vendredi 17 mars 2023

Le général de corps d’armée Đỗ Căn quitte le service actif (15/03/2023)


Le 15 mars 2023, le général de corps d’armée Đỗ Căn a quitté l’institution militaire lors d’une cérémonie présidée par le général d’armée Lương Cường (ci-dessus à droite), directeur du Département général « politique » de l’armée populaire vietnamienne (Tổng cục Chính trị Quân đội nhân dân Việt Nam), qui a salué sa carrière d’une longévité exceptionnelle. Né en 1962 à Hà Nội, il s’est engagé très jeune dans l’armée (1979) dans un contexte d’intervention de l’armée vietnamienne au Cambodge, puis a rejoint le corps des commissaires politiques, au sein lequel il a effectué toute sa carrière, tant à Hà Nội que dans la 3e Région militaire (Nord-Est). Membre du Comité central du Parti communiste vietnamien depuis le 12e Congrès national de cette instance (janvier 2016) il occupait depuis la même année l’un des quatre postes de directeur adjoint du Département général « politique », et était devenu au fil des ans le plus ancien d’entre eux.

Agé de 62 ans et titularisant plus de 44 années de service actif, le général Đỗ Căn cède désormais son fauteuil de « doyen » des directeurs adjoints au général de division Trịnh Văn Quyết. 

Originaire lui aussi du Nord (province de Hải Dương) et ayant occupé ses premières hautes responsabilités au sein de la 2e Région militaire (Nord-Ouest), il a été admis au Comité central du Parti en janvier 2021 (13e Congrès). Agé de 57 ans (sept de moins que le directeur du Département), son potentiel pour succéder à ce dernier à l’horizon du 14e Congrès national du Parti communiste vietnamien (janvier 2026) est réel, sauf à ce que ce monolithe qu’est ce Département – dont le cœur de métier est axé sur l’instruction politique des militaires vietnamiens et le contrôle de leur fidélité totale au dogme communiste - opte pour rajeunissement de l’âge de son futur directeur afin de lui permettre de rester en fonctions deux mandats dans cette fonction, qui est de fait celle du numéro 2 du ministère, voire d’accéder au poste de ministre de la défense. 

Dans l’immédiat, il devrait rapidement être élevé au rang de général de corps d’armée. Les deux autres directeurs adjoints sont les généraux de division Nguyễn Văn Gấu (55 ans, lui aussi déjà membre du Comité central du Parti) et Lê Quang Minh (54 ans). Ils devraient être prochainement rejoints par un quatrième homme du sérail, possiblement un peu plus jeune afin d’entretenir ce vivier de très hauts potentiels dans ce corps où chaque progression est le fruit d’une sélection millimétrique.

jeudi 16 mars 2023

Le général Nguyễn Văn Nghĩa (CEMG adjoint) élevé au rang de général de corps d'armée (16/03/2023)

 

Le 16 mars 2023, le président Võ Văn Thưởng a élevé le général Nguyễn Văn Nghĩa au rang de général de corps d’armée. Entouré des principaux commandeurs de l’armée populaire vietnamienne, il lui a remis sa charge lors d’une cérémonie officielle, comme c’est toujours le cas pour ce type d’événement.

Né en 1964 dans la province de Bắc Giang (Nord), cet officier d’infanterie a un parcours à forte connotation préparation des opérations. Il a effectué le temps fort de sa carrière au contact des forces dans le Nord - dans le 2e Corps d’armée (dont l’état-major est situé dans sa province natale) qu’il a commandé de 2015 à 2016, puis dans la 2e Région militaire, dont il a été chef de l’état-major (2017 à mi-2018) -, puis a été chef du bureau emploi des forces à l’état-major général (EMG) des armées, avant d’accéder, début 2020, à l’un des postes d’adjoint au chef de l’EMG. Il y assume des responsabilités axées sur la conception, l’entraînement et l’évaluation des forces.

Ce portefeuille important lui vaut d’être logiquement élevé au rang de général de corps d’armée pour la fin de sa carrière, qui approche. Agé de 59 ans, il rejoint à ce grade les généraux Huỳnh Chiến Thắng, d’un an plus jeune que lui dans la fonction mais plus ancien dans le grade et membre du Comité central du Parti communiste vietnamien, et Phùng Sĩ Tấn (deux ans plus jeune). 

