A l’occasion de la commémoration du 100e anniversaire du début de la première
guerre mondiale, quelques médias online vietnamiens viennent de publier un
reportage, essentiellement photographique, sur la participation des soldats vietnamiens à la Grande Guerre.
En fil guide de ce reportage d’une dizaine de photos, est
stigmatisée la contrainte exercée par le colonisateur sur le colonisé dans le
cadre de l’effort de guerre. Le soldat vietnamien y est ainsi présenté comme étant le
seul Indochinois à avoir été mobilisé et envoyé de force vers le continent
européen. La contribution des recrues laotiennes et cambodgiennes est ignorée.
Aucun chiffre n’est évoqué, hormis celui de « dizaines de milliers de
jeunes Vietnamiens » réquisitionnés de force. Tous sont présentés comme
ayant combattu au front, tant dans le nord de la France, mais aussi à Ypres, ainsi
que dans les Dardanelles. Aucun bilan de pertes n’est évoqué, pas plus que la nature exacte de leur contribution à cet effort de guerre - et en particulier le fait que plus de la moitié d'entre eux ont été affectés à des travaux logistiques, dans des usines d'armement notamment.
Soldats vietnamiens en Grèce |
Ce reportage illustre fort à propos, sur sa forme, le fait que
le Viêt Nam, tout en acceptant de célébrer une année de l’amitié
franco-vietnamienne (2013/2014), ne saurait gommer les heures sombres de sa
relation avec l’ex-puissance colonisatrice, en cette année 2014 qui a vu le
pays célébrer avec faste le 60e anniversaire de la victoire de Điện
Biên Phủ (07 mai).
Les festivités de circonstance marquant - plus que célébrant
- cette relation séculaire sont une chose, le message distillé par le Parti
vers toutes les couches de la population demeure axé sur la tradition
millénaire de lutte des Vietnamiens contre l’oppresseur, d’où qu’il vienne.
L’occasion est donc excellente pour la presse officielle de rappeler que ces recrues ont été
embarquées – au propre comme au figuré – dans une guerre qui n’était pas la
leur.
1915 - Arrivée à Marseille |
Cantonnement à Saint Raphaël |
Bivouac près d'Ypres (Belgique) |
Combattant vietnamien à Ypres |
Maintien des traditions, près du front |
Cent ans après, le message demeure donc diamétralement opposé à celui proposé par la France. Ainsi, l’ECPAD présente des bilans chiffrés de la participation indochinoise – et non uniquement vietnamienne – au conflit (environ 43000 troupes combattantes et 49000 travailleurs coloniaux), soulignant sans réserve le fait que nombre d’entre eux se sont illustrés au combat, volontaires et non sous la contrainte.
Dans la même veine, celle qui rend hommage à tous les combattants qui, venant de tous les horizons, ont unis leurs forces derrière le seul drapeau tricolore, l'Association des anciens et amis de l'Indochine et du souvenir indochinois (ANAI) conclut un excellent article en soulignant le fait que, "[...] confrontés à une
civilisation très différente de la leur, acteurs ou témoins d'événements
sanglants, et évoluant à partir de 1917 dans un climat hostile, les Indochinois
de 1916 à 1918 ont fait front avec abnégation et courage. Le livre d'or que le
gouvernement général d'Indochine avait promis de leur consacrer n'a jamais vu
le jour. Mais leurs tombes, telles celles de l'ossuaire de Douaumont ou des
cimetières de Géré et d'Udonista (Albanie), attestent leurs sacrifices au cours
de la grande guerre".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire