaires de
tout premier plan pour cet événement sans précédent dans l’histoire des
relations entre la république socialiste du Viêt Nam et les Etats-Unis. Sous
les caméras et les objectifs de l’ensemble de la presse nationale et de
nombreux médias internationaux - quoique soigneusement canalisés -, l’arrivée
des bâtiments a donné lieu à un pic médiatique sans commune mesure avec la
titrologie habituellement consacrée aux questions de défense. Pour autant, la
tonalité des reportages s’avère très positive, la presse locale ne dérogeant
pas à sa tradition de commenter les événements sous un angle essentiellement
factuel en l’assortissant de la diffusion de la « voix » du régime,
tandis que les médias internationaux ont objectivement titré sur la pose d’un
nouveau jalon sur le parcours de normalisation des relations entre adversaires
d’hier, sans raviver les douloureux souvenirs de ces années de guerre, et que
la communication de l’ambassade et du consulat général des Etats-Unis ont
rivalisé de superlatifs pour commenter tant l’escale que les activités
organisées en marge de celle-ci.
Des discours axés sur le réchauffement des relations bilatérales.
Au rang des satisfactions figure aussi
l’absence de propos provocateurs, tant dans les discours vietnamiens
qu’américains, à l’égard de la Chine. Les autorités vietnamiennes ont soigneusement
placé leurs messages sur la poursuite de la normalisation des relations avec
Washington sans tomber dans le travers de jouer la carte de la première
puissance militaire mondiale contre celle de leur premier partenaire
économique. Une position que la consule générale des Etats-Unis à Hồ Chí
Minh-Ville, Mme Mary Tarnowka, a confortée lorsqu’elle a souligné que cette
escale historique illustrait parfaitement le « soutien que Washington
apporte à un Viêt Nam indépendant, puissant et prospère » - des mots
qui ont reçu un large écho bien au-delà des milieux dirigeants, et qui
confirment une nouvelle fois la parfaite maîtrise de la sphère médiatique par
la diplomatie américaine dans le pays.
Un tapis rouge, sans autorités militaires vietnamiennes de premier plan.
Dans cette même logique modérée, les
autorités vietnamiennes n’ont pas plus donné un lustre exceptionnel à l’accueil
des autorités américaines malgré le haut rang de ces dernières. Ainsi, l’ambassadeur
Kritenbrink, Mme Tarnowka, le vice-amiral Philip G. Sawyer, commandant
la 7e Flotte, le contre-amiral Fuller, commandant le Carrier Strike Group 1, et les
pachas des trois bâtiments, ont été accueillis cordialement mais sans faste par
M. Lâm Quang Minh, directeur du département des relations
internationales de Đà Nẵng, entouré des seules autorités civiles et militaires locales (3e
Région maritime, 5e Région militaire, gardes-frontières, police
maritime).
En choisissant de ne pas se lancer dans une surenchère de
représentation, le ministère vietnamien de la défense a réussi à dissocier
l’aspect historique de la présence du Carl
Vinson de l’aspect « routinier » des escales de bâtiments
étrangers dans un port militaire vietnamien. Aucun haut dirigeant militaire
vietnamien (ministre, chef d’état-major général des armées, commandant en chef
de la marine) n’aura fait le déplacement à Đà Nẵng, sur le
principe en vigueur lors des autres escales - mais aussi en raison d’agendas
incompatibles : en effet, le général de corps d’armée Phan Văn Giang, chef
d’état-major général des armées, était en déplacement en Malaisie puis à
Singapour ; le GCA Nguyễn Chí Vịnh accompagnait le président Trần Đại Quang
au Bangladesh ; et les autres grands commandeurs étaient impliqués, comme
chaque année à la même période, à superviser les opérations d’incorporation
annuelle des jeunes recrues et à diffuser des messages d’encouragement pour
leur deux ans de service sous les drapeaux.
Dans le flot des publications de tous
ordres qui ont abondé notamment les 05 et 06 mars, l’observateur attentif aura
noté que derrière les photos bien cadrées des poignées de mains et des colliers
de fleurs pour les autorités américaines figurait un quai désert, habillé d’un tapis
rouge menait à une tente devant laquelle les photographes étaient parqués, avec
dans l’axe de leurs appareils le porte-avions en toile de fond. Un cadre hyper
sécurisé par son isolement, et dans lequel, passé l’accueil des autorités,
s’est déversée par rotations successives une marée humaine de marins en
goguette, prêts à embrasser l’âme accueillante de ce Viêt Nam réconcilié avec
l’ennemi d’hier.
Lors d’une conférence de presse conjointe avec M. Minh, l’ambassadeur
Kritenbrink a souligné que cette escale, comme toutes celles effectuées par la Navy dans la région, contribuait au
maintien de la paix, de la stabilité et de la sécurité dans la région.