Alors qu’il est proche du terme de sa carrière, sa promotion vient essentiellement récompenser son parcours de presque 40 années passées sous l’uniforme, dans un contexte de modernisation des armées et surtout, plus récemment, de l’armée de terre.

 

Les quatre GCA de l’EMG : (de G à D) Huỳnh Chiến Thắng, Phùng Sĩ Tấn, Nguyễn Tân Cương et Nguyễn Tân Cương (CEMG).


mercredi 8 mars 2023

8 mars 2023 - Arrêt sur images, le temps d’une journée - de la femme (vietnamienne) en opération de maintien de la paix

A gauche, service de santé des armées à Bentiu; à droite, compagnie du génie en Abiyé. 

Les soldats vietnamiens engagés en opérations onusiennes de maintien de la paix sur ces terres soudanaises (Soudan du sud, Abiyé) et centrafricaines pourraient porter haut une bannière Restore Hope tant ils se sentent investis d’une mission, par définition non combattante, placée sous le signe de la fraternité des peuples. Et la « journée internationale de la Femme » (08 mars) est chaque année une occasion privilégiée pour faire sortir des rangs, à juste titre, les éléments féminins qui servent la cause vietnamienne sous béret bleu.


Emulation journalistique faisant loi, le lectorat vietnamien de l’actualité de défense se voit offrir durant quasiment une semaine des reportages enflammés sur l’action de ces « roses d’acier » (bông hồng thép) au milieu de leurs camarades masculins et au contact de populations plongées dans la plus grande précarité. Force est de constater que ces Vietnamiennes savent déployer des armes de choc dans cette bataille pour gagner les âmes (des populations auprès desquelles les contingents onusiens sont déployés) et les cœurs (de leur auditorat national). Troquant, au moins dans l’enceinte de leur camp de base, le treillis qui uniformise parfaitement les individus d’un contingent contre les couleurs les plus chatoyantes des áo dài traditionnels, leur véritable métamorphose est chaque année un temps fort de ces événements de la « journée de la femme » (vietnamienne). 


La présence jamais fortuite d’un reporter militaire national tout entier tourné vers la sublimation de l’action de ces nữ bộ đội Cụ Hồ (soldat(e)s d’Hồ Chí Minh) donne toujours lieu à des images saisissantes de contraste entre l’aridité du théâtre d’opération et l’action pleine d’empathie de ces femmes soldats envers les populations civiles souvent en détresse. Culture pacifique, idéologie tournée vers la solidarité envers les plus faibles et capacité réelle à comprendre ce que sont des conditions de vie très difficiles sont autant d’atouts qui permettent à ces femmes, dont les effectifs ne sont pas juste symboliques (ils sont proches de 10 %, notamment au sein du Rôle 2 implanté à Bentiu et dans la compagnie du génie déployée en Abiyé) de marquer des points avec tact. 


L’on retiendra quelques images de ces actions, happées au fils des articles saluant l’action de ces « roses d’acier ».

Sur le site de l’hôpital militaire de campagne de type Rôle 2, à Bentiu, l’ « opération civilo-militaire » a connu son temps fort au pied d’un acacia. Unité de temps, de lieu, d’action et de photographe, la manœuvre a consisté en trois temps : 

Temps 1 : Offrez des fleurs à la dame la plus consentente ! … même s’il n’y a qu’un bouquet et si la récipiendaire n’a pas de vase…

Temps 2 : Séance maquillage sous un soleil de plomb, au profit de la voisine de la récipiendaire du temps 1…

Temps 3 : juste aux pieds des deux précédentes, salon de coiffure « comme à Paris »…

Et ne pas oublier la photo "de famille".

Deux temps (surtout pour mettre en valeur le colonel Nguyễn Kim Tỉnh, commandant les forces vietnamiennes agissant sous béret bleu au Soudan du sud) et trois mouvements, conclus par des images de ces soldats bien dans leur peau et unanimement appréciés par les autres contingents fédérés sous la bannière onusienne dans ce milieu si dépaysant.

L’opération de communication est réussie, effet majeur atteint ! Hoan hô!





mardi 7 mars 2023

Réception du secrétaire général adjoint à l'appui aux missions des Nations unies par le détachement vietnamien du génie en Abiyé (06/03/2023)

 

Le 06 mars 2023, M. Atul Khare, secrétaire général adjoint à l'appui aux missions des Nations unies, a été reçu sur le site de déploiement du détachement du génie opérant au sein de la Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour l’Abiyé (FISNUA). Il a été accueilli avec tous les honneurs - tapis rouge (sur la latérite…), haie de drapeaux vietnamiens, gants blancs - par le colonel supérieur Mạc Đức Trọng, qui lui a dressé un premier bilan de l’action conduite par son détachement (184 militaires dont 21 femmes) depuis l’été 2022.

