Le calendrier diplomatique chargé
de chef de l’Etat américain ne l’avait pas permis en 2015, année du vingtième
anniversaire du rétablissement des relations diplomatiques entre Washington et
Hanoi, c’est finalement en amont du sommet du G7, au Japon, que le président
Obama a effectué son premier déplacement officiel au Viêt Nam. Une visite
officielle placée sous le double signe d’une sécurité de fer et d’un accueil chaleureux
tant de la population vietnamienne que des hautes autorités, toutes présentes
pour l’occasion.
Opération séduction! |
Les médias locaux et
internationaux ont largement couvert ces trois jours de visite, du 22 mai en
soirée au 25 mai, accordant une grande place aux images d’un président maître dans
la communication vers une jeunesse qui n’a pas connu les temps de guerre et qui
se tourne au quotidien vers le monde américain, tant grâce à l’accès à l’Internet
que par la nécessité de s’imprégner de langue anglaise pour espérer conquérir
un emploi.
Bain de foule à Hanoi |
et à Hô Chí Minh Ville |
Dans cet emploi du temps minuté,
débuté à Hanoi et achevé à Hô Chi Minh-Ville, l’on retiendra sur trois points, liés aux enjeux de défense et de sécurité:
Un déploiement de forces sans comparaison avec celui mis en place pour
toute autre visite d’Etat, et offrant la part belle aux propres services de
sécurité du président américain. Ainsi, une semaine avant l’arrivée du
président Obama, l’aéroport international de Hanoi a été le théâtre d’une noria
de gros porteurs militaires américains, acheminant toute une logistique qui
pouvait faire douter de l’efficacité des services de sécurité d’un pays
pourtant connu pour la rigidité de ses forces de sécurité ! Pas moins de
cinq rotations de C-17 ont été
rapportées, desquels ont été débarqués les véhicules de la délégation
présidentielle, l’hélicoptère du président Obama et toute une logistique, dont
celle des équipes chargées de la sécurité rapprochée du numéro Un américain.
V-22 Osprey |
Un véritable
cadenassage sécuritaire qui tranche avec ces images d’ouverture et de
rapprochement des peuples dont les médias ont abreuvé les auditoires.
Des réceptions par toutes les plus hautes autorités vietnamiennes,
un peu plus d’un mois après leur prise de fonctions. Ainsi, le président
américain a rencontré son homologue, le général Trần Đại Quang, le secrétaire
général du Parti communiste Nguyễn Phú Trọng – qui s’était rendu à Washington
en 2015, le premier ministre Nguyễn Xuân Phúc et la présidente de l’Assemblée
nationale Nguyễn Thị Kim Ngân, ainsi que tous leurs principaux conseillers. Si
les questions économiques ont été au cœur des échanges, les attentes
vietnamiennes en matière de relations sécuritaires ont été exaucées.
Accueil par le président Trần Đại Quang |
Réception par le secrétaire général du Parti communiste Nguyễn Phú Trọng |
Dans les jardins de la résidence de Hồ Chí Minh, avec Mme Nguyễn Thị Kim Ngân |
La levée de l’embargo sur la vente d’armes au Viêt Nam. Après avoir
rappelé son attachement à un monde dans lequel les différends sont réglés de
manière pacifique, mais aussi à la liberté de circulation en mer de Chine
méridionale – messages très clairement adressés à Pékin – le président Obama a
annoncé que les Etats-Unis mettaient un terme leur embargo sur la vente d’armes
au Viêt Nam, en vigueur depuis 1984. Cette décision, sollicitée depuis des mois par toutes les hautes
autorités diplomatiques et militaires vietnamiennes lors de leurs rencontres
avec leurs homologues américaines, et soutenue par des personnalités de premier
plan dans le monde de la défense américaine – au premier plan desquelles le
sénateur John Mc Cain, président de la commission de la défense du sénat -
vient sceller avec pragmatisme une réconciliation entre ex-ennemis mais
désormais partenaires économiques, et qui s’engagent à tourner la page de
l’Histoire et à ouvrir celle du futur. Après avoir déjà levé, en octobre 2014,
l’embargo qui pesait sur la vente d'équipements non-létaux, cette mesure ouvre la
porte à l’acquisition par Hanoi de matériel qui pourrait lui faire défaut dans
la modernisation de son outil de défense.
Pas de remise en cause du modèle de défense vietnamien. Cependant,
derrière l’effet d’annonce, toujours porteur d’encre qui coule alors que les
décisions se prennent dans des cénacles bien plus feutrés, force est de garder
raison. Avec tous ses grands programmes d’équipement bâtis dans le cadre de la
relation historique avec Moscou (dont la coûteuse constitution de la brigade
sous-marine 189 par l’achat des six Kilo
636, l’acquisition des frégates Gepard,
le renouvèlement des vieux MiG-21 par
des Sukhoi modernes), la place
accordée aux puissances industrielles de défense occidentales est mince. Le
renforcement de l’arrivée du poids lourd américain sur ce marché très
concurrentiel devrait surtout, sinon voir le Viêt Nam changer d’orientation et s’engager
ostensiblement vers ce nouveau partenaire, du moins accroître les rivalités entre
nations concurrentes pour ces niches non trustées par les Russes.
Les médias vietnamiens se font
ainsi les relais de nombreuses ambitions – peut-être celles des seuls
rédacteurs plus que des décideurs militaires… - notamment en matière de
contrôle de l’espace aéromaritime national. Sont notamment évoqués divers
projets d’acquisition de systèmes aériens de détection et de contrôle, de
patrouille maritime, mais aussi de renforcement des capacités de la marine et
des gardes-côtes. Des projets où la haute technologie est importante et pour
lesquelles les Américains peuvent tirer leur épingle du jeu.
Dans ce cadre,
l’importance des moyens humains que Washington consacrera au soutien de ses
projets sera un atout face aux efforts de nations européennes, de fait plus
éloignées du Viêt Nam. On notera en particulier l’action pivotale d’une mission
de défense robuste au sein de l’ambassade des Etats-Unis à Hanoi, de nombreuses
visites de hautes autorités militaires, la délivrance permanente de formations
en langue anglaise – au Viêt Nam et aux Etats-Unis - qui permet certes aux
militaires vietnamiens de se préparer à participer à des opérations de maintien
de la paix mais aussi à s’acculturer au grand partenaire américain. Ces actions
de contact, basées sur la constitution de réseaux, doivent s’avérer payantes
sur le moyen terme.
De là à faire changer radicalement
d’axe d’intérêt au ministère vietnamien de la défense, le saut peu probable,
car il équivaudrait à remettre en cause les fondamentaux de la défense
vietnamienne, passant d’un modèle soviétique/russe à une conception
occidentale, que Hanoi n’a ni les moyens ni l’intérêt de s’offrir, surtout face
à une Chine qui est à l’affût de toute faiblesse de son voisin.
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