Des
propos qui n'ont logiquement pas été partagés par Pékin, où le ministre des affaires étrangères, M. Yang Yi, a qualifié cette escale de source d'accroissement des tensions régionales. Le vice-amiral Sawyer s’est pour sa part félicité
de l’approfondissement régulier des relations bilatérales de défense, et a évoqué
le fait qu’une nouvelle étape dans cette normalisation pourrait être l’escale
d’un sous-marin américain dans un port vietnamien, à l’image des escales qui
sont régulièrement menées aux Philippines, à l’est de la mer de Chine
méridionale. Même s’il n’a pas précisé d’échéance, l’annonce du commandant de
la 7e Flotte indique clairement une nouvelle étape dans le dialogue
bilatéral, et fait de Cam Ranh - siège de la brigade sous-marine 189 et de ses
six Kilo - la destination idéale pour
une telle escale.
Réception du VA Sawyer au siège de la 3ème Région maritime. |
Un programme sans temps fort militaire.
Hormis la taille des bâtiments accueillis, le programme de l’escale n’a pas tranché avec celui habituellement proposé aux équipages faisant relâche à Tiên Sa : accueil et entretiens avec les autorités locales, échanges d’expériences (notamment sur les interventions lors de catastrophes naturelles, la lutte contre les incendies, le sauvetage en mer), visites des bâtiments (plus de 1300 visiteurs), activités sportives et touristiques, représentations musicales, auxquels se sont rajoutées de nombreuses visites de soutien à des institutions humanitaires dans une région où les effets de l’agent Orange se font encore sentir et où l’ennemi d’hier assume aujourd'hui un rôle dans la décontamination des zones marquées par les séquelles de la guerre et l’assistance aux organismes prenant en charge les populations encore marquées dans leur chair par les séquelles de la guerre.
Hormis la taille des bâtiments accueillis, le programme de l’escale n’a pas tranché avec celui habituellement proposé aux équipages faisant relâche à Tiên Sa : accueil et entretiens avec les autorités locales, échanges d’expériences (notamment sur les interventions lors de catastrophes naturelles, la lutte contre les incendies, le sauvetage en mer), visites des bâtiments (plus de 1300 visiteurs), activités sportives et touristiques, représentations musicales, auxquels se sont rajoutées de nombreuses visites de soutien à des institutions humanitaires dans une région où les effets de l’agent Orange se font encore sentir et où l’ennemi d’hier assume aujourd'hui un rôle dans la décontamination des zones marquées par les séquelles de la guerre et l’assistance aux organismes prenant en charge les populations encore marquées dans leur chair par les séquelles de la guerre.
Ainsi, de très nombreux reportages ont été
consacrés à la participation de marins américains à des activités sportives, de
cohésion et de soutien à des malades, handicapés, orphelins, villages d’enfants
de la région, le tout faisant l’objet d’une couverture de presse axée sur les
relations fraternelles entre les peuples, avec des propos dépollués de toute
repentance ou de griefs exacerbés contre les «impérialistes
américains » (đế quốc Mỹ) - pour
reprendre la terminologie si souvent employée par les caciques du PCVN.
Rencontre de basket. |
Mission remplie donc. Le Carl Vinson et son escorte ont repris la
mer le 09 mars, laissant la trace d’une escale très réussie, sans faille dans
le dispositif organisationnel et de la communication. Pour autant, les feux de
la presse décroissant rapidement, la vie des organismes brièvement mis en
valeur va logiquement retomber dans l’ombre, jusqu’à la prochaine escale
américaine. Ainsi se profile déjà à l’horizon une étape du Pacific Partnership 2018, mi-mai, qui verra le bâtiment médical USNS Mercy faire escale à Đà Nẵng.
L’occasion pour les Américains de poser une nouvelle empreinte humanitaire dans la région.
Laissons le mot de la fin:
Laissons le mot de la fin:
- à l'ambassadeur Kritenbrink, dont le début de mandat est sans faille sur le plan du rayonnement :
Chuyến thăm của nhóm tác chiến tàu sân bay USS Carl Vinson sẽ không thể trở thành hiện thực nếu thiếu sự hỗ trợ mạnh mẽ của thành phố Đà Nẵng và chính phủ Việt Nam. Cảm ơn sự ủng hộ của các bạn.
The visit of the USS Carl Vinson aircraft strike carrier group would not have been possible without the strong support of the city of Da Nang and the government of Vietnam. Many thanks to them for their support.
- et à l'équipe de communication du Carl Vinson, qui a publié un petit clip de fin de visite (cliquer ici).
Merci. Très intéressant.
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