Visiblement, côté équipement intérieur, l'ONU fait bien les choses.

Un premier bilan positif, marqué notamment par la réparation et la consolidation de 46 km de routes vers le nord de ce territoire enclavé, permettant une meilleure circulation des biens et des personnes. De même, les sapeurs vietnamiens ont permis d’ouvrir quatre itinéraires de patrouille autour de l’emprise onusienne, facilitant la mobilité des équipes de sécurité du camp Highway.

Agissant en soutien des forces onusiennes et des populations locales, les moyens lourds mis en œuvre par le détachement ont permis de mener une vingtaine d’opérations d’assistance suite à des accidents liés à l’état de délabrement du réseau routier, durant lesquelles ils ont dégagé une centaine de véhicules onusiens et civils.

Le détachement est en outre en première ligne pour assurer la maintenance de la piste et des infrastructures aéroportuaires indispensables au fonctionnement de la FISNUA. Enfin, il est régulièrement sollicité pour des travaux de rénovation et de consolidation des bâtiments de la Force et des contingents qui servent sous ses couleurs.

Vu de l'extérieur, le bâchage des toits laisse craindre une perméabilité des infrastructures...

Le colonel supérieur Trọng n’a pas manqué d’assortir sa présentation d’une petite mention, peut-être plus destinée au lointain lectorat vietnamien de la presse de défense que de la délégation qu’il recevait, sur "l’engagement sans faille de son détachement à donner le meilleur de ses possibilités pour surmonter toutes les difficultés qu’il pourrait rencontrer localement afin d’être toujours prêt à remplir toutes les missions qu’il recevra de la part de la FISNUA". Et sur le fond, il est certain que les conditions de vie sur ce coin de terre inconnu de la quasi-totalité des Vietnamiens (et de la planète !) doivent nécessiter une foi absolue dans la capacité de cette petite communauté à vivre dans une grande rusticité, même pas adoucie par l’accès aux programmes de télévision vietnamiens, un lien social capital pour tout contingent aujourd’hui déployé en opération. Si le message a été bien reçu par M. Khare, nulle garantie ne peut être donnée que la technologie onusienne opère un miracle à très court terme...

Les moyens lourds de la compagnie du génie.


samedi 4 mars 2023

Février 2023, un millésime riche en actualité militaire!

L’année du Chat d’Eau (năm Quý Mão) s’était ouverte sur un séisme politique (la démission (17 janvier) du président Nguyễn Xuân Phúc, victime collatérale d’une purge ministérielle sur fond de campagne anti-corruption menée depuis dix ans par le secrétaire général du Parti communiste vietnamien [PCVN] Nguyễn Phú Trọng) puis par le décès d’un pilote de chasse lors d’un vol d’entraînement (31 janvier). 

Ces coups durs dans différents registres ont placé les autorités vietnamiennes dans la nécessité de redorer rapidement une confiance, à défaut de prestige, au moins vers leur auditorat national mais aussi vers leurs partenaires internationaux. Février leur a offert une tonalité positive, portée notamment par une réaction exceptionnelle à un autre séisme, bien réel celui-ci et exceptionnel par son éloignement à plusieurs milliers de kilomètres à l’ouest du sol vietnamien et par son ampleur humaine. 

Je retiendrai donc de ce mois traditionnellement de reprise des activités militaires, après le Tết, les événements suivants :

- une grande première dans l’Histoire de l’armée populaire vietnamienne (APVN) : la projection d’un détachement dans une opération internationale d’assistance humanitaire en Turquie (12 au 24 février) suite au séisme qui, le 06 février, a frappé la région de Gaziantep (et le nord de la Syrie).  Voir à ce sujet mon post précédent.

