Le 16 octobre 2014, le général
d’armée Phùng Quang Thanh, ministre de la défense, a entamé une visite
officielle de trois jours à Pékin, à l’invitation de son homologue, le général Chang
Wanquan.
Le général Thanh est à la tête
d’une délégation exceptionnelle par sa composition. Elle comprend en effet 12
généraux de tout premier rang, dont : un des adjoints du chef d’état-major général des
armées (général de division Bế Xuân Trường), le directeur adjoint du
département général politique (GDI Lương Cường), les commandants des 2ème
et 3ème régions militaires (GDI Dương Đức Hòa et Phạm Hồng Hương) et
l’adjoint au commandant de la 1ère région militaire (GBR Phan Văn
Tường), le chef d’état-major de l’armée de l’air et de la défense
anti-aérienne (GDA Phương Minh Hòa) et l’adjoint au chef d’état-major de
la marine et commandant de l’état-major de la marine (contre-amiral Phạm
Hoài Nam), le commandant des gardes-frontières (GDI Võ Trọng Việt) et le
commandant de l’arme des transmissions (GBR Vũ Anh Văn).
En revanche, l’absence du général
de corps d’armée Nguyễn Chí Vịnh, vice-ministre de la défense en charge des
relations extérieures, est remarquée.
Après l’été de fortes tensions en mer de Chine méridionale, avec en écho une vague de protestations – incluant des
débordements de violence - dans les grandes villes vietnamiennes, cette visite inédite
par son ampleur semble mettre un terme – temporaire ? – au froid qui a
sévi dans les relations bilatérales. Elle intervient près de deux mois après
que le général d’armée Lê Hồng Anh,
ex-ministre de la sécurité intérieure et actuellement numéro 5 du bureau
politique du comité central du Parti communiste vietnamien (PCVN), se soit
rendu à Pékin les 26 et 27 août en tant qu’envoyé spécial du secrétaire général
du PCVN Nguyễn Phú Trọng.
L’agenda de cette visite, tel
qu’annoncé dans les médias vietnamiens, est centré sur les relations
« amicales » entre armées des deux pays, avec notamment une relance
de l’idée d’établir une « ligne rouge » entre les deux ministres (ce
qui peut justifier la présence du commandant des transmissions).
Une face cachée? Comme l’Histoire l’a souvent
montré, à une phase de crise succède souvent un déplacement d’un haut
représentant vietnamien chez le grand voisin du nord, non la tête basse mais en
interlocuteur d’égal à égal. Ainsi, derrière le réchauffement apparent et subit
des relations entre les hauts états-majors se cache certainement une attente de
Pékin d’explications sur la décision tout aussi soudaine de Washington de lever
– même partiellement – son embargo sur la livraison d’armes létales au Viêt
Nam. Cette décision historique (02 octobre), qui scelle un peu plus la
normalisation des relations entre les deux ennemis d’hier, est un message fort
adressé des deux côtés du Pacifique à la Chine. Son champ d’application
(matériel destiné à permettre à l’armée vietnamienne de renforcer le contrôle
de son espace aéromaritime) est clairement destiné à contrôler voire à freiner
la poussée chinoise en mer « de l’Est », et sonne en écho au soutien américain
– certes bien plus direct – que reçoivent déjà les Philippines avec le même
objectif. Si le général Thanh ne manquera pas de diplomatie pour entourer le
message de toutes les précautions d’usage diplomatique, nulle doute que ses
homologues sont bien conscients de l’importance de cette décision américaine,
qui permet à Hanoi et à Washington de marquer chacun un point dans les bras de
fer qui les opposent, sur deux échelles différentes, à Pékin. Même si sa
concrétisation n’intervient pas immédiatement – le temps certainement pour
Américains et Vietnamiens de bien définir les modalités de ce soutien – la
donne locale a changé, au moins psychologiquement. A quelques semaines de
l’organisation à Pékin du sommet annuel de l’Asia-Pacific Economic
Cooperation - APEC (10-11 novembre), la Chine est contrainte à jouer
la carte de l’apaisement. Habitué à avancer par petits pas en mer de Chine
méridionale, Pékin va devoir se montrer plus prudent avec son voisin, tout en
se donnant le temps de reprendre l’initiative.
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