- une petite vague d’escales (trois) dans trois ports vietnamiens : britannique à Hồ Chí Minh-Ville (07 au 11), singapourienne à Cam Ranh (13 au 16) et japonaise (garde-côtes) à Đà Nẵng (13 au 18, quelques jours avant la réception à Hà Nội du commandant en chef adjoint des garde-côtes japonais). Aucune ne s’est traduite par un exercice à la mer significatif, même si le bâtiment singapourien a eu le privilège d’interagir à son départ avec une frégate de premier rang (012-Lý Thải Tổ) ; 

- la projection d’un second officier de la police maritime en opération de maintien de la paix onusienne dans cette terre disputée d’Abiyé, entre Soudan et Soudan du sud. Le capitaine supérieur Trần Nam Phương, plus rompu aux questions internationales que son camarade déployé début février sur le même théâtre d’opérations, devra lui aussi relever le double défi de ne pas voir s’ouvrir à lui durant un an d’horizon maritime et de tenir des fonctions d’officier logisticien au sein de l’état-major de la FISNUA ;

 Le général de brigade Vũ Trung Kiên, adjoint au commandant en chef de la police maritime,
remettant son mandat au missionnaire (20/02/2023)

- enfin, ce mois de février aura été marqué, ne l’oublions pas, pas cette grande fête du lien armée-nation qu’est l’incorporation du nouveau contingent appelé à remplir sa mission sacrée qu’est la défense de la patrie vietnamienne (nghĩa vụ thiêng liêng bảo vệ Tổ quốc). Durant cinq jours (06 au 10 février), les différentes instances dirigeantes des provinces et des huit régions militaires ont battu le rappel des jeunes sélectionnés pour prendre le relai du contingent qui avait été incorporé fin février 2021. Comme chaque année, le battage médiatique a été bien supérieur à l’enthousiasme qu’un tel événement est susceptible de créer. Au petit jour, lors de cérémonies très rapides menées depuis le niveau chef-lieu de district, les jeunes (quelques volontaires, dont quelques jeunes femmes, et une très grande majorité d’individus n’ayant pas eu les moyens de contourner leurs obligations) ont rejoint en passant sous les éphémères « porches de la gloire » (cổng vinh quang) la grande cohorte de conscrits appelés à contribuer durant deux ans à la défense de leur patrie. 

Hải Phòng, 06 février.

Comme chaque année, La Rue des Soldats s’est plongée dans la quête de bilans sur le nombre de recrues ponctionnées par province. Force est de constater que les chiffres, trop détaillés ou volontairement trop superficiels, mentionnés par les innombrables articles de médias pléthoriques, ne permettent que d’obtenir une estimation à la fiabilité incertaine. N’oublions pas que tout ce qui relève des questions de sécurité nationale tombe sous la coupe du secret ou au moins de la plus extrême discrétion (et noyer le lecteur sous un flot de chiffres sans aucune base commune est aussi un bon moyen de « surdésinformer » !). Pour autant, l’application d’une même méthode de recherche depuis plusieurs années offre une base de comparaison aussi objective que possible (même si l’on sait que l’objectivité n’est pas la vertu cardinale des médias, en particulier vietnamiens). Il est donc permis d’estimer que le volume global de recrues 2023 est légèrement supérieur à celui du contingent qui avait été incorporé il y a deux ans et qui a été libéré de ses obligations militaires en janvier, dans une discrétion qui tranche avec le déploiement d’autorités pour motiver les recrues à quitter leurs familles pour embarquer dans les bus et « la route vers l’inconnu ». Visiblement, des unités doivent avoir la capacité d’accueillir des effectifs légèrement supplémentaires (plus de 8 000 militaires à l’échelle nationale par rapport aux chiffres collectés en 2021). En tout état de cause, le nombre de recrues sélectionnées par district et province s’avère le fruit d’un savant calcul puisque, in fine, le nombre de jeunes incorporés dans les rangs de l’armée et des unités du ministère de la sécurité publique (Công an) restent globalement stable par rapport à la population recensée dans chaque province. 

Une prise de hauteur montre que la foule ne se mobilise pas 
(Sơn La, 10 février)

Comme nous le mentionnons chaque année, les forces de défense et de sécurité ne prélèvent qu’une infime part des forces vives du pays. La plus lourde contribution (en pourcentage de la population) incombe aux provinces les plus rurales (0,22 % pour les provinces frontalières de Lào Cai ou Điện Biên) tandis que les deux grandes métropoles que sont Hà Nội et Hồ Chí Minh-Ville fournissent des contingents qui peuvent dans l’absolu être significatifs (4 200 pour l’une et plus de 4 600 pour l’autre) mais ne sont qu’une goutte d’eau comparés à leurs très fortes populations (moins de 0,05 %). Cette tendance est durable, de même que la forte représentation des classes d’âge de 18 à 21 ans (les deux tiers des conscrits). Pour autant, cela ne signifie nullement que le Viêt Nam abandonne son esprit de défense. L’ancrage d’un programme d’éducation de défense dans les programmes scolaires, jusqu’au niveau universitaire, permet au moins de diffuser au sein de toutes les classes d’âges une sensibilisation (théorique et concrète) à la défense du pays, situation qui a disparu dans tant de pays (occidentaux notamment) convaincus que leurs petites armées professionnelles sont le meilleur des garants d’une paix gagnée par leurs aînés. Une conviction certes confortable mais risquée. 

*    *

Je conclurai cet état d’actualité par la confirmation d’une réalité, que tant de partenaires occidentaux du Viêt Nam refusent d’entendre clairement : le régime de Hà Nội ne prend aucune position contre la guerre conduite depuis un an par la Russie en Ukraine

Alors que les militaires se préparent à participer pour la cinquième fois aux Army Games (*), faisant comme si Moscou allait organiser une nouvelle édition à l’été, le Viêt Nam s’est de nouveau abstenu lors du vote de l’Assemblée générale des Nations unies (23 février) sur la résolution qui « exige de nouveau que la Fédération de Russie retire immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays, et appelle à une cessation des hostilités ». L’ambassadeur du Viêt Nam aux Nations unies Đặng Hoàng Giang, exprimant à nouveau l’attachement de son pays au respect du droit international et au règlement pacifique des différends, est allé jusqu’à appeler les belligérants, donc sans les différencier, à cesser les combats et s’engager dans la voie de la désescalade et de la négociation. Cette prise de position, au plus haut niveau de la diplomatie internationale (et partagée régionalement par Pékin et Vientiane, qui se sont aussi abstenu lors du vote), confirme si besoin est encore nécessaire le refus de Hà Nội de s’engager dans une démarche appelant Moscou à cesser son agression contre son voisin. En se réfugiant derrière son principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, dogme bien pratique pour qui ne souhaite pas porter atteinte à sa relation historique avec Moscou, forgée dans les guerres idéologiques et pour l’indépendance du Viêt Nam, le régime de Hà Nội continue de se présente à la face du monde comme l’un des alliés objectifs de la Russie.

Si cette solidarité s’exprime avec plus de nuances, plus d’enrobage d’attachement au droit international que celle qui transparaît dans les déclarations de Pékin, le PCVN ne sait prendre une once de distance par rapport à Moscou. 

L’« élection », le 03 mars par l’assemblée nationale, de M. Võ Văn Thưởng au poste de président de la république, voit la progression dans la hiérarchie sommitale du PCVN d’un proche de Nguyễn Phú Trọng. Son jeune âge le prépositionne déjà comme un candidat de choix à la succession du secrétaire général du Parti à l’horizon 2026 (**). 

Il est à cet égard exclu que, dans ses fonctions essentiellement de représentation sur la scène internationale, le nouveau chef de l’Etat affiche quelque inflexion que ce soit contre la guerre menée par le président Poutine en Europe. La communauté internationale pourra (ou pas tant sa mémoire s’effrite vite) regretter d’avoir soutenu l’intégration du Viêt Nam au Conseil de sécurité des Nations unies – en tant que membre non permanent en 2020-2021 (et ce pour la seconde fois en 15 ans, une belle prouesse…). 

                                                                            *    *    *

(*) Le 28 février 2023, le général de brigade Lê Xuân Sang, directeur adjoint du Département « émulation» (appartenant au Département général Politique de l’armée populaire vietnamienne) a dirigé une réunion consacrée à la participation d’un détachement à la compétition « culturelle » organisée lors des prochains Army Games en Russie. 

Plus que la nature de cette épreuve, à laquelle l’APVN a déjà participé, cette réunion semble démontrer que la Russie, malgré la poursuite de ses opérations dans la guerre d’agression contre l’Ukraine, a la volonté et les moyens d’organiser ces véritables jeux olympiques militaires (même dans un format dégradé en raison de ces mêmes opérations). La quasi absence de communication sur ce rendez-vous rendait pourtant plausible une annulation de ces épreuves. 

Certes, le Département « émulation » ne confirme pas que les Army Games vont se dérouler à l’été 2023. Il annonce juste la sélection de 20 militaires pour participer à un stage d’un mois (1er au 30 mars) visant à mettre au point une chorégraphie qui sera présentée à la compétition, si elle a lieu. Un conditionnel qui ne figure pas dans les mots du général Sang lorsqu’il a rappelé que « 2023 est la cinquième année de participation du Viêt Nam aux Army Games ».

 

(**) Agé de 52 ans, Võ Văn Thưởng est le plus jeune des seize membres du bureau politique du PCVN. Très proche de Nguyễn Phú Trọng, il dirige la très puissante commission de propagande du Parti. Seul candidat à la succession de Nguyễn Xuân Phúc, il a été élu avec les voix de 487 des 488 députés. 


Retour sur la première projection d’un détachement de l'APVN dans une opération internationale d’assistance humanitaire (12-24/02/2023).

Le 10 février 2023, le général de corps d’armée Nguyễn Tân Cương, chef de l’état-major général des armées vietnamiennes, a annoncé l’envoi d’un détachement de secouristes en Turquie, dans le cadre de l’assistance internationale apportée à ce pays suite au séisme qui, le 06 février, a frappé la région de Gaziantep (et le nord de la Syrie). Alors qu’il avait fallu près de 15 ans pour que l’APVN déploie prudemment son premier observateur dans une opération onusienne de maintien de la paix, seuls quelques jours ont séparé la décision de projeter un détachement militaire en opération humanitaire à 11 heures de vol de Hà Nội, la constitution ce détachement et son engagement (mais aussi son désengagement, le 23 février). Un véritable tour de force qui prouve que le Viêt Nam dispose de réelles capacités d’engagement dans certains segments et notamment dans celui de l’assistance aux victimes de catastrophes naturelles, mais aussi qu’il est capable d’agir vite, loin (en bénéficiant il est vrai d’une aide à la projection, en l’occurrence un avion de la compagnie Türkish Airlines), et pour une période limitée.

Le ministère de la sécurité publique (Công an) avait montré la voie : le 09 février, 24 secouristes issus du corps des pompiers quittaient Hà Nội dans un avion civil turc. Après s’être posés le lendemain à Istanbul, ils ont transité par Adana puis ont rejoint leur zone d’intervention à Adiyaman, au nord de la frontière avec la Syrie. 

Dans le même temps, le Département sauvetage des victimes, appartenant à l’état-major général des armées, a été chargé du montage et du pilotage de cette opération militaire. Il a rapidement constitué un détachement de 76 militaires, articulé en :

- un groupe de commandement, à sept militaires dont le chef de mission : le général de brigade Phạm Văn Tỵ, adjoint au directeur du bureau permanent du Comité national en charge des opérations de sauvetage liées aux catastrophes naturelles ;

- un détachement médical, comprenant 30 membres du Service de santé des armées ;

- un détachement de recherche et sauvetage, composé de 30 membres de l’arme du génie ;

- une équipe cynophile (neuf militaires et six chiens) du commandement des garde-frontières. 

Outre son matériel de dotation et des vivres pour travailler en autonomie durant un mois, l’unité a emporté quelque 25 tonnes d’aide humanitaire destinée aux populations sinistrées.

Le détachement a quitté Hà Nội dans la soirée du 12 février, après une courte cérémonie à laquelle ont assisté le général Nguyễn Tân Cương et l’ambassadeur de Turquie Haldun Tekneci. Comme de coutume et encore plus pour une première historique, l’événement a donné lieu à une très importante médiatisation, parfaitement orchestrée par l’état-major général des armées. 

Drapeaux, accolades, articles sur le parcours de certains membres de cette mission, et mise en valeur du fait que tous les militaires sélectionnés sont membres du Parti communiste vietnamien, toutes les vertus de ces « soldats d’Hồ Chí Minh » (Bộ đội Cụ Hồ) ont été placées sous les feux des médias, qui ont opportunément inséré un reporter (militaire lui aussi) dans le détachement afin de relater au quotidien son action. Une mission dont il s’est acquitté à la perfection : nouvelle cérémonie avec déploiement des drapeaux à l’atterrissage à Istanbul le 13 février, puis couverture de tous les faits et gestes de ces militaires de l’action humanitaire sur leur site d’engagement - Antioche (Antakya), chef-lieu de la province de Hatay, qui a été rejoint le 14 février. 


Travaillant dans des conditions difficiles, au contact de détachements en provenance de nombreux pays (Chine, Bahrein, Sénégal entre autres), les militaires vietnamiens ont apporté leur pierre à la recherche de survivants parmi les décombres de la ville. Dans cette course contre le temps, les résultats ont été maigres (près d’une trentaine de corps retrouvés) mais l’important pour Hà Nội était surtout de ne pas être absent de cet effort international. Nul esprit de compétition ne prévalant dans ce type d’opération, les militaires vietnamiens ont semblé parfaitement à leur place dans ce dispositif visant à appuyer les forces locales dans les recherches. 


Le 17 février, les sauveteurs de la Công an ont été désengagés. Ils ont rejoint Hà Nội deux jours plus tard, avec à leur crédit le sauvetage d’une victime des décombres et la récupération de 14 corps, ainsi que le don de 15 tonnes de matériel aux autorité turques.

Le détachement militaire a pour sa part été désengagé le 23 février. Bénéficiant à nouveau d’un appareil de la Türkish Airlines, il s’est posé à Hà Nội le 24 février. Mise en scène oblige, l’on a pu voir le général Tỵ descendre de l’avion, dans la douceur hanoienne (20 degrés à 15 heures) avec sa casquette grand froid vissée sur le crâne, tandis que ses hommes (aucune femme n’avait en effet été projetée dans cette opération) brandissaient les drapeaux de la solidarité vietnamo-turque. 

Cette remarquable opération de communication s’est conclue le lendemain par une impressionnante cérémonie de remise de lettres de félicitations, par vagues successives, à tous les militaires (il en avait été de même pour tous les secouristes de la Công an dès leur retour). 

L’observateur n’a pu s’empêcher de penser que le plus important n’était pas forcément les militaires mis à l’honneur mais la mise en exergue des personnalités et associations qui se bousculaient pour décerner, tant aux individus qu’aux unités auxquels ils appartenaient, leur(s) diplôme(s) : cabinet du Premier ministre, ministère de la défense (GAR Lương Cường, directeur du Département général Politique ; GCA Nguyễn Tân Cương, CEMG ; GCA Võ Minh Lương et Hoàng Xuân Chiến, vice-ministres) ; Jeunesse communiste Hồ Chí Minh, Comité de la Croix-Rouge vietnamienne. L’on peut au moins saluer le fait que ces soldats n’attendent pas des mois
(voire plus) pour voir leur(s) action(s) gravées dans des témoignages de satisfaction ou lettres de félicitations. A contrario, l’on remarquera que, dans cette « manœuvre de la félicitation », tout le monde est mis d’emblée sur un pied d’égalité - sauf les chiens sauveteurs, qui n’ont pourtant certainement pas démérité dans cette mission tout aussi à hauts risques pour eux. 


Cette mission réussie portera sans aucun doute du fruit sur le long terme, sur plusieurs niveaux : renforcement de l’image de l’armée (et de celle des hautes autorités politiques) au sein de la société vietnamienne, avec son engagement dans l’exécution des missions ordonnées par le Comité national en charge des opérations de sauvetage liées aux catastrophes naturelles ; renforcement de l’image du Viêt Nam sur la scène internationale (engagement immédiat et sans réserve dans des causes humanitaires d’urgence, y compris sans expérience internationale initiale) ; et bien sûr renforcement des connaissances opérationnelles des sapeurs, médecins et infirmiers, et équipes cynophiles dans cette première opération de secours, très loin de leurs bases et sur un théâtre d’opération très dur par l’ampleur des destructions et des victimes mais aussi par la grande âpreté des conditions climatiques et de travail. Ce bilan indéniablement positif devrait en tout état de cause permettre aux unités destinées à être engagées dans des opérations de secours humanitaire, y compris chaque année sur le sol vietnamien, de profiter du retour d’expérience de ces « pionniers », et ce avant même le début de la saison des typhons. Ce segment de l’activité militaire, notamment de ses composantes service de santé et génie, devrait enfin ouvrir un nouveau champ dans l’éventail des actions de coopération que les autorités vietnamiennes ouvrent avec leurs partenaires internationaux, qu’ils soient régionaux (Singapour, Indonésie, Malaisie, Philippines, Thaïlande pour l’Asie du sud-est ; Japon, Corée du sud, Chine pour le cercle un peu plus lointain) ou occidentaux.